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VISKNINGAR OCH ROP (Cris et chuchotements) (Ingmar Bergman - 1972)

Par Actarus682

http://a6.idata.over-blog.com/375x499/1/22/22/67/Affiches/bergman-cris-et-chuchotements.jpgS'atteler à la critique d'un film d'Ingmar Bergman peut, a priori, s'apparenter à un parcours du combattant. Le metteur en scène, que je considère comme l'un des trois plus grands de l'histoire du cinéma, suscite en moi une profonde humilité et un sentiment d'extrême respect.

L'intelligence du réalisateur suédois, la pertinence de ses films, le travail sur ses cadres, m'inspirent davantage le silence religieux que la critique argumentée. Cependant, et parce que toute oeuvre d'art se doit d'être appréhendée à l'aune de son contenu, les films de Bergman, aussi brillants soient-ils, ne sauraient se dérober à la critique, fut-elle sous-tendue par une dévotion sans bornes, et donc subjective (l'esprit de toute critique, en somme).

Cris et chuchotements, considéré à juste titre comme l'un des films les plus remarquables de Bergman, raconte l'histoire de trois soeurs réunies dans le manoir familial. L'une d'entre elles, Agnès, est atteinte d'un cancer et est veillée par Karin et Maria, ainsi que par leur domestique, Anna. Confrontées à la mort annoncée d'Agnès, chacune de ces femmes va peu à peu voir ressurgir ses peurs, ses démons, ses échecs, dans une violence sourde qui baignera tout le film.

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Le but de Bergman avec Cris et chuchotements apparaît limpide à l'issue de la projection: signifier l'omniprésence et la prégnance de la mort sur et dans l'existence, la vie portant en son sein les racines de la mort, tentacules appelées à se développer inexorablement, contaminant et orientant choix, réflexions, comportements. En celà, le film est un concentré de douleur dans son analyse ontologique et métaphysique de la nature humaine.

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Loin de ne proposer qu'une réflexion intellectuelle sur l'existence gangrenée par son poison fatal (l'on pourrait presque parler ici de Nemesis), Bergman livre également une oeuvre extrêmement sensorielle. A ce titre, le choix des couleurs du film imprègnent la rétine 90 minutes durant, dans un mélange de rouges et de blancs qui quitteront rarement l'écran. Ce rouge, que Bergman assimilait à la couleur de l'âme, pourra également être vu comme la représentation visuelle de cette violence qui englobe les personnages et les confronte à leurs échecs (Bergman utilisant par ailleurs cette couleur à de nombreuses reprises dans de troublants fondus au rouge).

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Cependant, le metteur en scène ne se complait jamais dans son pessimisme affiché, mais rappelle au contraire que le bonheur, aussi fugace soit-il, se doit d'être savouré lorsqu'il se présente. A ce titre, la scène finale s'inscrit pleinement dans cette démarche, et offre une bouffée d'oxygène à l'atmosphère anxiogène qui imprégnait chacune des scènes du film. La démarche est ici inversée par rapport à la séquence d'ouverture dans laquelle le cadre idyllique et champêtre des alentours du château laissaient la place à l'inexorable écoulement du temps via des horloges et leurs terrifiants tic-tac égrenant les secondes dans une angoissante mélopée. L'on ne redira à ce titre jamais assez l'importance de l'ouverture et de la fermeture d'un film, bien souvent riches d'indices, de sens, et d'intentions.

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Le choix des cadres de Bergman se doit également d'être souligné, la mise en scène du réalisateur constituant le stylo avec lequel il raconte son histoire. Ainsi, le placement des personnages dans le cadre, les jeux de lumière et d'ombres, le choix des mouvements de caméra (à l'image de ce formidable travelling arrière suivant Anna et laissant apparaître en arrière-plan les silhouettes fantômatiques de Karin et de Maria), s'inscrivent comme de véritables leçons de mise en scène, celle où la forme détermine le fond.

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D'une vertigineuse richesse, à la fois pessimiste mais jamais résignée, l'histoire de Cris et chuchotements nous imprègne durablement après sa découverte, Bergman ayant réussi (comme il le fit quelques années plus tôt avec son chef d'oeuvre, Persona) à s'adresser à notre âme.

C'est aussi et surtout pour cela que j'aime le cinéma: sa capacité à contribuer à me construire.




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