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Quand Sarkozy insulte la France.

Publié le 19 septembre 2010 par Letombe

Quand Sarkozy insulte la France.

Sarkozy, 16 septembre 2010, Bruxelles

Finalement, Nicolas Sarkozy n'est peut-être qu'un gaffeur, un champion de la maladresse, un expert ès bourdes. Au pire, il les commet lui-même. Au mieux, ses proches s'en chargent. La révélation de cette circulaire du 5 août dernier, signée par le directeur de cabinet d'Hortefeux, qui ciblait prioritairement et en toute illégalité la communauté rom, à 4 reprises dans ce texte plutôt court, en dit long sur l'état d'incompétence du gouvernement.
Mais Sarkozy est aussi dangereux, par ses gaffes, par son incapacité à les corriger ensuite, par son inclinaison naturelle à accélérer quand il approche du mur. Jeudi à Bruxelles, le président français a insulté son propre pays. Calculée ou inconsciente, son absence de retenue et de diplomatie après une violente polémique avec la Commission de Bruxelles, avait quelque chose d'hallucinant pour qui pensait que la France pouvait être un moteur de l'Europe.
Depuis lundi, elle ne l'est assurément plus.
Président des gaffes
L'autosaisine de la police nationale, dont le directeur est un ami d'enfance de Nicolas Sarkozy, pour enquêter secrètement sur l'origine des fuites à la presse des procès-verbaux d'audition de Patrice de Maistre est un bel exemple de bourde incroyable. L'Elysée aurait tout à fait pu demander une enquête administrative, en toute transparence. Et bien non, il a fallu qu'elle charge quelques barbouzes d'aller demander les listings téléphoniques d'un conseiller pénal de la Garde des Sceaux. On se demande encore comment le conseiller a-t-il pu être ciblé aussi rapidement. Frédéric Péchenard est aussi abondamment cité dans l'un des ouvrages consacrés à Carla Bruni-Sarkozy, dont le Point a publié quelques extraits croustillants : les coulisses de l'enquête de police et de la DCRI, en février dernier, demandée par Nicolas Sarkozy à son ami Péchenard à propos des rumeurs d'adultère au sein du couple présidentiel, y sont détaillées.
Jeudi, on apprenait que 5 Français, travaillant pour Areva et Vinci, avaient été capturés au Niger. On se souvient de Michel Germaneau, cet autre Français, attrapé par une filiale d'Al Qaida dans la même région, et exécuté en juillet dernier après le fiasco d'une intervention militaire franco-malienne. La menace terroriste est paraît-il extrême. L'adoption de la loi interdisant le port du voile intégral pour quelques poignées de cas identifiés en France n'arrangera rien. Cette semaine, Brice Hortefeux s'est précipité sous la Tour Eiffel, à Paris, menacée d'une alerte à la bombe jeudi. Il voulait faire peur et revaloriser l'image de la DCRI, plus occupée à traquer des histoires de culottes ou des fuites dans les cabinets sarkozyens. Que Bernard Squarcini, le patron de la DCRI, ait quand même du temps à consacrer aux rumeurs d'adultère ou à l'affaire Woerth ne lasse pas de surprendre. Après Tarnac et l'ultra-gauche, la Sarkofrance ne cesse de s'inventer des menaces.
Il est d'autres enquêtes qui progressent lentement, très lentement. L'affaire du Karachigate est de celles-là. Sans surprise, le procureur Marin a décidé que les soupçons de rétro-commissions au profit du club politique d'Edouard Balladur en 1995, sous l'égide de Nicolas Sarkozy, ne méritaient pas davantage d'enquête ni d'instruction, les faits étant prescris. Le juge Van Ruymbeke a été chargé cet été d'instruire la plainte pour faux témoignage déposée par des familles de victimes de l'attentat de mai 2002 à l'encontre de Jean-Marie Boivin, ancien administrateur de HEINE, la société offshore créée par Nicolas Sarkozy pour verser les commissions occultes aux autorités pakistanaises dans le cadre de la vente de 3 sous-marins français en 1995.
