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Les femmes et l’économie : au bonheur des dames ?

Publié le 24 septembre 2010 par Edelit @TransacEDHEC

L’ironie du sort veut que le terme « économie » signifie étymologiquement « la gestion de la maison », ce qui était précisément le rôle des femmes, alors que le contrôle des affaires commerciales relevait de la sphère publique. Une idée en vogue depuis deux millénaires veut que l’on ne saurait les mener à bien si on a malencontreusement égaré le chromosome Y en route – les femmes sont si tête en l’air !

Durant l’Ancien Régime, les seules femmes impliquées à un haut niveau sont les abbesses qui administrent des domaines terriens importants. Au Moyen-Age, il existe des guildes d’artisanes, et la main d’œuvre féminine est appréciée dans les ateliers familiaux. Toutefois, en 1688, un triste sire du nom d’Adrian Beier interdit les métiers de l’artisanat aux femmes.

Historiquement, le rôle économique des femmes intervient surtout dans le cadre du mariage. Un changement majeur a eu lieu au XIIème siècle, où ce n’est plus le douaire, soit l’apport de la famille du marié, mais la dot, soit l’apport de la famille de la mariée, qui compte. Cela change complètement les stratégies matrimoniales : la mariée achète son ascension sociale  Les optimistes relèveront qu’un progrès a été effectué depuis l’époque où la femme elle-même constituait l’objet principal de la tractation.

Au début du XIXème siècle, les femmes n’ont pas le droit d’occuper un emploi, sauf dans l’enseignement, encore moins celui de posséder un compte bancaire de dépôt ou d’épargne, et sont traitées en mineures, passant de l’autorité du père à celle du mari. Elles n’ont qu’à se satisfaire de leur travail domestique. En 1861, dans un ouvrage au titre évocateur de Mrs Beeton’s Book of Household Management, Isabella Beeton pousse le toupet jusqu’à comparer le rôle de maîtresse de maison à celui de chef d’entreprise. Seules trois professions médicales sont ouvertes aux femmes au XIXème siècle : infirmière, sage-femme, et médecin, du moins sur le plan théorique.

L’éducation des femmes connaît malgré tout quelques améliorations, avec l’accès des femmes aux universités, en 1880, et en Angleterre, la création d’établissements comme le Cheltenham Ladies College, à l’enseignement moins tourné vers les accomplishments traditionnels si bien romancés par Jane Austen et plus porté sur les matières académiques, jusqu’alors réservées aux cerveaux masculins. En 1883, Hubertine Auclert exige « qu’il y ait pour les deux sexes même facilité de production, et application rigoureuse de cette formule économique : à production égale, salaire égal. »

Heureusement, les femmes profiteront des progrès en tous genres du XXème siècle, depuis le droit de claquer leur salaire comme bon leur semble à celui d’exercer un emploi sans accord de l’ex-heureux propriétaire tout déconfit, autrement dit le mari. Sans oublier quelques autres petits luxes comme le congé maternité rémunéré, la loi contre le harcèlement au travail de 1992, ou bien l’ouverture des grandes écoles – port du bicorne autorisé à partir de 1970 seulement. Le Sénat a beau avoir fait six fois barrage en un demi-siècle aux propositions de loi de la Chambre des députés pour le vote des femmes, jusqu’en 1944, les syndicats ont beau avoir poussé des cris d’orfraie à n’en plus pouvoir, les femmes ont fini par envahir le marché du travail et la sphère politique. Certes, elles continuent à effectuer quotidiennement 80% des travaux ménagers histoire de garder la main, mais il est vrai que le Sénat peut difficilement se mêler de la capacité du Français moyen à manier l’aspirateur.

En outre, les femmes travaillent statistiquement dans les secteurs qui sont le prolongement « naturel » de la marchandisation de leur rôles ancestraux, comme celui des services à la personne. Elles ont plus de difficultés à s’élever dans la hiérarchie de l’entreprise, par le truchement du plafond de verre, et sont de toute façon moins payées si elles accèdent aux postes les plus élevés. Les employeurs étant durs d’oreille, une pléthore de lois rappelle avec tambours et trompettes le principe de l’égalité salariale depuis trois décennies, en agitant des menaces de sanctions aussi variées qu’ineffectives dans l’indifférence générale.

En France, 93% de chefs des moyennes et grandes entreprises sont des hommes : à défaut de parvenir à défoncer le plafond de verre à grands coups de talons aiguille, les femmes peuvent se rassurer puisque « pas besoin d’être PDG pour avoir une p…. de garde-robe », comme leur rappelle très aimablement les 3 Suisses dans leur récente campagne de publicité. Après tout, quitte à glorifier leurs postes de sous-fifres, autant qu’elles y soient décoratives, elles le valent si bien!

D.R.


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