Bernard vous propose ce soir un nouvel article dans la série "Bibliophilie et sciences": Castel le jésuite antinetwonien.
Louis Bertrand Castel (1688-1757), effectue sa scolarité chez les jésuites de Toulouse. En 1703, il intègre cet ordre et fait ses humanités de mathématiques et de philosophie.Après avoir enseigné en province, il est nommé à Paris au collège Louis le Grand.
Il publie en 1724 un Traité de la pesanteur universelle qui s’oppose à la théorie de l’attraction de Newton. Je vous présente deux autres de ses ouvrages. L’optique des couleurs fondée sur les simples observations ... description de l’orgue ou clavecin oculaire...Paris, Briasson. 1740. 1 volume in-12 ; (4) pp, pp III à XVIII, 487, (1), (6) pp, 2 pl.
Castel explique longuement dans le Journal de Trévoux, en 1735, son invention du Clavecin des couleurs au moyen duquel, se fondant sur une analogie entre les sons et les couleurs, il prétend, en variant les couleurs, affecter l’organe de la vue, comme on affecte celui de l’ouïe par la variété des sons.
Pour lui, la couleur est, comme le son, produite par des vibrations. Á chaque note de la série chromatique des sons musicaux, il attribue une couleur : Do = bleu ; Do# = céladon ; Ré = vert ; Ré # = olive ; Mi = jaune ; Fa = fauve ; Fa# = incarnat ; Sol = rouge ; Sol# = cramoisi ; La = violet ; La# = agathe ; Si = gris ; Do = bleu. Dans son clavecin un clavier actionne à la fois les sautereaux et un système de miroirs éclairés par des bougies à travers des filtres colorés. Ce clavecin a-t-il été construit ?Voltaire écrit à Rameau en mars 1738 : « Cet homme fait de la musique pour les yeux. Il peint des menuets et de belles sarabandes. Tous les sourds de Paris sont invités au concert qu’il leur annonce depuis douze ans. »Rousseau, curieux de son invention lui rend visite et laisse ce jugement « Cet homme est fou, mais bon homme au demeurant ». L’abbé de Saint-Pierre dit de lui : « Il me paraît de ces esprits originaux dont il est plus à propos d'encourager à démontrer de qu'ils découvrent, que les encourager à faire de nouvelles découvertes ».Principaux chapitres : Observation sur le noir et sur le blanc, sur la distinction précise du coloris et du clair-obscur - Nature générale et l'origine des couleurs relativement au clair-obscur et sur le noir-couleur - Génération harmonique des couleurs où l'on commence à découvrir les trois couleurs primitives de la nature - Sur la manière de composer toutes les couleurs avec les trois primitives - Démonstration de tous les degrés possibles harmoniques et pittoresques du coloris - Sur le cercle des couleurs où l'analogie des couleurs avec les tons de la musique se fait bien sentir - Cercle des couleurs applicable aux divers arts - Application à la teinture - Des degrés du clair obscur - Application de la théorie du clair-obscur aux arts, surtout à le peinture, à la teinture et aux manufactures - Réunion du coloris et du clair-obscur - Plan d'un cabinet universel de coloris et de clair-obscur - Mémoires pour l'optique physique des couleurs (lettre de M. D** au R.P. Castel, réponse du Père Castel - Seconde lettre du Père Castel à M. D** sur le faux des expériences d'optique du célèbre Newton - Principes physico-mathématiques de la nature dans la réfraction de la lumière - Description de l'orgue ou clavecin oculaire par le célèbre M. Telleman, etc.Le vrai système de physique générale de M. Isaac Newton exposé et analysé en parallèle avec celui de Descartes.Paris, Sébastien Jouy. 1743. 1 volume in-4 ; (4), 520 pp, 3 pl.Castel, qui a traduit pour son propre compte les Principes mathématiques de la Philosophie Naturelle de Newton, rédige cet ouvrage vers l’année 1720, et le publie seulement en 1743.Dans cet ouvrage mis « à la portée du commun des physiciens », Castel, cartésien convaincu, accuse Newton de faire des suppositions tacites qui sont cachées « sous le nuage d’une forte Géométrie ». Non seulement la géométrie fait écran, mais le système est erroné car il s’appuie sur les mathématiques. Castel écrit dans son discours préliminaire : « La géométrie propre de Newton, son calcul infinitésimal, ses séries, ses quadratures, ses lignes mêmes du troisième ordre, sont à peu-près éclaircies désormais, à la portée des géomètres. Mais sa physique est bien éloignée de l’être à la portée des Physiciens. Je n’avance rien sans preuve. L’Attraction, la Gravitation, l’Action à distance, dont on compose le fond du système newtonien, ne sont qu’un jargon, dont Newton proteste en vingt endroits, qu’il n’emploie les termes que pour la commodité du Discours ; en Mathématicien, en Géomètre, sans prétendre y attacher aucune vraye idée primitive de Physique raisonnée et systématique ».
Castel n’a pas laissé de trace dans l’histoire des sciences mais ses ouvrages, témoins de la lutte entre cartésianisme et newtonianisme, font le bonheur des bibliophiles (enfin, de certains..).Merci Bernard,H