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Poezibao a reçu n° 139, dimanche 5 septembre 2010

Par Florence Trocmé

Cette rubrique suit l’actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages reçus par Poezibao. Il ne s’agit pas de fiches de lecture ou de notes critiques et les présentations font souvent appel aux informations fournies par les éditeurs.  
 
°Henry D. Thoreau, Walden, Le mot et le reste  
°Eduard Mörike, Poèmes/Gedichte, Les Belles Lettres 
°Jean-Luc Sarré, Comme si rien ne pressait, La Dogana 
°Laurent Grisel, Un Hymne à la paix (16 fois), Publie.net 
°Ghassan Zaqtan, Comme un rêve à midi, Al Manar 
°Isabelle Clerc, Petit X, Éditions éolienne 
°Thomas Vinau, Tenir tête à l’orage, éditions N&B 
°Moubarak Ouassat, Un éclair dans une forêt, Al Manar 
°Richard Taillefer, jusqu’à ce que tout s’efface, Éditions Dédicaces 
°Marie-Josée Christien, Aspects du canal, Sac à mots
 
notices détaillées de ces ouvrages en cliquant sur « lire la suite... » 

Henry D. Thoreau 
Walden  
Traduction nouvelle de Brice Matthieussent, préface de Jim Harrison
Postface et notes de Michel Granger 
coll. Attitudes, Le Mot et le reste, 2010
23 € 
Tant apprécié par Proust et par Gide qui tous deux envisagèrent de le traduire, le chef-d’œuvre littéraire de Henry D. Thoreau n’a jamais obtenu la traduction en français qui rendrait justice à sa richesse et à sa complexité. Rédigé à partir d’une conférence donnée pour expliquer le sens de son séjour dans les bois de Concord (Massachusetts), l’essai a été longuement retravaillé entre 1847 et 1854. Il a été réécrit 8 fois, chaque nouvelle version bénéficiant d’ajouts empruntés au Journal et de formulations plus proches de ce que Thoreau cherchait à dire au sujet de son immersion dans la nature, de son refus de la tradition tout autant que du monde moderne.
Le ton employé par cette figure excentrique de la littérature américaine est volontiers provocateur lorsqu’il exprime son refus d’une société trop préoccupée de commerce et d’argent. Thoreau ne veut pas une communication simple, univoque, mais joue sur les mots, retrouve des sens oubliés, voire imagine une étymologie, afin de faire entendre bien plus que le sens commun, au risque d’une obscurité qu’il accepte, si c’est le prix à payer pour s’approcher au plus près de sa vérité intime. C’est dire que cette œuvre longuement mûrie s’est forgé une langue noueuse, surchargée d’intertextualité et d’allusions culturelles à la vie du XIXe siècle américain et qu’elle est parfois difficile à interpréter.
La pensée étonnamment moderne de Thoreau, concernant la résistance vitale de l’individu aux empiètements de la société et la nécessité de garder le contact avec la nature, mérite d’être portée à la connaissance du public francophone : cela ne peut se faire qu’avec une traduction qui rende justice à la qualité et à la densité du texte de Walden. 
Michel Granger (spécialiste de Henry D. Thoreau) (sur le site de l’éditeur, où l’on peut lire quelques extraits du livre) 
•Eduard Mörike 
Poèmes/Gedichte 
Traduit de l’allemand par Nicole Taubes 
Introduction de Jean-Marie Valentin 
édition bilingue, coll. Bibliothèque allemande, les Belles Lettres, 2010 
45 € 
Le recul de la littérature en Allemagne au XIXe siècle au profit de la philosophie donne-t-il raison à Hegel, prophète de « la fin de l'ère artistique » ? N'y aurait-il rien entre la mort de Gœthe (1832) et le renouveau des années 1880 ? Heinrich Heine s'inscrit évidemment en faux contre ce jugement péremptoire. Mais une autre œuvre domine ce temps, celle du Souabe Eduard Mörike (1804-1875). Conteur et nouvelliste, ce dernier a été cependant surtout un très grand poète lyrique.
Nourrie des Grecs et des Latins, inimaginable sans le siècle romantique et classique, sa langue est d'une rigueur formelle exceptionnelle. Elle dit une expérience de la vie tendue entre le proche et le lointain, le jeu et le sérieux, le matériel et le spirituel.
En des temps prosaïques partagés entre l'attente révolutionnaire et le repli sur une médiocrité maquillée en sagesse, Mörike a tenté de réenchanter le monde par le Verbe. Loin de l'histoire idolâtrée, il a fait de l'instant l'outil d'une saisie délicate de la réalité, mariant le concret à l'onirique.
Avec lui, la première place échoit aux sensations propres aux états transitoires. Par l'image, c'est à ces instants que s'accomplit dans l'écriture même qui la restitue l'alchimie délicate de la création poétique. (sur le site de l’éditeur et dos du livre) 
•Jean-Luc Sarré 
Comme si rien ne pressait, précédé de Rurales, urbaines & autres et Au crayon 
Carnets 1990-2005 
La Dogana, 2010
22 € 
Un petit arbre ridicule, toiletté comme un caniche. On pourrait presque lui tendre un sucre. 
Un bus vide de passagers fonçant à travers la nuit pour regagner son dépôt : cette image fugitive de la mort s’estompe, lorsque, un peu plus loin, l’engin se met à ferrailler. 
Je ramasse un caillou au bord de la route et c’est mon cerveau sec et atrophié que j’ai l’impression de rouler entre mes doigts 
 
