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L’Etrange Festival 2010 Jour 9 : 3 gommes et un coffin

Publié le 12 septembre 2010 par Boustoune

Ce qu’il y a de bien avec L’Etrange Festival, c’est que chaque journée apporte son lot de surprises. Après nous avoir fait découvrir mille et une tortures hier, le programme nous entraînait aujourd’hui, au choix, dans les Appalaches, au sein d’une famille de danseurs folk totalement illuminés ou en France, sur les traces d’un vieux travesti fatigué et d’un immigré clandestin, ou encore en Allemagne, au coeur d’une manifestation de rock punk qui dégénère en affrontement entre jeunes punks, skinheads et forces de police…  
On pouvait aussi aller faire un voyage en Italie, dans le manoir gothique d’un comte psychopathe adepte de la taxidermie, préférer rouler sur les routes de l’ouest américain ou embarquer à bord d’un cargo spatial, en direction de la mystérieuse planète Rhea… A moins d’être resté sagement “à la maison”, enfin disons plutôt, dans ce qui constitue en quelque sorte une dernière demeure : un étroit cercueil…

Rubber - 2

Reprenons dans l’ordre…
Déjà, The wild and wonderful Whites of West Virginia, un documentaire sur la famille White, des rednecks marginaux et turbulents vivant dans les montagnes appalachiennes. Son membre le plus tristement célèbre est Jesco White, le “dancing outlaw” dont les jeunes années, faites de drogue, d’alcool et de crimes violents, ont inspiré le White lightnin’ de Dominic Murphy.  
Désolé, mais comme j’avais détesté White lightnin’ je n’ai pas franchement voulu me replonger dans la vie et l’oeuvre du bonhomme…

Ensuite, Miss Mona, l’un des meilleurs films de Mehdi Charef et l’un des plus beaux rôles de Jean Carmet. L’histoire de la rencontre de deux marginaux, un sans papiers maghrébin et un vieux travesti désireux de changer de sexe, qui vont s’associer pour commettre des escroqueries et des petits délits, assurant ainsi leur survie. Jusqu’au jour où cela dérape… jusqu’au meurtre…

Puis Warriors of Chaos, film à mi-chemin entre documentaire et fiction, qui retrace les émeutes et les affrontements de Hanovre, en 1995, entre skinheads fascistes et force de l’ordre, au cours des bien nommés “Jours du Chaos”, une série de concerts regroupant la scène punk allemande…

Le quatrième film est Le Froid baiser de la mort, un film d’horreur gothique de Mino Guerrini. Le tout jeune Franco Nero y incarne un aristocrate rendu fou par la mort simultanée de sa promise et de sa mère, suite à un complot de la gouvernante des lieux, secrètement amoureuse de lui. Il amène des prostituées au château et couche avec elles sur le lit ou repose… sa fiancée, qu’il a empaillée pour la garder près de lui. Et quand les jeunes femmes, horrifiées par cette bizarrerie, se mettent à crier. Couic… Il les tue…

Rubber - 4

Quittons ce manoir lugubre pour l’ouest américain et les aventures du pneu sérial killer de Rubber. Oui, parfaitement, dans le film de Quentin Dupieux le héros est un gros morceaux de caoutchouc animé des plus mauvaises intentions. Dès qu’il s’éveille, dans la poussière d’une décharge sauvage, en plein désert, il se met à commettre les pires forfaits : écraser une bouteille en plastique, un scorpion, faire exploser une bouteille en verre avec ses pouvoirs télékinétiques… Et il roule jusqu’à trouver une route, pleine d’humains à zigouiller…
Là, je sens que vous vous posez pas mal de questions : Comment est-ce possible? Pourquoi est-il aussi méchant? Quand est-ce qu’on mange?…
Ne cherchez pas, c’est comme ça, un point c’est tout… Au début du film, un policier sort d’une voiture et s’adresse aux spectateurs pour leur expliquer que la vie est pleine de choses absurdes et que les films sont exactement pareils. Il n’y a aucune raison pour que E.T. soit marron, que les amants de Love story s’aiment, ou que le génial Pianiste de Polanski soit obligé de vivre comme un clochard… Le cinéma, c’est le “No reason”… Du coup, tout est possible, tout est permis.
Il semble assez évident que Rubber ne plaira pas à tout le monde, tant Quentin Dupieux s’ingénie à malmener le spectateur, au sens propre mais aussi au figuré, les spectateurs étant représentés, dans le film, par un groupe de curieux observant l’action avec des jumelles, commentant le film en direct et subissant quelques menus désagréments…

