Des hologrammes
Publié le 15 septembre 2010 par Menear
Depuis fin Août
Publie.net fait aussi sa « rentrée littéraire » en proposant simultanément
plusieurs nouveaux textes tout à fait stimulants. Aujourd'hui encore la coopérative d'édition numérique poursuit son évolution en relayant notamment des textes de
Robert ne veut pas lire, éditeur numérique québécois. À découvrir, notamment, l'excellent
Tokyo Québec de
Leroy K. May, nouveauté d'hier : je l'ai lu en suivant sa parution par épisodes il y a quelques mois, je le relirai avec plaisir en format complet, et en profiterai pour en parler plus en détail prochainement.

Parmi les textes proposés à la rentrée,
Signes cliniques de
Christine Jeanney. Texte court, une ville, un hôpital, une femme et l'attente de cette femme, dans cette ville, dans cette hôpital, l'attente d'une opération. Le texte est très précis, c'est à dire qu'il est affûté, c'est à dire qu'il progresse, depuis l'attente physique dans le coeur de la ville (voir vivre en bas les corps et les hologrammes de corps qui gravitent autour de l'hôpital) jusqu'à l'après épidermique de l'opération. Les hologrammes traversent le livre. Quelques lézards, également, s'y lézardent. C'est un livre très net.
Comme elle est petite, l’immédiat se mesure
immédiatement : à gauche un fauteuil, une table ; au
fond à droite, un rétrécissement et deux portes, salle
de bain et couloir ; la table roulante pour les repas ;
un chevet avec tiroir, téléphone, sonnette, télécom-
mande. Et au centre le lit, dernier cité parce qu’évi-
dent, fusionné avec moi. Nous sommes tous deux
soudés au centre de la pièce. Là où je suis il est,
même lorsque je me lève, car j’en suis capable. De-
bout, il reste intégré à mon dos sans qu’on le remar-
que, son hologramme flotte, parallèle au linoléum.
À moins que ce ne soit moi. Des gens entrent,
sortent, me prennent le bras, me saluent, déposent
des choses, me questionnent, mon hologramme ré-
pond Hier, Le mois dernier, Monsieur H, Merci, en
s’arrangeant pour que les réponses concordent, pen-
dant que, dans une forêt à l’est mon vrai corps mar-
che avec persévérance, cela explique le flottement, la
distance inconstante située entre menton et cou, et la
sensation d’être un crâne piqué au bout d’un manche
télescopique.
À moins que ce ne soit eux. Des hologrammes
de silhouettes humaines avancent dans des chaussures
confortables, à l’intérieur de leur poche un stylo et
sur le revers de celle-ci un badge aux lettres tapées à
la machine. Ils poussent des chariots (ou ce qui sem-
ble l’être, peut-être des images de chariots scannés),
en sortent des contenants, bouteilles, compresses,
tubes et bassines en forme de cacahuètes géantes,
couleur de métal ou de papier mâché. Ils se déplacent
assortis de paroles reconstituées générées aléatoire-
ment par un ordinateur central. Ça pourrait fonc-
tionner. C’est une question de technique.
Christine Jeanney, Signes cliniques, Publie.net, P.10-11.