(trois extraits de la page 57 de ce livre dont Antoine Emaz a rendu compte sur le site) 
•Laurent Grisel 
Un Hymne à la paix (16 fois) 
Publie.net – lien vers la page de téléchargement
5,99 € 
Conflit d’un monde soumis toujours à ses plus vieux démons, et de l’aspiration qui nous fonde comme communauté, et de plus en plus sous le risque, le danger, l’urgence. 
Ce qui nous fonde comme communauté, malgré la guerre et les démons : le langage, la parole, et comment ils se retournent sur les premiers, en nous énonçant comme communauté. 
Depuis bien des siècles se structure ici l’éthique. On peut l’énoncer conceptuellement, c’est la philosophie, on peut se contenter de l’ouvrir en tant que tâche et dépli du langage, c’est la poésie. 
Il se trouve que la seconde tâche, si elle perdure, c’est que le concept à un moment cède devant le langage, et ce qu’il ouvre, la nuit qu’il porte, ou la mise en chemin. 
Cette intersection avec l’abstrait, et avec l’agir, ce en quoi le monde est régi par le langage – mais le langage à la fois réifié et en permanentes secousses sismiques que sont, notamment, la morale et la justice – a toujours eu son équivalent de sources dans la littérature. 
Ici, lisant Laurent Grisel, on a souvent l’impression qu’est réouverte la trappe des grands parleurs du 16ème siècle, et Agrippa d’Aubigné notamment, ses Stances composées dans le temps même de la guerre, l’épée posée sur l’herbe au soir des combats – vous verrez, ce n’est pas une figure de style pour lui faire plaisir. 
Cette vieille hauteur revêche du verbe pour qu’il se dresse à égalité de ce qui râpe et heurte dans le monde. 
Ce combat, pour rester neuf, ne peut tolérer la chosification des formes. On en appelle à une forme, mais on doit la casser du même coup. Moulage unique. Le dépli qu’inaugure Laurent Grisel, en ce lieu où parlent, dans le monde d’aujourd’hui, le Bourreau et la Justice, avec un homme et une femme, se recomposera en plusieurs pièces, elles-mêmes liées à leur circonstance d’énonciation – ce que Laurent Grisel nomme « une brusque idée de paix ». Le poème (ou projet) global s’intitulant Descartes tira l’épée. 
(texte de François Bon, sur le site publie.net) 
Poezibao publiera la semaine prochaine une note d’Antoine Emaz sur ce livre. 
•Ghassan Zaqtan 
Comme un rêve à midi 
Traduit de l’arabe (Palestine) par Antoine Jockey 
coll. Voix vives, de Méditerranée en Méditerranée, Al Manar, 2010
10 € 
Reste-t-il du temps pour lui dire :
Bonsoir, mère
Je suis revenu avec une balle dans le cœur
Voilà mon oreiller...
Et je veux me reposer 
Si la guerre éclate
Dis-leur :
Il se repose. 
 
