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Our Kind of Town. L'événement est qotidien

Publié le 18 septembre 2010 par Fmariet
Our Kind of Town. L'événement est qotidien
Pièce de Thornton Wilder, à l'affiche à New York, dans une petite salle de Greenwich Village. "Our Town" est une pièce des années 1930 ; elle met en scène les tout petits événements, le singulier tellement universel des vies quotidiennes, le fond banal sur lequel se détachent les tournants, les bifurcations essentielles : naître, aimer, mourir. "This play is an attempt to find a value above all price for the smallest events in our life" expliquera l'auteur en 1957. Eloge en trois actes d'une quotidienneté où le paradis, c'est les autres (Wilder connaît bien et a traduit Sartre).
La pièce de Wilder vise la genèse de l'invisible, de l'imperceptible. Dans la vie de chaque jour de cette petite ville, la régularité est marquée par les rythmes scolaires (cris d'enfants dans les rues, devoirs, etc.), et dès le matin, par la livraison à domicile du journal et du lait. Régularité que l'on ne perçoit que lorsqu'elle est altérée (ce qu'illustrera la chanson "No milk today", Herman's Hermits, 1966 ). Ces livraisons suscitent des échanges de type presque phatique : le temps qu'il fait, la santé des voisins... Le journal dans ces vies est la régularité, un rite autant qu'un contenu, le tissage au matin, par des informations élémentaires, du réseau du village défait pendant la nuit ("We must get it in the paper"), sa mise à jour. Le journal local est marqueur et miroir de la vie quotidienne, celle où il ne se passe rien et qu'on ne voit pas passer, celle où tout se passe et que l'on regrettera. Ainsi Emily, l'un des personnages, qui vient de décéder en accouchant, a l'occasion de revenir observer les vivants : elle choisit de regarder la matinée de son douzième anniversaire. Les cadeaux, le petit déjêuner, l'affection des parents, la préparation pour l'école... l'importance du matin, le recommencement du commencement. Ce huis clos est le bonheur. Tout ce qu'elle ne percevait pas tant qu'elle en était l'actrice, et qui, devenue spectatrice de sa propre vie, l'émeut, lui faisant concevoir à quel point les vivants ne comprennent rien à leur vie ("Do any human beings ever realize life while they live it? - every, every minute").
Our Kind of Town. L'événement est qotidien
Les médias réguliers sont générateurs d'invisible. Le quotidien d'abord, après la radio puis la télévision (le 20H) ont instauré des rituels. La numérisation qui délinéarise et multiplie les occasions médiatiques détruit ces rituels de la journée. En installe-t-elle d'autres ? Sûrement. Selon quel rythme ? Nous ne le savons pas encore. "La répétition" est décisive pour instaurer l'insensibilité aux médas (M. McLuhan) et donner forme à l'événement ("la différence, "Gestalt") sur ce fond d'invisibilité.
Universalité de la vie au village comme espace de vie ? Chacun pensera à d'autres "villages" qu'il faut comprendre comme unités géographiques où se déroule le quotidien ("our town" est une expression intraduisible : "Notre petite ville" ne le rend pas mieux que "Unsere kleine Stadt"). Cf. l'usage paradoxal de l'expression à propos de Chicago, "My kind of town", par Frank Sinatra.
Il est  d'autres manières de rendre compte de cette vie sans événement. Citons  "La douceur du village", le moyen mètrage de François Reichenbach (47 mn) qui regardait un village français depuis son école primaire. Les vignettes de Joseph Cressot publiées d'abord dans Le Républicain lorrain, "Le Paysan et son village" (1937), pour saisir la vie d'un village haut-marnais, feuilleton qui deviendra Le Pain au lièvre. Celle de Pierre Ferran, Le Thuit Simmer (Ed. Jean-Pierre Oswald). A côté de ces approches littéraires et nostalgiques, rappelons la monographie de géographie politique de Roger Thabault, "Mon village. Ses hommes, ses routes, son école", (1944 puis 1982, aux Presses de la FNSP, avec préface d'André Siegfried).
Quel est l'équivalent de "our town" aujourd'hui ? Un quartier, une rue ? Penser à "West Side Story"...

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