Les bourdes en Sarkofrance sont nombreuses, et disséminées. Prenez Sébastien Proto, le jeune directeur de cabinet d'Eric Woerth. Après avoir un temps refusé de répondre en prétextant le respect de sa vie privée, il a dû confirmer être parti en vacances en Corse avec Antoine Arnault l'été dernier. C'est un conflit d'intérêt évident ! Rappelons-le, le beau-père d'Antoine Arnault n'est autre que Patrice de Maistre. Faut-il être inconscient pour agir ainsi en pleine affaire Woerth/Bettencourt ?
Faut-il voir, dans certaines de ces bourdes graves ou grotesques le signe d'une nervosité au sommet de l'Etat ? Très certainement. Mercredi, l'ambiance était électrique à l'Assemblée Nationale. A titre d'exmple, on a pu entendre Eric Woerth, qui aime à se décrire victime d'insultes et d'amalgames depuis juin dernier, traiter une députée socialiste de « collabo ».
Président des baffes
Nicolas Sarkozy n'avait laissé que 75 heures au fameux « débat » parlementaires chez les députés (après l'examen express en commission fin juillet). Pour la « grande » réforme de cette mandature finissante, le délai était court. Par comparaison, d'autres lois (Hadopi ou Loppsi, pour n'en citer que deux) ont bénéficié d'examens plus approfondis. Mardi, les députés sont donc restés la nuit entière, jusqu'au petit matin le lendemain, pour discuter (ou s'invectiver) sur la multitude d'amendements. Et quand l'opposition tenta de prolonger d'une quinzaine d'heures cette session expéditive, par le biais de la stricte application du règlement, à savoir la justification individuelle du vote de quelque 165 députés, Bernard Accoyer refusa la requête. Au mépris de cette disposition du nouveau règlement de l'Assemblée, qui date de la réforme constitutionnelle de juillet 2008 dont l'introduction avait été présentée, à l'époque, comme la contrepartie de l'encadrement horaire des débats parlementaires. Scène incroyable, on a pu voir et entendre des députés socialistes poursuivre le président de l'Assemblée Nationale aux cris de « putchiste », « factieux » et « démission ». Bernard Accoyer avait des consignes à respecter, prises à l'Elysée : la réforme des retraites devait être votée dans les plus brefs délais.Sarkozy n'aime que les débats qui l'arrangent.
Samedi, Brice Hortefeux a cru bon de créer une diversion, en proposant d'introduire des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, voire à faire élire les juges d'application des peines. Il fustige l'insensibilité supposée « d'une minorité de magistrats » à l'égard de la « souffrance des victimes.» La ficelle est bien grosse. La manoeuvre est totalement téléguidée depuis l'Elysée. La veille, Nicolas Sarkozy a reçu une précédente victime du violeur présumé de Natacha Mougel enterrée cette semaine. On devrait rétorquer que le nombre de libérations conditionnelles, par ailleurs marginal (7000), a augmenté depuis que Sarkozy est président de la République (sic !), que les prisons sont surpeuplées, qu'il n'y a que 3000 conseillers pour suivre et orienter quelque 80 à 90 000 prisonniers libérés chaque année; que les effectifs de police ont diminué de 10 000 postes depuis 2007.
Sarkozy préfère faire voter des lois fourre-tout, comme la loi loppsi II, adoptée par le Sénat voici 8 jours après 4 petits jours de débat. Loppsi II, c'est un peu la nouvelle Samaritaine de la Sarkofrance sécuritaire : on y parle de tout, du permis à point jusqu'à l'assouplissement du fichage des victimes et des délinquants, de la mise en oeuvre de drones de surveillance jusqu'aux interdictions de supporters dans les stades.
