... Ca fait longtemps que je me dis qu'il faut que je t'écrive. Il y aurait tant de choses à dire depuis que ton règne est arrivé, que ton nom soit sanctifié, ah non, je me gourre. Tiens, d'ailleurs, ça me rappelle ce petit signe de croix léger que tu avais fait lors de je ne sais plus quel événement alors qu'un Président devrait être au dessus de tout ça. C'était déjà il y a longtemps, cher Nicolas.
Car depuis trois ans, cher Nicolas, tu en as fait du chemin. Et le premier que tu suivis partit de la Place de la Concorde pour ton discours où tu disais vouloir être "le Président de tous les Français", où tu parlais d'union et de fraternité avec tes amis Enrico, Mireille, Faudel et consorts, jusqu'au Fouquet's, un peu plus loin, où tous tes amis patrons d'industrie et des médias t'attendaient. Un premier signe. Moi qui ne suis pas vraiment de droite, je te trouvais même des qualités de pugnacité, une énergie que l'autre gourde n'avait pas et qui aurait presque pu me faire voter pour toi. Mais ne t'inquiètes pas, cher Nicolas, je ne l'ai pas fait. Et chaque jour un peu plus, j'en suis fier.
Tu voulais faite interdire les parachutes dorés. Tu les as juste fait taxer un chouya de plus. Tu promettais 700 000 logements sociaux de plus sur 5 ans. On en est loin, très loin. Tu voulais mener le nouveau Traité sur l'Europe. On voit où il en est rendu. Tu parlais de formation ou d'emplois pour 250 000 jeunes de banlieue. Dois-je te rappeler ton échec ? Tu te disais favorable au retrait des forces françaises d'Afghanistan avant ton élection. Tu as fait renforcer le contingent français depuis. Ah oui, un truc que tu as fait et qui est vachement bien : tu as crée un Ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale. Comme s'il fallait expliquer aux français d'où qu'ils viennent, pourquoi ils le sont.
Cher Nicolas, en trois ans, ton bilan est en tous points remarquables. À ton arrivée à l'Elysée, tu commences par t'augmenter de plus de 200 %. Normal. Bon début. Tu as juste oublié d'en faire de même pour tous les Français. Là, tu aurais été acclamé. Ensuite, tu pars prendre tes vacances chez de riches amis américains ou sur le yacht d'un fringant armoricain amateur de médias, de pub et de feuilles à rouler. Bon, ok. Tu nous montres ta Rolex un peu partout, tu te médiatises en chef, tu es par monts et par vaux, tu es Hyper, cher Nicolas. Bien. Tu divorces. Bon, d'accord. Tu te remaries avec Carla Bruni, sauteuse au paf et jet-setteuse top-model internationale. Rien à dire, tu fais ce que tu veux avec ton petit corps.
Là où tu es très fort, cher Nicolas, c'est que tu as réussi à dépoussiérer l'image de la France rien qu'avec ton talent. Tu reçois Khadafi en lui déroulant le tapis rouge. Pas mal. Tu fais expulser des Afghans vers leur pays où ils ont de fortes chances de finir occis. Honnête. Tu nous dis qu'il faut travailler plus pour gagner plus avec ta loi Tepa sur la défiscalisation des heures supplémentaires. Nous, on est d'accord mais nos patrons, moins. Comprends-les, avant, ils ne nous payaient pas les heures supplémentaires. Résultat ? Neutre pour l'activité, 4 milliards d'euros de manque à gagner pour les finances publiques. Tes mesures économiques, sociales sont des échecs, à part évidemment pour ceux qui bénéficient de tes célèbres niches fiscales et ton bouclier, désormais plus connu que celui de Vercingetorix. Les banques se cassent la gueule ? Tu leur déroule le tapis rouge alors que c'est eux qui ont mis ton peuple dans la merde jusqu'au cou. Et toi aussi, cher Nicolas.
Tu nous parlais écologie aussi. Au fait, on en est où du Grenelle Environnement ? Ca avance ? Ah, non. C'est la crise. Tu parles de sécurité et pourtant, ta bouche ne dit que répression, répression, répression.
Tu as aussi bien agi au niveau des médias, cher Nicolas. Je sais que tu estimes beaucoup Berlusconi mais tu as fait presque plus fort que lui. Je me souviens encore de la conférence de presse où tu tirais à boulets rouges sur Laurent Joffrin et où tous les autres ricanaient dans ton sillage. C'est ça ta perception des médias, cher Nicolas. Soit ta voie, soit pas de voix. Je me souviens encore comment tu as fait virer Alain Genestar de Paris Match, parce qu'il avait évoqué ton ex-femme et son new boy-friend. Je me souviens toujours que tu as placé à TF1 tes hommes de l'ombre comme Laurent Soly, ton ancien chef de cabinet, ton directeur adjoint de campagne, juste en appelant ton ami Martin Bouygues. Le bonheur, c'est simple comme un coup de fil. Même récemment à France Télévisions, avec ton ami au nom de schtroumf imprononçable : Pfilmlin. D'ailleurs, ni Carolis ni Arlette Chabot n'y ont résisté. Je me demande même si tu n'y es pas pour quelque chose pour le pauvre Jean-Luc Delarue.
