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Musique: "l'écoute occidentale"

Publié le 17 septembre 2010 par Orlandoderudder

Distance.

La salle de concert permet de constater que la musique est aussi un art visuel: Voir un pianiste complète le plaisir. Et l'enregistrement vidéo en est l'extension. L'émotion ma saisi en contemplant le visage de Martha Argerich, sa concentrations, ses moues... Comme m'a impressionné la tenue d'Horowitz, cette sorte de calme, parfois souriant, comme si de rien n'était alors que des merveilles se passent, cette distance.

Cylindres.

Mais il y a autre chose. Un luxe de roi! Pour un prix accessible. C'est l'écoute occidentale. L'écoute personnelle qui demande une absolue présence, la grandit, la magnifie. C'est l'enregistrement. Depuis nos vieux cylindres qui grattent, le 78 tours jusqu'au CD et ce qui va suivre, nous avons gagné un peu de nous-mêmes.

Ecriture.

J'en veux pour exemple la symphonie, MA cinquième de Beethoven. Mais c'est valable pour tant de musiques! Encore que ça révèle plus fortement la musique pensée, méditée, mitonnée, concoctée,la musique tendre et forte qui s'écrit. Qui se prévoit; qui est en devenir comme chacun d'entre nous.

Costaud.

Une symphonie est aussi faite de ce qu'on n'entend pas. Je l'ai découvert, seul dans ma chambre, tout gamin. Au lieu de bouger, de faire autre chose comme avec un disque d'Elvis Presley, je me suis arrêté, je me suis allongé sur mon lit; J'ai fermé les yeux. Je devins terriblement présent; A la fois passif et actif! La musique entrait en moi, me faisait vibrer, je l'incorporais des oreilles, du diaphragme. C'était fort! Il n'y a pas d'alcool plus costaud!

Soi et l'autre en soi.

En même temps, des émotions diverses se succédaient en moi, me surprenaient. J'ai cheminé ainsi, parti pour une aventure étonnante: le son m'offrait la pensée pure du compositeur avec, pour Beethoven, un mélange curieux de brutalité tendre, onctueuse... que faire de tout ça? Surtout quand on est si jeune? Suivre le chemin, avancer dans cet étrange monde fait de soi et de l'autre, vivre l'aventure...devenir.

Dasein.

Je me trouvais là. Où ça? Je ne sais pas: là. Irrémédiablement présent. Complètement moi. Moi-même. Moi, le même. Construit par la musique. Bâti par la pierre immatérielle du son, cime,té par les notes. Je n'ai pas compris tout de suite que cette émotion vient de la modernité, du progrès. Cette fameuse écoute occidentale qui surpasse, et de loin, toute méditation plus ou moins religieuse, toute transcendantalerie mystique. c'est un état neuf, qui peut faire penser à l'idée de satori, en plus vrai, plus fort, plus humain, plus réel, plus tangible, plus profond. La vraie spiritualité, celle de la matière! La grande amitié humaine de la douceur qui n'a pas forcément besoin de Dieu!

Possibilté.

C'est meilleur que l'extase car ça la dépasse: on est au monde, dans le monde et en soi tout en même temps. Et, comme toujours pour les progrès de la sensibilité, la modernité, la technique fécondent! Et démocratisent: seuls les grands de ce monde pouvaient, jadis, vivre ainsi, en musique, vivre plus que les autres, être eux-mêmes. Aujourd'hui, l'homme libre aussi peut profiter de ce qui fut un privilège. Se bâtir pour aimer plus. Pour s'ouvrir aux autres. Devenir la demeure de toute possibilité d'amour.

Pâtisserie.

Beethoven, comme Mozart et tous les autres musiciens de jadis n'ont entendu qu'une ou deux fois leurs oeuvres. J'ai plus entendu la Cinquième symphonie que l'auteur lui-même. Chacun de nous est dans ce cas! C'est même une restriction de la liberté, cette tyrannie: la chansonnette nous envahit, dans chaque magasin, dans chaque bistro. On est prisonnier de la musique-pute qui se vend et fait vendre, qui se vend à tout le monde, qui nous ronge la vie. Mais le choix de l'aventure intérieure, du cheminement dans le jardin d'être, c'est bien autre chose. Ca ne s'entend pas,mais c'est là, farcissant chaque note comme un chausson pâtissier, comme un chocolat.

Notes.

Et, -le saviez-vous? - dans la musique, il y a aussi les notes. Ne l'oublions pas! Celles de la teneur, de la mélodie, certes. Les deux lignes en-dessous, de l'harmonie, du contrepoint. Oui. Notre esprit les écoute, les conçoit, les intègre. Et puis il y a ce qu'on entend, cette petite basse au fond, toute discrète qui, toute seule ne voudrait rien dire, mais qui donne du sens au tout. On l'entend à peine. Mais elle est là. Et c'est une forte épice. Chaque note peut devenir un sentier d'aventure.Grâce aux autres!  On découvre peu à peu toutes ces notes qu'on a entendues, certes, mais qu'on n'a pas eu conscience de vivre. Il faut un peu de temps, de réécoute pur entendre tout en même temps. Et l'être mûrit, devient vrai, lui-même,intensément. C'est bête à en pleurer, à en mourir, à en aimer la vie. Etre humain, présent, devenir jusqu'au bout. DEVENIR!

Envoi: Roll over, Beethoven!


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