Président de l'outrance
La publication d'une circulaire du ministère de l'intérieur, datée du 5 août, qui ciblait à plusieurs reprises les roms, a ravivé la polémique. A Bruxelles, la vice-présidente de la Commission européenne, Viviane Reding, a menacé la France de sanctions. Deux associations vont également déposer plainte pour discrimination. Sarkozy était furieux, Xavier Bertrand ridicule de contorsions sémantiques. Eric Besson était gêné, lui qui prenait un malin plaisir à « rationaliser » la démarche sécuritaire de son patron. Dans l'après-midi, Brice Hortefeux publia une nouvelle circulaire. Quand Viviane Reding osa une comparaison avec d'autres périodes sombres de l'histoire européenne, la Sarkofrance fut prise de rage. Mercredi, Sarkozy engueula Barroso, lequel avait exprimé sa solidarité avec sa vice-présidente. Dans la journée, Mme Reding exprima ses regrets, sans lâcher l'essentiel. L'Elysée publia un communiqué faussement apaisant. Sarkozy a perdu ses nerfs. Il n'a pas compris que les outrances verbales, et également écrites (cf. la fameuse circulaire) pouvaient faire autant de dégâts diplomatiques. Devant des journalistes impatients de l'entendre réagir publiquement à Bruxelles, il en a remis une couche, jeudi après-midi : « la totalité des chefs d'Etat et de gouvernement ont été choqués par les propos outranciers tenus par la vice-présidente de la Commission. » La France serait « blessée », « insultée ».  Il est allé jusqu'à expliquer que l'expulsion des camps de Roms répondait à une exigence de défense de la sécurité publique. Il a évidemment rappelé que ses expulsions de Roumains (ou de roms ?), par charter, se poursuivraient.
On le sentait acculé. Il trébuche d'abord, en mentant. Contrairement à ses dires, Angela Merkel ne lui a ni apporté son soutien ni confié qu'elle allait également procéder à des expulsions de roms (ou de Roumains ?). Il a fallu un communiqué officiel de la République Fédérale d'Allemagne pour offrir publiquement ce cinglant démenti à Nicolas Sarkozy. Ce dernier était si stressé qu'on lui avait préparé un texte, qu'il lut pour répondre dès les premières questions portant sur le sujet. Il a donc sorti ses chiffres: sur 355 campements illégaux démantelés depuis juillet, quasiment tous étaient des installations de « gens du voyage », et non des roms. Mieux, ces 23 000 personnes ainsi « évacuées » de leurs logements de fortune étaient « presque tous des citoyens Français ». Sarkozy a invoqué les nécessités humanitaires, évoquant la présence de rats dans ces campements précaires. Mais que s'est-il donc passé depuis 2002 ? A Paris, le même jour, comme un mauvais écho, Eric Besson, double de son maître, parlait lui d'expulsions de Roumains. Le ministre prit quelques précautions. Depuis janvier, 9.000 Roumains ont été expulsés. Des Roumains, pas des roms. Notez la précision. On n'y comprend plus rien. « Nous n'avons jamais procédé à ce que certains ont appelé des expulsions collectives, tout se fait sous le contrôle du juge » a précisé le ministre de l'Identité Nationale. Besson répète, comme son maître, que la France respecte le droit européen. C'est faux, toutes les institutions européennes le disent et le critiquent, et la Commission vient même de déclencher une procédure de sanction.
Il suffit de lire la presse internationale, d'écouter les déclarations officielles en cascade, du pape, de l'ONU, du Conseil de l'Europe, de certains ministres ou chefs d'Etats étrangers : l'image de la France est durablement ternie. A quelques semaines de la présidence française du G20, Nicolas Sarkozy a gâché une occasion personnelle qui se présentait à lui de redresser, à l'étranger, sa popularité déplorable.
Qui a dit que ce président, aussi impulsif que narcissique, orgueilleux qu'énervé, était compétent ? On pouvait croire que la conduite des affaires de la Nation exige du calme, du charisme et de la fermeté. Nous n'avons qu'agitation, outrance, et entêtement. Mais l'attitude sarkozyenne est aussi calculée. On s'imagine, dans les coulisses du Palais de l'Elysée, qu'on a beaucoup pesé le pour et le contre. 
