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Quand Péan dérape sur le journalisme d’investigation

Publié le 23 septembre 2010 par Davidme

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Placardée sur de nombreux kiosques parisiens, la Revue Médias fait la part belle à Pierre Péan qui, nous dit-on, « dénonce le journalisme d’investigation ». Tout un programme. Mais si toi, cher lecteur, tu es tenté d’acheter cette revue (très bonne au demeurant), il est important de faire une petite remise en contexte. Pierre Péan est notamment l’auteur des excellents  « TF1, un pouvoir » ou de « Mitterrand, une jeunesse française ». Bref, il est lui-même un enquêteur. Et puis, il y a eu la « Face cachée du Monde », où s’il révélait quelques petites choses sur le fonctionnement du quotidien du soir, il partait surtout en guerre idéologique contre le journal et surtout contre son directeur de la rédaction d’alors, Edwy Plenel.

La charge de Péan contre Plenel dans Médias, alors que Mediapart vient de redonner ses lettres de noblesse à une investigation délaissée de manière quasi générale dans la presse, prend donc tout son sens. En effet, dans Médias, on apprend qu’en fait Pierre Péan n’aime pas le journalisme d’investigation. Que dit-il ?

« La grande majorité de ceux que l’on appelait les grands journalistes d’investigation n’étaient en réalité que des gestionnaires de fuites. Ou, purement et simplement, des porte-parole, des attachés de cabinet des grands juges », explique Péan, qui n’en démord pas de son obsession contre Le Monde époque Plenel. « Leurs pratiques ont été légitimées, crédibilisées par le grand journal, celui qu’on ne remet pas en cause, Le Monde. On enquête de moins en moins. On publie en une des journaux les informations révélées par un syndicat, par un organisme… Autrement dit, le journaliste devient un enquêteur au second degré ».

Il s’en prend ensuite au travail de Mediapart sur l’affaire Woerth déclarant que « Mediapart a  provoqué un énorme buzz, comme on dit aujourd’hui, mettant le feu à la sphère médiatico-politique. Mais je ne vois pas en quoi il aurait contribué à la manifestation de la vérité ». Et il ajoute que « Mediapart prend de surcroît fait et cause dans un conflit familial en privilégiant la version d’une source payée par l’une des parties, sans prendre le temps de croiser les informations de celle-ci ».

A ce stade, on se demande quand Pierre Péan va en finir avec son obsession anti-Plenel. Plus grave, on peine à comprendre la conception du journalisme défendue par Péan. Pourquoi ne nous explique-t-il pas par exemple, qu’il n’a pas supporté que Plenel et le Monde se saisissent à juste titre de son livre « Mitterrand, une jeunesse française » pour examiner ce que signifiait ce parcours pour la France, de même Péan n’a jamais pardonné à Plenel d’avoir - non pas attaqué - mais enquêté et informé le peuple sur Mitterrand (Rainbow-Warrior etc..) ?
Il le reconnaît d’ailleurs dans l’interview. Il nous explique qu’il avait découvert avant Plenel l’affaire des Irlandais de Vincennes mais qu’il ne l’a pas publiée.
Drôle de conception du journalisme…qui consiste à avoir des informations et à ne pas les publier parce que l’on est « contre la transparence à tout crin ». Il déclare que s’il « s’agit d’une information capitale pour la défense de la France, je ne la publierai pas ». Et ce semble-t-il, même si, le public a le droit de savoir…

A ce stade, on remarque que Péan, autrefois enquêteur, est devenu idéologue. Le chapitre  hallucinant de la « face cachée du Monde » où il accuse Plenel d’ « être un agent de la CIA » infiltré en France ou celui intitulé « ils n’aiment pas la France », prennent alors tout leur sens. Pour lui, les intérêts de la  France passent avant les intérêts du journalisme.

Enfin, son attaque sur le travail de Mediapart est quasiment risible. Il nous explique au début de l’interview que sur « le financement électoral illégal, il n’a pas d’états d’âmes pour publier ses informations » et attaque ensuite Mediapart. Une question surgit alors : l’affaire Woerh/Bettencourt, n’est-elle pas une affaire de financement électoral illégal ? C’est d’ailleurs ce qu’a démontré Mediapart. Mais cela Péan l’a oublié…

Bref, vous l’aurez compris, le journalisme est un combat. Un combat pour le droit à l’information du public, peu importe les intérêts de la France, si des valeurs fondamentales sont menacées. Plenel défend cela -avec d’autres - depuis 30 ans, au grand dam de Péan.


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