Ghassan Zaqtan (1954) est né en Palestine, à Beit Jala, près de Bethléem. Il a enseigné en Jordanie dans les différents camps de réfugiés qu’il a traversés. Revenu en Palestine en 2001, il vit actuellement à Ramallah et est responsable du secteur Littérature et Edition au ministère de la Culture. Il est l’auteur d’une dizaine de recueils de poésie, de nombreux textes en revues mais aussi de pièces de théâtre et de scénarios. Il dirige par ailleurs les pages littéraires du quotidien Al-Ayyam de Ramallah. (sur le site de l’éditeur) 
•Isabelle Clerc 
Petit X 
Histoires provisoires 
Éditions éolienne, 2010 
10 € 
« Ceux qui traversent le monde en restant invisibles sont de plus en plus rares. A l’heure où la planète installe un gigantesque café du commerce, il existe au-delà de cette foire aux clichés des inconnus qui, à force d’être candides, égarés, trouvent leur chemin vers un accomplissement étranger aux sentiers battus de la réussite. Le héros de cet essai d’Isabelle Clerc est l’équivalent de la lettre x dans les équations, variable de la sagesse et du bonheur. Petit x est cette part de nous-mêmes qui a le plus de chance de se frayer un chemin jusqu’en haut de la marelle. » (dos du livre) 
•Thomas Vinau 
Tenir tête à l’orage 
coll. Poésie, Éditions N&B, 2010
12 € 
Cette eau, goûte-là. 
Elle a le goût que tu auras si un beau jour 
tu te retrouves. 
D’une pluie froide et cinglante, on peut renaître. 
Du vent, de la grisaille, des rafales bien fraîches 
qui se moquent de toi. 
Tout ça c’est du savon. 
Rince ! Rince ! 
(p. 34)  
Thomas Vinau est né en 1978 à Toulouse. Il vit au pied du Lubéron et on peut suivre son travail et ses parutions sur son site 
•Moubarak Ouassat 
Un éclair dans la forêt 
Traduit de l’arabe (Maroc), divers traducteurs, édition bilingue 
coll. Voix vives, de Méditerranée en Méditerranée, Al Manar, 2010
10 € 
De mes cheveux se sont envolés des papillons
pour importuner le soldat
des papillons qui piquaient jusqu’au sang
Et quand je m’en suis approché
ils ont redoublé de férocité
C’est ainsi que j’ai commencé à susciter des doutes
La soumission ne m’a jamais attiré
voilà pourquoi je façonne maintenant des flèches
avec des gouttes
de vin 
Moubarak Ouassat est né en 1955 à Mzinda, un village de la région de Safi, au Maroc. Sa poésie est publiée dès 1974 ; elle sera traduite en français, en anglais, en allemand, en espagnol, en macédonien et en suédois. Auteur de plusieurs recueils, Ouassat est également professeur de philosophie, chroniqueur littéraire et traducteur. Il a traduit en arabe de nombreux poètes, notamment Robert Desnos et Henri Michaux. (site de l’éditeur) 
•Richard Taillefer 
Jusqu’à ce que tout s’efface 
Préface de Michel Méresse 
Éditions Dédicaces, 2010 
Prix non indiqué 
Ce qui importe 
C’est l’ouverture d’esprit qui vous habite 
Ne cherchez pas un point d’appui 
Tout équilibre ici-bas est éphémère 
 
Poète de l’ouvert, Richard Taillefer nous donne ici un recueil qui chemine de l’ombre à la lumière, avec des allers et retours entre espoir et désillusion, constats de la vanité de tous nos agissements et remémoration d’instants de bonheurs. L’écriture suit ce mouvement de balancier, se faisant plus ou moins grave ou légère selon les moments de ce parcours existentiel. (dos du livre). 
•Marie-Josée Christien 
Aspects du canal 
Sac à mots, 2010 
Prix non précisé 
L’eau sombre  
des écluses 
porte 
des ruminations 
comme un rappel continu 
(p. 31)
 
Marie-Josée Christien est née en 1957 à Guiscriff. Institutrice et directrice d’école maternelle en centre-Bretagne (Motreff et Carhaix), elle est actuellement professeur des écoles à Quimper. 
Elle est poète et a publié de nombreux recueils. Elle anime la revue Spered Gouez / L'esprit sauvage qu'elle a fondée à Carhaix en 1991. 
Elle est traduite en allemand, en bulgare, en breton et en espagnol et est présente dans une vingtaine d’anthologies et d’ouvrages collectifs. 
Elle est critique et collabore régulièrement au magazine ArMen. Collagiste, elle expose régulièrement. 
En 2009, le prix Xavier Grall a été décerné à Marie-Josée Christien pour l’ensemble de son œuvre au cours du Festival de la Parole Poétique du Pays de Quimperlé.  


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