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Po(p)lémique

Publié le 16 septembre 2010 par Mojorisin

La polémique suscitée par l’exposition de l’artiste japonais Takashi Murakami au château de Versailles traduit parfaitement bien le statut de l’art pop en France et les préjugés qui l’entourent. Mais plus profondément, cette question soulève à nouveau une éternelle question : qu’est-ce qu’être artiste ?

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Cette exposition se révèle absolument pop, tant au niveau des œuvres mises en avant que de sa démarche. Tout d’abord l’univers de Murakami contient tous les attributs du mouvement : couleurs fluos, détournement massif de signes, influence de la culture populaire (dans le cas présent les mangas et les jeux vidéos)… Bref la qualification ne fait l’objet d’aucun doute. Quant à la violence ou la pornographie autant dire qu’elle ne possède aucun droit de cité.  Le fond du problème ne provient donc pas des œuvres elles-mêmes, mais plutôt de leur installation.

Le château de Versailles, fleuron du classicisme français et emblème d’une grandeur passée, accueillerait donc un art considéré comme « polluant », « reflétant un désordre mental », « vulgaire », et « mercantile » (dixit le site Versailles mon Amour). Ces qualificatifs reflètent bien les préjugés s’exerçant à l’égard de l’art pop (à tort et à raison). Au pays de l’élitisme, toucher à un symbole de son prestige constitue un véritable crime de lèse-majesté ; sans conteste l’affront est de taille : accueillir le vers dans le fruit de la conception classique de l’art constitue un véritable suicide. Pour les détracteurs de l’expo toute production inspirée de la culture populaire ayant l’affront de se souiller au contact des circuits marchands (Murakami collabora avec Vuitton entre autres) ne peut prétendre à la qualité d’art, surtout au sein de la royauté. Cet académisme périmé préconise le confinement de l’art véritable, mort depuis les impressionnistes, dans des musées transformés en mausolées intouchables.

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Certes la finance s’immisce un peu trop dans l’art contemporain, certes la pop contemple souvent son propre nombril, certes son esthétique reflète parfois un manque de culture, mais alors agissons en conséquence. Qu’un lieux aussi prestigieux que le château de Versailles puisse réunir des publics peu habitués à se côtoyer, voilà une belle occasion ; que l’endroit réclame un dû financier à l’heure des cales sèches, voilà une bonne opportunité. Figer nos monuments dans le marbre d’une nostalgie étouffante n’encouragera sûrement pas les prochaines générations à s’y intéresser. Admirer tristement Le Brun et Poussin en conspuant la modernité souligne une rigidité digne des plus grands réactionnaires aptes à nous écoeurer des trésors du passé.Faut-il créer un nouveau salon des refusés? Ah non Beaubourg et le palais de Tokyo existent déjà. Mais vouloir préserver le patrimoine français de la souillure contemporaine risque bien de transformer l’hexagone en un vaste musée peuplé de visiteurs. Quant aux artistes, ils iront voir ailleurs.

  


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