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L'enseignement de la Shoah, trop peu ou trop ? A propos de Madame Pederzoli
Publié le 02 septembre 2010 par Jcgrellety
Il y a quelques semaines, nous publions ici une note consacrée aux déclarations scandaleuses de M. Finkielkraut. Invité à parler dans une conférence sur la Shoah, il déclarait que "la situation au
Proche-Orient risque d'amplifier ce mouvement de rage contre la mémoire
de la Shoah qui existe" dans le pays.Dans une interview à l'AFP, le
philosophe a désigné ce mouvement comme "l'union de gens issus de
l'immigration et d'intellectuels progressistes, une sorte d'arc
islamo-gauchiste qui m'inquiète".Dans son discours d'ouverture du
colloque annuel, samedi soir, Alain Finkielkraut avait évoqué le "devoir
de mémoire plus important que jamais"."Je crois que le moment où Auschwitz
sera boycotté comme un produit israélien peut arriver", a-t-il ajouté,
en faisant allusion au mouvement international pro-palestinien qui
appelle au boycottage économique et culturel d'Israël." Qu'un citoyen français juif ait pu oser être le premier à parler d'Auschwitz comme un "produit israëlien" démontrait jusqu'où le conduisait son délire à propos de la mémoire niée. Dans cette rentrée, une professeure d'histoire de Nancy vient d'être suspendue quatre mois au motif qu'elle a manqué "à ses obligations «de neutralité et de laïcité» dans son enseignement et lors de voyages scolaires dans des anciens camps de concentration, a indiqué mardi son avocate." Que lui est-il reproché ? Elle ne fait pas partie de ces professeurs que M. Finkielkraut entendait stigmatiser et qui, en France, ne respecteraient les consignes d'enseignement des programmes d'Histoire (selon les niveaux, les classes), puisque les élèves peuvent avoir, selon leur parcours, deux fois le même enseignement sur la Seconde Guerre Mondiale ET DONC la Shoah. Etant donné que ce génocide ne peut être ni dans l'Histoire de la Seconde Guerre Mondiale ni dans l'Histoire en général un "détail", mais au contraire, un fait majeur, les élèves français sont donc bien informés de ce qui s'est passé, des conditions, historiques, techniques, psychologiques, des causes et des conséquences. Le reproche concernant le respect de la laïcité est cocasse quand on
sait ce qu'il en est de cette laïcité en Alsace-Moselle, à cause du
Concordat ! Les incriminations des inspecteurs à son endroit sont vertigineuses : "Les inspecteurs estiment aussi que Mme Pederzoli consacre trop de
temps à l’organisation de voyages sur l’histoire des juifs en Europe
centrale, comprenant des visites à des camps comme celui
d’Auschwitz-Birkenau, dans l’actuelle Pologne. «Un temps non négligeable de préparation étant consacré au
projet, des parties du programme risquent de lui être plus ou moins
sacrifiés», écrivent-ils, dans leur rapport. Les auteurs notent en outre que, lors de leur entretien avec la professeur, cette dernière a prononcé 14 fois le mot «Shoah», «tandis
que le terme à la fois plus neutre et juridiquement fondé de +génocide+
n’(a été) mentionné que deux fois, comme en passant», écrivent-ils." Préparer et réaliser des voyages scolaires éducatifs prend beaucoup de temps. Chaque professeur qui a pu être amené à un tel projet et à sa réalisation le sait par expérience. Quant au terme Shoah, il se trouve dans les manuels scolaires, en équivalence avec celui de génocide. De son côté, "Le rectorat «insiste sur le fait qu’il s’agit d’un dossier relevant
de la problématique générale de l’organisation des voyages scolaires
(…), sans rapport avec le sujet de la transmission de l’histoire et de
la mémoire de la Shoah, à laquelle l’Education Nationale est très
attachée». Sans rapport avec ? Telle quelle, l'histoire écrite par ce rectorat et ces inspecteurs n'a aucun sens, et devrait rapidement être entièrement annulée par une décision ministérielle, puisqu'il n'y a rien à reprocher à Madame Pederzoli qui insiste beaucoup sur la transmission d'une mémoire. Les professeurs ont encore, paraît-il, une certaine marge de manoeuvre pour décider de la manière et du volume de temps qu'ils entendent consacrer à cet effet, sachant qu'ils ont pour seuls interdits l'oubli volontaire et le négationnisme.