
Car pour ce qui est des films sélectionnés, les organisateurs ne s’y sont pas trompés, en proposant la récent La rivière Tumen plus une belle brochette de ce qui s’est fait de mieux ou presque ces dix dernières années en Corée : JSA de Park Chan Wook, Locataires de Kim Ki Duk, My sassy girl, The Chaser, Secret Sunshine de Lee Chang Dong. Et celui qui m’a attiré au Gaumont Parnasse jeudi soir. Tous les films proposés cette semaine étaient déjà passés sous mes yeux au moins une fois, mais il en était un que je désirais ardemment revoir, Memories of Murder. L’occasion était trop belle de le revoir dans une salle de cinéma.
Voilà un peu plus de six ans que j’avais découvert le film de Bong Joon-Ho sur grand écran. C’était en 2004, une année qui avait également vu la sortie dans les salles françaises de Deux sœurs de Kim Jee-Woon et d’Oldboy de Park Chan Wook. L’année où le cinéma coréen m’a conquis. Je n’avais pas revu Memories of Murder depuis cette première fois. L’occasion était trop belle.

Voir un film plusieurs fois, ce n’est pas l’apprécier de la même façon à chaque vision. Avais-je ressenti exactement la même chose il y a six ans ? Pas sûr. Je connaissais très peu la Corée à l’époque, son histoire, sa chronologie, sa politique, sa société… Cette nouvelle vision s’est enrichie de ma propre expérience avec la Corée. Le grand polar que j’avais vu à l’époque m’est désormais apparu avec un contexte historique et politique plus clair. Une période, la fin des années 80, si particulière du pays, qui se ressent dans le cadre du film.
J’ai découvert Memories of Murder sous un angle politique – les derniers souffles de la dictature militaire, les révoltes populaires, la période transitive vers la démocratie – qui fait battre le cœur de l’intrigue. Cette toile de fond accompagne l’atmosphère et la densifie. Elle dessine les contours des personnages. Elle prolonge les problématiques du cadre. Dans Memories of Murder, le bordel ambiant est à l’image d’un pays en plein changement, à l’image d’une société qui se cherche. Les policiers vivent leur enquête, elle est leur quotidien pendant que le pays gronde, y compris contre eux, ces symboles de l’oppression. Ils veulent se donner les moyens d’attraper un tueur pendant que la plus haute hiérarchie préfère s’occuper de réprimer les mécontentements populaires.

Et conclure son film par un plan bouleversant. Y mettre plein cadre, en gros plan, le visage de Song Kang-Ho, cet immense acteur, et filmer la fracture à peine perceptible d’un regard rappelant que les années n’effacent pas les regrets, la douleur, l’amertume. Le doute. L’occasion était trop belle de revoir Memories of Murder. Et d’y voir un nouveau film, encore plus grand.