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Doc Gynéco: L'homme qui ne valait pas dix centimes (2/2)

Publié le 23 septembre 2010 par Soulbrotha
Doc Gynéco: L'homme qui ne valait pas dix centimes (2/2)
La première partie.
Nous entrons dans les années 2000 et les choses vont se dégrader pour Bruno. Quality Street (2001) est un album médiocre, musicalement plat et textuellement cliché. Il ne s'agit ici que de joints, de femmes, de rançon du succès. Le son glisse très clairement vers la variété française. Ce n'est pas une surprise (plutôt une envie revendiquée depuis le tout début) mais c'est surtout très chiant.
Il ne met qu'un an à composer Solitaire qui est un peu meilleur, plus Hip Hop. "Funky Maxime" renoue avec la grande tradition du hit beausirien, "Frotti-Frotta" s'aventure vers le zouk et le morceau titre (dans lequel on retrouve Daz Dillinger) dévoile la profonde tristesse d'un artiste sur le déclin ("de plus en plus seul devant mon verre d'alcool, j'dois faire semblant d'être heureux"). Ca reste quand même assez mou du genou et, surtout très anecdotique. Cet album sera le dernier pour le compte de Virgin, lassé de ses doléances incessantes et de ventes en chute constante.
Doc Gynéco: L'homme qui ne valait pas dix centimes (2/2)Après quatre années de pause (durant lesquelles son image de fumeur de marijuana endormi s'enracinera encore un peu plus dans la culture populaire), il enregistre Un Homme Nature qui restera probablement comme son plus mauvais album. Dans cet opus, on retrouve un Bruno énervé, posant sur des beats rythmés. C'est étonnant et pas vraiment réussi (notamment une reprise assez lamentable de "L'Homme Pressé" de Noir Désir). Le plus dérangeant dans cette historie, c'est qu'on a l'impression d'écouter un artiste qui ne sait plus quoi faire pour se renouveler, dans une totale impasse artistique.
2006 marque aussi son étonnant ralliement à Nicolas Sarkozy. Impossible de savoir si ce coup médiatique fumant est guidé par une vraie réflexion idéologique ou par opportunisme (Bruno n'a jamais vraiment souhaité payer ses impôts) mais il sonne le glas de sa popularité au sein de la communauté Hip Hop. Le grand public aussi est choqué, un peu refroidi de voir ce garçon si passif établir une revendication politique. Le chemin parcouru de "Sacrifice de Poulet" à "Sarko est un petit maitre à penser" laisse tout le monde songeur.
Personne ne relèvera qu'il s'agit là d'un précédent dans l'hexagone, les rappeurs français étant considérés plutôt comme vaguement à gauche mais surtout totalement éloignés du débat politique, à part quelques exceptions emmerdantes comme Akhenaton. Depuis ce coup d'éclat médiatique, Bruno n'a jamais trop insisté sur ses amitiés umpiste.
C'est dans le mépris total et une certaine forme d'anonymat que sort Peace Maker en 2008. L'album fera surtout parler car il est produit par le fils de Nicolas Sarkozy. Personne ou presque ne fera l'effort d'avaler cette couleuvre pour reconnaitre que le disque est solide. La production est propre mais c'est surtout dans le contenu que ce sixième opus détonne. Doc Gynéco semble avoir enfin atteint une certaine forme de maturité textuelle. L'équilibre est bon entre textes charmeurs et plus sérieux. Il se présente dans une posture finalement assez crédible de grand frère expérimenté et pacifique, prêchant la bonne parole.
Ce disque ne se vendra qu'à 2000 petits exemplaires, raillé de tous, écouté de quasiment personne.
Aujourd'hui, Bruno pointe au Pole Emploi. Les fans de la première heure crachent sur celui qu'ils considèrent comme un "vendu", beaucoup d'analystes musicaux déplorent une carrière menée n'importe comment et l'opinion publique méprise celui qu'elle considère comme un imposteur. Il est donc dans une impasse et ses chances de retour sont minimes.
Pourtant, le personnage et sa carrière sont plus complexes qu'ils n'en ont l'air. Bruno n'a jamais Doc Gynéco: L'homme qui ne valait pas dix centimes (2/2)voulu prendre la musique comme une activité sérieuse. Freiné dans ses inspirations par une maison de disque fonctionnant au chiffre, il s'est laissé dériver, enfermer dans son image médiatique réductrice et c'est bien dommage. Derrière le rasta enfumé se cache un story-teller brillant, un auteur à l'oeil avisé et, tout simplement, un rappeur talentueux en plus d'un personnage attachant.
Sa trajectoire symbolise aussi une certaine histoire du Hip Hop d'ici. Bruno est un bon exemple d'artiste sincère bridé par le système, catalogué par le public et finalement incapable de sortir de sa prison médiatique. Il aura eu le tort de trop jouer le jeu et de ne pas maitriser son image mais peut-on le lui reprocher? Non, bien sur que non, parce que c'est son jemenfoutisme qui aura fait sa particularité.
Il faudra compter sur le temps pour rendre à Doc Gynéco sa vraie place au sein du Hip Hop français, il la mérite.

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