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Les livres de poche du XVIII siècle

Par Richard Le Menn

Au XVIIIe siècle, on imprime des livres dans toutes les grandeurs : du volumineux in-folio à l'ouvrage miniature. Dans la préface de l'Almanach des gens d’esprit de l'année 1762, l'auteur écrit que : « Tout est aujourd'hui réduit en Dictionnaires, en Journaux & en almanachs. ». Le mot « réduit » est très approprié, car il s'agit de petits ouvrages très en vogue alors et qui ne se résument pas à ces trois types.

LES ALMANACHS sont des exemples de livres de poche publiés à cette époque. Leurs formats varient du in-18° à l’in-64°. Certains ne feraient que 1,5 cm de haut. Ils sont fabriqués pour être portés sur soi. Ils s’adressent à tous les publics et peuvent être tirés jusqu’à 50 000 exemplaires. Les reliures sont parfois admirablement ouvragées ou très simples, mais toujours charmantes : avec de jolies et élégantes couleurs ou très fines comme sur l’exemple exposé dans l’article du 2 octobre 2007 intitulé : Les almanachs de mode du 18ème siècle. Certains de ces ouvrages ont des dorures historiées sur les plats en cuir ou de fines broderies etc. Parfois ils sont vendus avec un étui pour les contenir.

LES CAZIN. Les in-12° et in-16° sont des formats très fréquents. Ils sont plus petits que ceux des livres de poche actuels. Hubert-Martin Cazin (1724-1795) est l’éditeur qui représente le mieux alors l’épanouissement des publications ‘de poche’. Son nom est associé à ces formats dont il est l’un des propagateurs. Si les Cazin sont petits c’est aussi parce qu’ils sont souvent vendus en catimini car leur contenu est parfois prohibé. En 1754, l’éditeur est interdit de pratiquer son métier de marchand libraire. Il continue cependant, puis de Reims s’installe à Paris à diverses adresses successives. Les lieux d’édition ne sont pas indiqués (photo 1) dans ses ouvrages ou bien le plus souvent à l’étranger comme Londres (photo 4) ou Genève (photos 2 et 3) bien qu’ils soient produits en France, ceci afin d’éviter les saisies, amendes et emprisonnements dont l’éditeur est parfois la victime. Son travail d’édition ne se résume pas à des écrits licencieux ou légèrementérotiques comme dans les quatre exemples que nous proposons. Il publie une collection conséquente et fine d’auteurs dans des livres variant du petit in-12° au in-18° donnant ainsi son nom à ce genre de petits formats du 18ème siècle.

 

La démocratisation du livre de poche ne date donc pas du 20ème siècle. Elle est sans doute au 18ème un des facteurs favorisant la divulgation des idées des Lumières puis de la propagande révolutionnaire.

   

Photo 1 : Léonard, Nicolas Germain (1744-1793), Idylles et Poëmes champêtres, sans date ni mention d'imprimeur, mais de la fin du XVIIIe siècle. Format Cazin. 7 x 12,5 cm. Reliure de l’époque. Jolie page de titre/frontispice. Ce livre contient de nombreuses Idylles et d’autres poèmes de M. Léonard comme Le temple de Gnyde. Le temple de Gnide est celui de la volupté.

 

Photo 2 : Dorat, Claude-Joseph (1734-1780), Les Baisers, suivis du Mois de Mai, Poëme, Genève (Paris, Cazin), 1777, in-18° (12 x 7 cm). Frontispice de C. P. Marillier (1740-1808) gravé par N. de Launay (1739-1792) représentant dans un décor champêtre une jeune fille couronnant un poète de roses, avec le texte : « Il faut des Couronnes de roses A qui peignit l’Amour et chanta les baisers. 20 ème Baiser ». Vignettes, fleurons, culs-de-lampe illustrent le corps de l’ouvrage. La première édition de Les Baisers est un in-8° de 1770, chez Lambert et Delalain.

 

Photo 3 : Autre édition Cazin de la même oeuvre mais avec un frontispice différent. Dorat, Claude-Joseph (1734-1780), Les Baisers, suivis du Mois de Mai, Poëme, Genève (Paris, Cazin), 1777, de 7 x 12 cm. Frontispice : « Sans vous, à quoi sert le bel âge ? »Joannis secundi hagiensis Basia et Imitations de plusieurs poètes latins (poésies érotiques).166 pages. 
représentant des putti formant des couples s’embrassant dans un décor rococo. Cette édition contient aussi

 

Photo 4 : Piis, Pierre-Antoine-Augustin chevalier de (1755-1832), Contes Nouveaux en Vers et Poésies fugitives, édition Cazin indiquée Londres pour Paris, 1781, complet en deux parties. Dimensions : 7,5 x 13 cm. Il s’agit sans doute de la première édition. Cette édition originale est particulièrement jolie du fait de deux fines gravures, l’une servant de page de titre du recueil en deux parties, et l’autre de suite de celui-ci. La première représente une jeune femme prenant la place d’un rémouleur allongé sur le sol. Elle aiguise des ciseaux sur une meule rafraîchie par de l’eau ; et au dessous le texte indique : « L’eau tombe goutte à goutte, et les Ciseaux de Lise Rasant la meule en feu s’aiguisent à sa guise. » Le thème est éminemment érotique puisque c’est du jeune homme qu’elle s’occupe en vérité. Il est amusant de noter qu’ici celui-ci est représenté languissant, foudroyé par l’Amour avec qui la jeune fille gambade gaiement sur l’autre gravure. Les contes et les poésies présentées dans cet ouvrage sont plus espiègles que licencieuses. Notons le dialogue légèrement érotique ‘d’une petite maîtresse et d’un abbé’ (pp. 285-288) où celui-ci essaie de soudoyer une élégante qui se laisse convaincre mais devant sa maladresse le renvoie au jour où il aura acquis plus d’expérience. Un conte met en scène une perruque : ’La perruque perdue’ (pp. 31-33). Un autre intitulé ‘La délicatesse à la mode’ (p.27) montre un jeune homme qui voyant que la jeune fille qu’il convoite acquiesce, devient grossier au grand dame de sa promise qui rechigne. L’indélicat invoque l’amour et peut faire alors ce qu’il ne peut dire. Ainsi au XVIIIe siècle, la mode est à la délicatesse tout en étant à la liberté voir au libertinage.

 

Livre/almanach (format in-12) contenant un calendrier (6 pages), un conte érotique (36 pages), 12 pages pour noter les pertes et les gains de son propriétaire, illustré de 4 jolies gravures à pleine page offrant différentes nudités. L'Asile des Grâces, Etrennes aux jolies femmes de Paris. Par un Parisien de quelques Académies, Paris, chez les Marchands de Nouveautés, sans date (la Bibliothèque nationale possède un exemplaire du conte, daté de 1785, édité par Jean-François Royez vers 1757-1823 : « A Cythère, et se trouve à Paris, chez Royez. M.DCC.LXXXV »). Ouvrage rare, inconnu à Grand-Carteret et à Cohen.Reliure plein maroquin rouge du XIXe siècle, dos à nerfs, dentelle intérieure et tranches dorées. Retrouvez ce livre à la LIBRAIRIE STANISLAS FOURQUIER, au 40 rue Gay Lussac à Paris dans le 5ème arrondissement près du Jardin du Luxembourg, et bien d’autres ouvrages sur les sites www.photolivre.com et http://stores.ebay.fr/0-livres-photos

 


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