Rubber - 5

Le cinéaste ne joue pas pleinement la carte de la parodie, même si les références cinématographiques ne manquent pas, d’Hitchcock à Spielberg, du western au polar de série B. On est plus dans le registre surréaliste déjanté – c’est le cas de le dire ! – de l’absurde, du méta-cinéma… De quoi dérouter le public – c’est encore le cas de le dire ! – d’autant que le film traîne son intrigue minimaliste sur près d’une heure et demie, étirant les scènes où Robert le pneu psychopathe batifole dans le désert et   se moquant bien de varier le modus operandi des meurtres – des têtes qui explosent…
Mais ce que l’on pourrait prendre pour une mauvaise blague est un film audacieux et assez intelligent sur la culture, la société de consommation, la déshumanisation de la société. Oui, oui, il y a tout ça là-dedans… Ce film reposant sur le concept du “no reason” est loin d’être absurde dans sa conception…
Et pour ceux qui n’adhèreraient pas à ces messages en filigrane, il reste l’esthétique du film, l’image travaillée pour ressembler aux vieux films des années 1970, le son et la musique soignés – Dupieux est aussi Mr Oizo, petit génie de la musique électro…
Bref, une curiosité qui fait plaisir à voir…

Cargo - 2

Des grands espaces américains, on passe à l’espace tout court avec Cargo un film de science-fiction suisse (hé oui!) qui n’a rien à envier aux films hollywoodiens en termes de technique, et qui brasse des thématiques certes classiques, mais parfaitement d’actualité sur l’écologie et la manipulation de l’opinion par les puissants. Ici, la Terre est devenue invivable suite aux bouleversements écologiques qu’elle a vécu. Les humains ont dû s’enfuir dans l’espace, habitant des stations orbitales gigantesques et surpeuplées. Le seul espoir de retrouver une vie normale est de partir vivre sur la planète Rhea, un havre de paix à la végétation luxuriante, située à cinq millions d’années de là. Mais le voyage est onéreux…
Laura, un jeune médecin, rêve de rejoindre sa soeur, déjà installée là-bas. Pour financer son départ, elle a accepté de servir sur un vaisseau militaire, le “Kassandra”, transportant une énigmatique cargaison. Pendant son tour de garde, alors que le reste de l’équipage est en sommeil cryogénique, elle réalise qu’elle n’est pas seule dans la station, et c’est le début d’un thriller spatial jouant sur les codes du genre, édictés par des films comme Alien, Dark Star ou Outland, et exploitant au mieux les moindres recoins de son impressionnant décor. 
Même si on comprend assez vite les tenants et les aboutissants du film, et que le scénario est un peu trop linéaire, le suspense est assez prenant pour conserver notre intérêt éveillé de bout en bout.
Après le très bon Moon, présenté ici l’an passé et resté injustement inédit, Cargo confirme le renouveau du film de SF classique, orienté vers la réflexion plutôt que vers l’action bourrine et l’horreur. Et il constitue la preuve éclatante qu’il est possible de faire des films ambitieux, captivants, avec un budget des plus serrés. 

Buried - 2

Autre preuve, encore plus flagrante, avec Buried film espagnol signé Rodriguo Cortez qui a la particularité de se dérouler entièrement autour d’un personnage, dans un lieu unique et spécial : un étroit cercueil !
Premier plan : Un homme gémit dans le noir, se contorsionne et parvient à atteindre son briquet. Il découvre – et nous avec lui – qu’il est ligoté, bâillonné, et enfermé dans un cercueil, à six pieds sous terre – ou pas loin…
Il parvient à se dégager de ses liens  et après avoir logiquement essayer par tous les moyens de se dégager de là, découvre qu’il a en sa possession un téléphone mobile qui ne lui appartient pas, à moitié chargé. Alors que l’oxygène se raréfie dans la boîte exigüe, il n’a que peu de temps pour trouver un interlocuteur capable de l’aider à sortir de là…
Tout le suspense – et tout le film – repose sur le personnage, parfaitement joué par Ryan Reynolds, et la menace qui pèse sur lui. Comment l’homme a-t-il fini là? Qui l’a mis dans ce cercueil? Comment peut-il sortir de là?
Contrairement à ce que l’on aurait pu craindre, le principe du personnage/lieu unique et de l’enjeu “minimaliste” ne suscitent jamais l’ennui. Au contraire. Le cinéaste joue sur les plans pour communiquer la sensation d’enfermement et de forcer l’identification du spectateur à la victime. Le suspense s’installe d’emblée et ne faiblira plus jusqu’au dénouement. Chaque appel stérile, chaque moment d’énervement rapproche l’homme de la mort.
Et si certaines péripéties sont superflues (le serpent qui s’invite dans le minuscule habitacle), certaines séquences sont de grands moments d’humour noir cruel (le licenciement téléphonique par un employeur ignoble) qui font de ce long-métrage audacieux bien plus qu’un simple film “à pitch”, une allégorie d’une société américaine oppressante où les gens ont de plus en plus de mal à communiquer entre eux…

Vite! De l’air! Un peu d’oxygène pour se préparer au mieux pour les derniers films du festival (hé oui! Déjà…).

A demain, pour la suite – et la fin, donc – de ce “beau” voyage dans le fascinant monde de l’étrange…  

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