Sur Europe 1, Elkabbach est ton grand ami, comme désormais Jean-Luc Hees et Philippe Val sur Inter. Oui, celui de Charlie Hebdo qui tourne salement démago. Entre tes amis déjà en place, Dassault au Figaro, Bolloré chez Havas et Direct 8, Bernard Arnault et La Tribune et Lagardère bien sûr qui est venu à toi comme dans l'histoire, tu es bien entouré. Tous ces gens sont tes obligés. Ils te doivent autant que tu leur dois. Tu as aussi presque fait virer Jacques Esperandieu du JDD mais tu t'es ravisé, ça faisait beaucoup. Par contre, PPDA lui ne s'en est pas sorti. Tu n'aimes pas trop la télé publique non plus. D'ailleurs, tu lui a supprimé la pub. Ca ne peut pas faire de mal à TF1. Tu traites les journalistes de lâches en off mais tu n'acceptes pas que de tels propos de ta part puissent sortir. D'un autre côté, tu n'es pas obligé de les tenir.
Depuis peu, tu te mets au story-telling avec tes spin doctors jamais avares en bons mots, tu engages Luc Besson et Christophe Lambert, pas Greystoke, l'autre. Un remake du Gland Bleu ? Pour éviter les problèmes, tu fais la météo comme disent les politiques anglais : tu imposes ton calendrier. Tu es là tout le temps.
Au niveau de la justice, tu te démerdes bien aussi. La fin des juges d'instructions, c'est toi. La réforme de la carte judiciaire, c'est toi aussi. 250 tribunaux en moins, c'est mieux pour rendre la justice. Pas comme Saint-Louis sous son chêne. Plutôt genre Arpaillange, comme un gland.
Ah oui, j'avais oublié que tu aurais aimé placer ton petiot à la tête de la Défense, le centre d'affaires le plus riche d'Europe, au sein des Hauts-de-Seine, le département le plus riche de France, fief des plus beaux magouilleurs de droite, votre coffre-fort. Ca ne te dérange pas qu'il soit encore en cours de droit. Aux âmes bien nées, la valeur n'attend pas le nombre des années, paraît-il. Aux ânes bien nés non plus car deux années de Droit en quatre ans, ce n'est pas si glorieux que ça.
Tu sais aussi pas mal parler aux jeunes, cher Nicolas. Tu aimes les phrases choc et ton "Karcher" et ta "Racaille" sont restés dans toutes les mémoires. Comme ton "Casse-toi, pauvre con" à un visiteur du Salon de l'Agriculture, qui passera assurément à la postérité. La classe internationale, cher Nicolas. Comme ton idée de faire dire la lettre de Guy Môquet. Comme encore beaucoup d'autres choses.
Ton bilan économique, social, est, comment dire, mitigé mais là n'est pas le pire. Ou le meilleur. À toi de voir.
Le meilleur est à venir. Le meilleur, c'est ce que tu fais depuis trois ans à l'image de la France. L'image du pays de la liberté, des droits de l'homme, de la déclaration du même nom, l'image d'un pays qui a développé la notion même d'humanisme avec Voltaire, Montaigne, Rousseau, Zola, Diderot et Camus. L'image d'une France qui n'a pas vocation à accueillir toute la misère du monde mais qui, au moins, essayait jusqu'à présent d'ouvrir ses bras aux plus faibles. L'image d'un pays et de ses valeurs que tout le monde nous enviait et pas seulement pour les pieds de porc panés et la bouillabaisse. Ces 200 ans d'histoire, en trois ans, tu as réussi à leur faire perdre leur lustre de manière irrémédiable. Avec les charters, avec les Roms, avec Sangatte, avec la déchéance de la nationalité, avec liberté, égalité, fraternité mais pas pour tout le monde, avec tes ministres racistes, condamnés et toujours au gouvernement, avec tes appels du pied répétés aux électeurs du FN, avec tes affaires, celle de tes amis, avec tes porte-paroles à cheveux longs jamais avare d'une énorme connerie de plus. Avec beaucoup d'autres choses encore, tant et tant de mensonges, de décisions abjectes, de veuleries que je ne m'en souviens pas. Mais je me rappelle qu'il n'est quasiment pas un jour, depuis ton arrivée au pouvoir, sans que j'ai eu honte de ta politique, de tes choix, de toi.
Cher Nicolas, permets-moi de t'assurer de mon plus profond mépris pour tes valeurs et pour la manière dont tu utilises aussi mal ton impressionnante énergie pour notre beau pays.
Un électeur parmi 65 millions.
P.S : Pour retrouver les aventures de Nicolas en Sheriff Shark Ozzie, c'est ici : La vie est un Western