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Anthologie permanente : Paul Celan (spécial Editions Unes)

Par Florence Trocmé

 

L’anthologie de cette semaine reprendra quelques textes publiés par Jean-Pierre Sintive au fil du parcours des Editions Unes. Quelques jalons seulement de l’histoire d’une maison qui, de 1981 à 2002, sut unir auteurs traducteurs et plasticiens dans l’amour du beau livre. Un échantillon infime qui ne peut prétendre à rendre compte des fidélités ni de la richesse du catalogue qui compte 250 ouvrages. Pour Poezibao, Anne Bernou a repris cinq extraits du catalogue Extraits du corps et les a complétés à partir de l’ouvrage concerné des Editions Unes. 

Paul Celan, Poèmes, traduction de J.E. Jackson, vignette de couverture Miklos Bokor, 1987

  
(…) 
Beth,- c’est 
la maison où la table se tient avec 
la lumière et la lumière. 
 
Paul Celan, in Extraits du corps, préface de Bernard Noël, catalogue publié à l’occasion d’une exposition, Editions Unes, 2000, pp. 30-31 
([...] le but poursuivi par un éditeur véritable ne serait-il pas d’enfouir parmi ses livres un Livre invisible dont sa marque à jamais sera le masque….Bernard Noël( 

Miklos Bokor, desssin original, tirage de tête, Paul Celan, Poèmes, Editions Unes, 1987

  
FENÊTRE DE HUTTE 
 
Sombre, l’œil : 
comme fenêtre de hutte. Il rassemble 
ce qui fut monde, reste monde : l’Est 
qui erre, ceux 
qui planent, les 
Hommes-et-les-Juifs, 
le peuple-des-nuées, magnétiquement, 
te hâle, terre, 
de ses doigts de coeur: 
tu viens, tu viens, 
demeure nous aurons; demeure, quelque chose 
_ un souffle ? un nom ? _ 
parcourt l’étendue orpheline, 
agile, massif, 
l’aile de 
l’ange, lourde d’invisible, au 
pied écorché, qu’amarre 
par le poids de sa tête 
la grêle noire qui 
tombait là-bas aussi, à Witebsk, 
_ et eux, qui la semaient, ils 
la rayent de 
leur griffe, mimétique, de poing blindé! _ 
quelque chose va, parcourt, 
quête, 
quête  vers le bas, 
quête vers le haut, au loin, quête  
de l’œil, arrache 
Alpha du Centaure, Arcturus, arrache 
de surcroît le rayon, hors des tombes,    
va vers Ghetto, vers Eden, recueille 
la constellation dont lui, 
l’homme, a besoin pour demeure, ici, 
parmi les hommes, 
mesure 
les lettres et l’âme mortelle _ 
immortelle de ces lettres, 
va vers Aleph et Jud et va plus loin,  
le bâtit, le bouclier de David, le fait 
s’embraser, une fois, 
le fait s’éteindre _ le voici qui se tient, 
invisible, qui se tient 
près d’Alpha et d’Aleph, près de Jud, 
près des autres, près de 
tous : en  
toi,  
Beth, _ c’est  
la maison où la table se tient avec  
la lumière et la lumière. 
Paul Celan, Poèmes, traduit de l’allemand et préfacé par John E. Jackson, édition bilingue, vignette de couverture de Miklos Bokor, 1987, nouvelle édition 1996, pp. 38-43 
Tirages de tête : 11 sur Vélin d’Arches, numérotés de I à XI, contenant un dessin original de Miklos Bokor, signé. 
33 sur Vélin d’Arches, numérotés de 1 à 33, accompagnés d’une gravure de Miklos Bokor, signée. 
HÜTTENFENSTER  
Das Aug, dunkel :  
als Hüttenfenster. Es sammelt,  
was Welt war, Welt bleibt : den Wander-   
Osten, die  
Schwebenden, die   
Menschen-und-Juden,   
das Volk-vom-Gewölk, magnetisch  
ziehts, mit Herzfingern, an  
dir Erde:  
du kommst, du kommst,  
wohnen werden wir, wohnen, etwas  
_  ein Atem ? ein Name ? _  
geht im Verwaisten umher,  
tänzerisch, klobig,  
die Engels-  
schwinge, schwer von Unsichtbarem, am  
wundgeschundenen Fuss, kopf-   
lastig getrimmt  
vom Schwarzhagel, der  
auch dort fiel, in Witebsk,  
_ und sie, die ihn säten, sie  
schreiben ihn weg   
mit mimetischer Panzerfaustklaue! _  
geht, geht umher,  
sucht,   
sucht unten,   
sucht droben, fern, sucht  
mit dem Auge, holt  
Alpha Centauri herunter, Arktur, holt  
den Strahl hinzu, aus den Gräbern,   
geht zu Ghetto und Eden, pflückt  
das Sternbild zusammen, das er,  
der Mensch, zum Wohnen braucht, hier,  
unter Menschen,  
schreitet  
die Buchstaben ab und der Buchstabensterblich-    
unsterbliche Seele,  
geht zu Aleph und Jud und geht weiter,  
baut ihn, den Davidsschild, lässt ihn  
aufflammen, einmal,  
lässt ihn erlöschen _ da steht er,  
unsichtbar, steht  
bei Alpha und Aleph, bei Jud,  
bei den andern, bei  
allen: in  
dir,   
Beth, _ das ist  
das Haus, wo der Tisch steht mit  
dem Licht und dem Licht.
 
  
La Galerie-éditions Remarque, située à Trans-en-Provence dans le Var, a été durement touchée par les désastreuses inondations du 15 juin, qui ont causé plus de trente victimes. Jean-Pierre Sintive et Stéphanie Ferrat nous ont fait savoir que  la galerie serait dans l’obligation de cesser son activité. Toute correspondance ou demande de catalogue pour les éditions Remarque et Unes doit être désormais adressée à:
 
Jean-Pierre Sintive 
B.P. 205 
83006 Draguignan Cedex 
par Anne Bernou
  
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