En contestant ainsi les institutions européennes Nicolas Sarkozy espère capitaliser un peu plus sur son attitude frontiste. Attaquer l'Europe, c'est souvent bon pour la popularité. Bien sûr, il ne s'agit pas d'attaquer les paradis fiscaux du Lichtenstein ou du Luxembourg, encore moins de dénoncer l'euro trop fort ni les libres délocalisations. Sarkozy aime que les usines et les capitaux voyagent, pas les Roumains.
Sans surprise, le Figaro a publié un sondage OpinionWay dans lesquels 56% des sondés déclarent désapprouver les critiques adressées par la Commission européenne aux autorités françaises après les « éloignements » de roms. Mais le Parisien a répliqué dès le lendemain, avec un sondage de l'institut CSA qui délivre des résultats quasi-contraires : 56% des sondés approuvent les critiques européennes et estiment que l'Europe est dans son rôle en demandant des explications au gouvernement français. Ces joutes sondagières sont terriblement  drôles ! Pour la petite histoire, Serge Dassault, propriétaire du Figaro, songe à racheter le Parisien, actuellement en vente. On comprend pourquoi.
Président des Riches
Le bouclier fiscal a refait surface. Les chiffres de l'an passé sont tombés. La cagnotte sarkozyenne a bénéficié à 19 000 heureux contribuables, pour 679 millions d'euros. Et 1 169 d'entre eux se sont partagés 62% de cet heureux remboursement. On ne sait pas si Liliane Bettencourt en fait partie, elle qui a récupéré une trentaine de millions d'euros annuels depuis l'instauration de ce dispositif, malgré la fraude fiscale révélée par Mediapart en juin dernier. On se demande aussi comment une quinzaine de contribuables sont parvenus à déclarer un patrimoine supérieur à 16 millions d'euros mais des revenus inférieurs au SMIC...
En ces temps de disette budgétaire, la hausse du coût de cette niche fiscale (+120 millions d'euros) fait désordre. On se rappelle aussi que le plafonnement des niches fiscales, malgré les coups de rabot promis et partiellement annoncés, sera inchangé : 25 000 euros plus 8% du revenu imposable par contribuable. Plus on est riche, plus le plafond augmente. Quel concept ! On comprend mieux pourquoi les niches ciblées par le rabot Baroin/Lagarde sont si peu nombreuses : 440 millions d'euros d'économies ont été identifiés, pour 2012 seulement, sur quelque 22 niches. A titre de comparaison, le gouvernement espère récupérer environ la même somme par le biais d'un alignement à 19,6% du taux de TVA sur les 20 millions de foyers français abonnés à des offres TV/internet/téléphone.
Christine Lagarde, qui se déclare « pas prête » à devenir premier ministre, promet d'autres économies, plus substantielles, sur les dépenses d'intervention. L'effort budgétaire, rappelons-le, sera demandé au plus grand nombre, par le biais de réduction de prestations sociales et de services publics, et d'augmentation d'impôts. La vraie surprise fiscale de cette semaine fut que Christine Lagarde avait décidé de croquer François Baroin : elle empiète joliment les plates-bandes de son collègue du Budget.
Jeudi, d'autres « pistes » de rigueur, contre l'assurance maladie cette fois-ci, étaient révélées par les Echos : Baroin et Bachelot aimeraient économiser 2,5 milliards sur le dos de la santé publique, dont près d'un milliards via des déremboursements divers et variés. Affection longue durée, diabétiques, hôpitaux, médicaments de vignette bleue, tout y passe.
Au final, la Sarkofrance s'est recroquevillée autour de son monarque. Cette semaine, un cap a été franchi, vu les violences verbales, en France comme à l'étranger. Il nous reste 18 mois avant l'élection présidentielle.
Ami sarkozyste, prépare-toi.

Sarkofrance


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