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Seul dans Berlin de Hans Fallada

Par Sylvie
ALLEMAGNE -1947


Editions Denoël, 2002

Voici un grand classique de la littérature allemande d'après-guerre, "l'un des plus beaux livres écrits sur la résistance allemande anti-nazie" selon Primo Levi, retraduit en français en 2002.
Car il est vrai que l'on connaît la résistance française, anglaise mais très peu la résistance allemande. Pourtant, elle a bel et bien existé ! Et c'est le grand mérite de ce livre de nous faire découvrir au grand jour un fait historique largement méconnu. 
Mais ce titre n'est pas seulement essentiel pour son intérêt documentaire ; il livre bien une intrigue romanesque des plus sensibles et touchantes, au suspense psychologique indéniable. 
Hans Fallada (1893-1947) a exercé différents petits métiers (gardien de nuit, agent de publicité) avant de devenir un écrivain réaliste sur la société allemande d'entre-deux-guerres. Ses oeuvres ont été interdites par le parti nazi. Alcoolique et morphinomane, il se réfugie dans les paradis artificiels au lieu de résister activement. En 1947, peu avant sa mort, il livre le plus beau roman sur la résistance allemande...
Il prend pour cadre un immeuble de Berlin qui abrite une femme juive, un couple sans histoires, les Quangel, une famille de SS, les Persicke et un pauvre diable, Enno Kugle, ivre de femmes et de jeux, faible créature prête à tout pour assuvir ses deux passions....
Un immeuble. Un échantillon typique des caractères humains. Nous avons l'mpression d'être dans une oeuvre de Balzac ou de Zola tellement la peinture des caractères est réaliste.
Les Quangel apprennent la mort de leur fils unique, tombé au front. Alors qu'ils affichaient une neutralité bienveillante auparavant, ils décident en honnêtes gens, d'inonder les immeubles berlinois de cartes postales où ils écrivent des messages de résistance et de critiques du régime.
Ce couple symbolise la résistance de héros ordinaires qui résistent seuls (c'est le sens du titre) sans adhérer à aucune organisation clandestine. Ce qui compte, ce n'est pas l'effet mais l'intention, le fait d'être propre à l'intérieur de soi-même et de mourir seul face à soi-même la conscience tranquille. 
Face à ces héros ordinaires, il y a une couple d'amoureux qui choisit de vivre dans leur petite cellule romantique pour mieux oublier l'enfer du régime et de faibles créatures qui sans être pour Hitler, collaborent pourtant pour satisfaire leurs propres besoins. Parmi ceux là, Borsakhen, prêt à tout pour dévaliser la vieille juive, et Enno Krugle, créature qui éveille de la pitié, incapable de se guérir de sa soif de sexe et de jeux. C'est parmi ces créatures que les SS cherchent des indics....

Ce fabuleux roman a le mérite de conjuguer intérêt documentaire,  suspense policier et étude psychologique. On retiendra ainsi la traque des Quanguel par un policier recruté par la Gestapo. Ce qui intéresse ce policier, c'est avant tout la chasse et pas uniquement le trophé. Et quand il tiendra sa proie, c'est pour se rendre compte qu'il a tout perdu. Très beau portrait psychologique de l'enquêteur, donc. 

Très belles études psychologiques des êtres qui choisissent de collaborer ou de résister. Nous avons là des spécimens balzaciens de la comédie humaine de haute volée. 

Enfin, une intrigue romanesque à souhait avec une histoire d'amour très émouvante d'un couple entre deux âges qui n'a plus rien à perdre après la mort du fils. Deux êtres qui ne font qu'un face à la barbarie, jusqu'à la mort. 

En deux mots, un roman magistral.


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