Qu'ont en commun Lautréamont, un poète franco-uruguayen du XIXème siècle et Sophie Di Ricci, une jeune auteure française? "Moi comme les chiens, j'éprouve le besoin de l'infini". Citation pour l'un, inspiration pour l'autre, et au résultat, un premier roman noir, très noir où se débat un gosse paumé aux rêves avortés sur fond de prostitution masculine.
Willy était encore adolescent lorsqu'il décide de quitter sa famille anonyme et peu raffinée pour monter "à la grande ville". Le jeune Willy devient Alan, un jeune homme au look étudié, écouteurs sur les oreilles, blouson de cuir et converses aux pieds, qui va de bars en bars, de mecs en mecs, jouant de son charme pour survivre. Son chemin croise celui de Mickey et Bouboule, deux jeunes drogués contraints de se prostituer pour se payer leur dose. De fil en aiguille, Alan les rejoint, mais par principe, ne couche jamais. Un jour, il remarque une voiture, et à l'intérieur, un homme, un homme qui l'observe. Faut-il croire ses nouveaux amis, qui prétendent que c'est un ancien du grand banditisme? Le jour où cet homme mystérieux, surnommé Hibou, sauve Alan d'un client un peu trop entreprenant, quelque chose se noue entre Alan et Hibou...
C'est un livre très dur, qui aborde des thèmes crus, violents, méconnus. Si la prostitution féminine, "le plus vieux métier du monde", a été vue et revue en littérature, Sophie Di Ricci innove en nous parlant de la face cachée de la prostitution, en nous dépeignant des adolescents perdus se vendant à des quadragénaires. L'histoire semble aller toujours plus loin dans la débauche, dans le sang comme si l'on voulait choquer le lecteur, le faire réagir. Alan n'est au fond qu'un gamin perdu, tout comme ses amis Mickey et Bouboule. Si ces deux-là demeurent assez pitoyables et mesquins tout au long du livre, le lecteur se prend d'amitié pour Alan, ce rêveur irréaliste. Sexe et violence s'allient donc pour montrer le spectre de la drogue et les coulisses de la prostitution.
La relation entre Hibou et Alan, en elle-même, est également violente et assez inexpliquée. Qu'Hibou s'éprenne d'Alan, ce gamin plein de vie et visiblement très beau est certes compréhensible. L'inverse est plutôt étonnant. Leur histoire se dessine à coup de disputes, d'ébats, et de menaces. Une histoire de passion, entre deux hommes très seuls. La fin du roman est une explosion de violence.
Un roman "coup de poing" donc, d'une jeune auteure à suivre, mais un roman à réserver à un public averti, à ne pas mettre entre toutes les mains.
Vous trouverez ici le site de l'auteur. Le roman sort en librairie le 23 septembre. Ce livre a été chroniqué dans le cadre de la rentrée littéraire 2010 en partenariat avec Ulike.