C'est un roman qui se défend d'être triste, mais qui l'est dans les dernières lignes, parce que ce sont des pages belles, émouvantes et qui vous prennent à la gorge. C'est comme ça, incontrôlable, et on n'y peut rien. Cela n'efface pas les précédentes pages taillées d'humour et de facétie à croquer le portrait d'une adolescente de treize ans qui se sait moche, terne et plate, totalement fade, et qui se débat contre l'injustice de sa vie. A côté, il y a Péné, la fille la plus glamour de l'école, qui habite juste au-dessus d'elle, la cible parfaite pour Jenna et sa copine Susanna qui déchaînent leur verve. Elles détestent Pénélope-la-salope ! C'est toujours elle que tout le monde regarde, aime, courtise. C'est toujours elle qui organise les soirées les plus folles, les plus courues. C'est toujours elle qui se la pète, qui parle de ses vacances, qui fume, qui boit, qui collectionne les histoires sentimentales. Bref, elle exaspère !
Quand on n'a pas de poitrine, les cheveux ternes, un regard de veau perdu sans sa maman, et qu'on aimerait bien que ça bouge un peu dans sa vie, à trop baver sur Sakki, le beau gosse, celui qui fait tourner la tête de Jenna (et qu'en échange, rien, le vide intersidéral, c'est la loose), bref on espère, on attend un miracle, en regardant les étoiles au plafond de sa chambre. Susanna est gentille, mais un peu pénible aussi. Pourtant, elles se connaissent depuis toujours, elles ont grandi ensemble, fait du cheval toutes les deux, aiguisé leurs dents contre Péné, et puis Susanna connaît le secret de Jenna. Ce secret qui fait que l'adolescente barricade son chez-elle, son sourire, ses élans : sa maman est malade. Un cancer. C'est grave. Elle va mourir (lui serine-t-on).
Alors, c'est la course. Vivre, grandir, se mélanger, confondre, assister à l'intrusion de grand-mère, détester ça mais se taire. Aider maman, toujours. Se consoler de la voir un peu mieux. Trembler face à ses chutes. Être impuissante, muette, mais crier sa colère au fond de soi. Jenna est une jeune fille prise dans un tourbillon, elle doit combattre son chagrin et la panique engendrés par la maladie, mais aussi accuser ce qui change chez elle, dans son corps et dans sa tête. C'est le début de la crise, ce n'est pas facile, surtout quand Péné s'en mêle, oui, l'insupportable Péné, celle qu'elle déteste depuis toujours, et qui se révèle ... différente. Compréhensive. C'est le monde à l'envers. C'est un monde où on perd sa maman trop jeune et où on se sent abandonnée, malheureuse et perdue dans le noir. C'est sûr que c'est triste, vers la fin, mais ça reste une lecture incroyable, belle et attachante. Et ça raconte la jeunesse pas autrement qu'avec leurs mots, leurs émotions et ça ne trompe pas, c'est vif, cinglant, ça fait sourire et soupirer. En bref, c'était bon, très bon même !
de Johanna Tydell (éditions thierry magnier, 2010)
traduit du suédois par Agneta Ségol
336 pages - 17,50€