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Un Dieu qui s’humilie

Par Borokoff

A propos de Des Hommes et des Dieux de Xavier Beauvois 3 out of 5 stars

Un Dieu qui s’humilie

En 1996, des moines Cisterciens, vivant depuis trois ans dans monastère de Tibhirine en Algérie, sont sauvagement assassinés. Mais est-ce une bavure de l’Etat algérien ou un coup du GIA ?…

Ce qui frappe d’abord dans le film de Xavier Beauvois, c’est la rigueur formelle extrême des plans, le dépouillement et la sobriété dans la mise en scène. Un dispositif formel presque froid, comme un vœu d’humilité, un souci d’exigence et de véracité dans la manière de relater le quotidien de ces moines.

Xavier Beauvois, dans une récente interview, s’était dit très impressionné par la vie de dévotion à et de confiance absolue en Dieu qui pouvaient être celle des moines. Et c’est ce qui ressort le plus dans le film, le refus des moines, malgré la menace réelle du GIA, de quitter l’enceinte sacrée.

Les scènes du quotidien des moines Cisterciens  se répètent : la journée commence à 4 heures du matin avec 1h30 de prières. Puis s’ajoutent les études, le scriptorium et 6 prières supplémentaires pour atteindre les 7 quotidiennes.

Pas de grands effets, donc, dans Des hommes et des Dieux, mais des moines confrontés à leur foi et au choix de partir ou rester. Tous resteront. Filmant depuis le point de vue des moines, Beauvois filme la répétition des rites, les discussions quotidiennes et vives entre les moines qui hésitent à quitter ou non le monastère.

Malgré l’agitation qui règne autour (des travailleurs croates ont été égorgés), les moines restent d’un calme et d’une sagesse absolus. Un contrôle d’eux-mêmes stupéfiant. Et c‘est ce que veut montrer Beauvois, que le vœux pieux de chasteté englobe plus largement le courage des moines, leur détermination à rester. Comme si seul Dieu devait décider de leur sort.

Si le film a de fortes allures de documentaire (répétition des scènes de processions religieuses, des rituels liturgiques, des chants sacrés, de tout un protocole d’Eglise), Beauvois insiste davantage sur les liens ténus qui se sont crées entre la population (elle aussi terrorisée) et les moines de Tibhirine.

Le moine Luc (Michael Lonsdale) est par exemple un médecin proche de Rabbia, une enfant du village, etc… Les moines, dans leur tolérance et leur vœu de paix,  fourniront même des médicaments (parfois certes sous la menace) aux membres du GIA blessés.

Beauvois n’est pourtant pas un documentariste ni un Historien. Il n’a pas pour but de défendre l’innocence de ces moines assassinés ni vocation d’en faire des victimes ou des martyrs, mais il cherche, par une démarche intuitive, à comprendre les motifs qui ont poussé à leur assassinat. Et cette question débouche pour lui sur une incompréhension, une douleur non élucidable. Ce meurtre collectif n’a d’ailleurs jamais été résolu par l’Etat algérien..

Le générique de fin précise qu’on ne sait jamais si l’assassinat des moines est une bavure de l’armée algérienne ou une décision programmée du GIA.

Alors, dans les décors et une ambiance des plus froids et qui font penser au Thérèse d’Alain Cavalier (les lunettes de Lambert Wilson n’aident pas non plus à réchauffer l’atmosphère), Beauvois cherche, bute, s’interroge sans fin sur l’absurdité du meurtre collectif de moines de Tibhirine. Eux qui n’avaient fait aucun mal, qui venaient même en aide aux populations locales, de la manière la plus païenne et humaine qui soient. Ce procédé filmique  ne fait qu’ajouter à la barbarie et la bêtise humaines. L’absurdité d’un tel massacre surtout…

www.youtube.com/watch?v=w1M_90ndVN4


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