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Le Maître de la toile de jeans

Publié le 19 septembre 2010 par Marc Lenot

maestro-della-tela-jeans-jeune-garcon-presse.1284934631.JPGÀ la réception du communiqué de presse, on croit à un canular : une exposition d’un peintre du nord de l’Italie de la fin du XVIIème siècle dont les personnages sont habillés en jeans ??? D’autant plus que l’exposition est soutenue par Marithé et François Girbaud, grands experts en la matière. Mais les photographies ont l’air convaincant, les textes semblent sérieux, donc allons à la Galerie Canesso (jusqu’au 27 novembre), par ailleurs un très grand marchand de peinture italienne ancienne, dans un quartier où les galeries d’art sont plutôt rares au milieu des banques et des compagnies d’assurance. Ici tout respire le luxe et le grand art, et ce n’est en rien un canular (ou alors il est énorme) : texte scientifique de l’historienne d’art Gerlinde Gruber qui l’a découvert, paru dans Nuovi Studi en 2006, et patronage de l’Ambassade d’Italie. Huit des dix toiles de ce peintre dont on ne sait rien ont été retrouvées par Maurizio Canesso et sont présentées ici, et en effet, dans chacune, un ou plusieurs des personnages sont vêtues d’un habit en toile bleue, futaine de Gênes dans laquelle les historiens du costume voient l’ancêtre du denim. La robe de la vieille femme du Repas frugal, les jupes déchirées de la mendiante à la sébile vide et de la femme cousant près de ses fils (le regard effronté de gueux de l’aîné est superbe), la robe trouée de la fileuse à l’oeil mort.

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Ce peintre s’inscrit dans une tradition réaliste, populaire et m’a surtout fait penser aux tableaux sévillans de Vélazquez; on peut aussi trouver bien des parentés avec le paupérisme des frères Le Nain. La plupart des personnages, modestes ou misérables sont austères et dignes. Le petit mendiant ci-dessus porte une veste trop grande pour lui, ornée de brandebourgs bien passés et trouée, veste trouvée ou volée, mais veste en jean.

Quant au client madré du barbier, par ailleurs assez élégant, ce sont ses guêtres qui sont en toile de jeans. Il y a là comme une obsession, une séduction du bleu, sur laquelle on aimerait entendre Michel Pastoureau : le bleu, couleur maudite dans l’Antiquité, devenue couleur mariale et royale vers l’an mil.

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L’exposition comprend aussi des toiles de Sweerts, de Monsù Bernardo, de Ceruti et quelques autres, permettant de remettre le Maître de la toile de jeans dans son contexte.

Quant aux Girbaud, ils proposent la veste ci-contre…

Excellent catalogue, très scientifique. Photographies courtoisie de la Galerie.


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