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La recherche désespérée du Paradis

Publié le 07 septembre 2010 par Marc Lenot

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C’est, paraît-il, le plus grand artiste pakistanais vivant. Ce que le Musée Guimet montre de Rashid Rana (jusqu’au 15 novembre) est certes intéressant, mais, comme la quasi-totalité des pièces

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présentées sont des montages photographiques à la Chuck Close ou à la Chris Jordan, c’est-à-dire de grandes images composées à partir d’une multitude de petites photographies, on reste quand même un peu sur sa faim, à la découverte de ce ‘plus grand artiste’. Il y a bien dans un coin deux petits tableaux abstraits, grilles de lignes d’épaisseur variable, et une autre grande composition bidimensionnelle du même type, mais on n’en saura pas plus sur cette première veine minimaliste.
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Ceci dit, la première pièce, Desperately Seeking Paradise, est en effet assez bluffante. Les oeuvres de Rashid Rana sont disséminées à travers le musée, et on explore en même temps les collections d’art asiatique. Donc, ce grand cube semble d’abord une masse minimaliste, miroir reflétant les Boddhisattvas de la salle, mais miroir morcelé, diffracté. En effet, en tournant autour, le miroir disparaît et on voit sur les quatre faces une représentation de grandes tours dont l’image est fragmentée, comme pixellisée. De plus près, on comprend qu’il y a là 18 rangées de 18 alvéoles, en trapèze, aux parois réfléchissantes, et
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dont le fond est occupé par des photographies miniatures de bicoques de Lahore. Selon l’angle de vision, la vue est différente, et ce sont ces masures tiers-mondistes qui, assemblées, forment l’image de la modernité. C’est un triple jeu d’optique, une triple illusion, mystérieuse et déroutante. Comme une anti-Kaaba.

Les autres compositions présentées ici sont presque toutes planes, et construites sur ce contraste entre grande image d’ensemble et petites images la composant. Ainsi, avec des

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viandes et des os à l’abattoir se composent deux tapis persans, volontairement légèrement irréguliers, qui accueillent le visiteur en haut de l’escalier, monumentaux (Red Carpet).

Dans un recoin, une image en angle montre la mer, des vagues. L’angularité de la pièce lui donne un effet vibratoire. Les détails sont des photographies de

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déchets plastiques, parsemés de quelques rares bateaux dans cette mer poubelle (Offshore Accounts). D’autres contrastes jouent sur la paix de la campagne penjâbie et le tumulte urbain (’A day in the Life of the Landscape’) ou sur la fascination pour Bollywood dans une grande image de spectateurs pakistanais d’une parade militaire.

Et puis, bien sûr, l’Origine du Monde, en face des gracieuses joueuse de polo de la dynastie Tang (Origins) : il faut reculer, plisser des yeux, transformer peu à peu l’image vue (assemblage, là encore, de chairs et de peaux) pour parvenir à l’image reconnue, passer de l’intime privé à l’exposé public. Quelques autres pièces sont basées sur le passage de 2D en 3D, téléviseurs, cuisinière, vases de fleurs, livres décomposés en carreaux de couleur, confusion entre l’objet et sa représentation.

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Et c’est l’occasion d’aller dans la superbe rotonde bibliothèque pour y voir un portrait moghol (I Love Miniature).

Ailleurs, une composition à la Rothko (What Lies Between Flesh and Blood)

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est faite de petits bouts de peau et de sang, inscription charnelle.

Au-delà du procédé, c’est un travail complexe, sur la reconstruction et la représentation, et on pourrait aussi explorer cette fascination pour la chair et le sang. Je demande à voir plus, un jour…

Photos de l’auteur.


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