LE BRUIT DES GLACONS de Bertrand Blier

Quand le cancer sonne à la porte (génial Dupontel en méchant abstrait), il ne prévient pas. En personnifiant le mal rongeur, annonciateur de mort, Blier étale son cynisme habituel, férocement bouleversant, tendrement acéré. Son orchestration impitoyable d'une danse macabre à quatre protagonistes (l'homme, la femme, et leurs démons d'alter égo) se mue en jeu cruel: avec le spectateur d'abord (mise en scène miroir, hystérie non dissimulée, flirt avec le fantastique aux accents de désespoir), avec les notions abordées ensuite (la maladie, l'alcoolisme, la mort et l'amour). Le cancer, en être de chair, aux relents incarnés de putréfaction, symbolise alors l'absence de règles d'existences à la dérive, une absurdité aux allures de tombola, l'humain redevenu simple mécanisme dont un seul grain de sable peut venir saboter les rouages. La réponse de Blier à ce bazar philosophique est simple: un éclat de rire noir et un je m'en-foutisme touchant sublimés par une verve au vitriol et le talent de dialoguiste- en bon affamé des mots- qu'on lui connaît. Son film s'imprègne alors tout à la fois d'une tenace odeur de mort- menace qui rôde tout autour- et d'un incroyable élan de vie et d'espoir qui saisit coeurs et corps. Et, finalement, ce n'est pas l'étreinte splendide d'un amour sauvagement inattendu qui sauve les personnages, mais bien toute l'ampleur de la finesse qu'ils mettent en place pour échapper aux griffes de la malignité.