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La cinémathèque de Jérusalem, œuvre de Lia van Leer

Par Mickabenda @judaicine

Judaiciné-cinémathéque de jérusalem

Sur le programme du 10ème festival du film international à Jérusalem en 1993 le maire Teddy Kollek écrivait :
« Le Centre du Film à Jérusalem joue plusieurs rôles dans la vie culturelle et éducative de notre ville ; il projette des long-métrages classiques et des films rares, il contient les archives du film et de la littérature du cinéma, il offre des cours professionnels et organise des rencontres entre des écoliers juifs et arabes. »

Depuis la rédaction de ce texte, la cinémathèque de Jérusalem s’est développée dans plusieurs domaines, mais au fond ces mots résument le rôle de cette institution et son influence sur la vie sociale.
L’histoire commence au début des années cinquante à Haïfa. A cette époque Israël n’avait pas encore de télévision, par contre, le pays était en tête de liste du monde entier pour la fréquentation des salles de cinéma.
En 1952 le Néerlandais Wim van Leer épouse Lia Greenberg, une jeune femme venue de Balti, à l’époque en Roumanie, aujourd’hui en Moldavie. Van Leer, pilote, ingénieur, écrivain et producteur de cinéma, ramène souvent un film de ses vols en Europe. Le père de Wim offre au jeune couple un cadeau qui va grandement leur servir : un projecteur 16 mm. Les vendredis, en compagnie de leurs amis, ils regardent ces films. L’adresse de leur maison devient ainsi un lieu très recherché. Le « club du film » fondé par ces cinéphiles n’a bientôt pas assez de place dans cet appartement. Il faut rechercher un lieu plus approprié. Le club devient la cinémathèque de Haïfa, fondée par Lia van Leer.

En 1973 le couple Van Leer déménage à Jérusalem. Lia se retrouve devant un nouveau défi : la fondation d’une cinémathèque à Jérusalem. L’endroit choisi est dans la vallée de Ben Hinnom (Géhenne), sous les murailles de la Vieille Ville, au croisement de deux anciens quartiers de la nouvelle ville de Jérusalem : Abu Tor et Yamin Moshe. Abu Tor est l’un des quartiers où Juifs et Arabes cohabitent. Yamin Moshe, connu pour son moulin à vent, a été bâti par le philanthrope Moses Montefiore en 1860. Les maisons construites à la même époque sont devenues un quartier d’artistes avec le centre Mishkenot Sha’ananim. La cinémathèque est située dans un espace vert, très ouvert. De la terrasse du restaurant, une vue panoramique sur le Mont Sion, les Remparts de la Vieille Ville, la Tour de David et la piscine du Sultan.
Par la suite, plusieurs personnes se sont vantées d’avoir été les premières à voir dans ce lieu l’endroit idéal pour le centre. Par contre c’est un fait connu qu’en 1973 l’homme d’affaires brésilien, George Ostrovsky, fit un don important pour sa construction. Le maire de Jérusalem Teddy Kollek et la Fondation de Jérusalem se sont chargés de trouver des fonds supplémentaires chez leurs amis à Hollywood et dans le monde entier.
Le centre étant devenu trop petit, les amis sont encore une fois appelés à œuvrer en sa faveur. C’est surtout la Fondation de Jérusalem qui s’est chargée de trouver les fonds nécessaires. En 2007, après un an de travaux intensifs, la cinémathèque agrandie rouvre ses portes.
Au début des années 60, les van Leer transforment leur collection privée de long-métrages et films documentaires en archives. Elles sont enregistrées dans la Fédération du film international. Aujourd’hui ces archives constituent une partie importante de la cinémathèque de Jérusalem. C’est, au Moyen Orient, la plus grande institution chargée de collectionner et préserver des milliers de films israéliens et étrangers. Les archives comptent environ 30 000 copies de long-métrages et films documentaires, plus de 20000 films-vidéos et des milliers de pellicules de films israéliens. Depuis 1999 chaque film israélien, ayant reçu une contribution d’un fonds du pays, doit y être déposé. Les archives englobent d’ailleurs la collection la plus importante du film juif ainsi que des productions sur la Shoa. L’accès libre aux archives des pays de l’Europe de l’est a permis aux responsables de la cinémathèque d’acquérir un nombre considérable de long-métrages et de films documentaires supplémentaires traitant de ces deux sujets.

Depuis l’ouverture de la cinémathèque, les programmes éducatifs jouent un rôle important. A partir de 1981 des bourses gouvernementales, municipales et internationales ainsi que des dons institutionnels ou privés ont été investis dans l’éducation cinématographique au sens le plus large. Des cours magistraux et des séminaires ont lieu 300 jours par an. La projection est suivie de dialogues en présence du réalisateur ou d’un expert en cinématographie.
Un autre endroit important est la bibliothèque qui est ouverte à tout le monde. La plus grande partie des livres est en anglais et hébreu. Des biographies, l’histoire du cinéma, des catalogues et guides techniques se trouvent côte à côte avec des magazines et autres lectures professionnels.
Mais une cinémathèque est avant tout un lieu de projection de films. Le programme de base doit être revalorisé à l’aide d’événements spéciaux. Etant juge au festival de Cannes, Lia van Leer a décidé de créer son propre festival. Ainsi le 17 mai 1984 le premier festival du film international a vu le jour à la cinémathèque de Jérusalem. Jeanne Moreau, Warren Beatty, Lillian Gish et John Shlesinger sont venus sur les lieux pour l’inauguration. 5 ans plus tard Lia van Leer persuada le philanthrope américain Jack Wolgin d’organiser une compétition pour le film israélien avec un prix portant son nom. Le prix Wolgin est devenu le prix le plus prestigieux du pays.
Vu l’importance du film israélien et juif dans de nombreux pays, la cinémathèque a ajouté un festival du film juif en hiver, à Hanoukka, la fête des lumières. Comme pour le festival international, le nombre de professionnels qui veulent montrer leur œuvre dépasse les capacités du centre. La projection est réalisée en présence d’une audience venue du monde entier, avec des responsables d’un festival du même nom se déroulant dans leur propre pays.
Les plus jeunes spectateurs sont-ils négligés, oubliés ? Non. Du 15 au 18 août 2010, la cinémathèque fêtera le festival de l’enfant pour la 3ème fois. La relève est garantie.
En 2004, à l’âge de 80 ans, Lia van Leer reçoit le Prix d’Israël pour ses œuvres et sa contribution personnelle à la production et au développement du film israélien. Cette année, après le 27ème festival, le journaliste Yossi Klein décrit dans le quotidien Ha’aretz, le 18 juillet 2010, le rôle actuel de Lia van Leer :
« C’est une situation familière aux mères. L’enfant croit qu’il est déjà adulte, mais la mère ne le voit pas ainsi. Dans la vie privée la mère doit céder, dans la vie publique on la nomme présidente. »


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