Zhang Shichuan (Le Marché de la tendresse, 1933) débuta le tournage de l’œuvre Dans l’attente de son amour / Chang Xiang Si (1947) que He Zhaozhang ponctua. Ce dernier met en scène une histoire d’amour non consumée entre deux amis alors que l’occupant japonais sévit sur la population chinoise souffrant de la misère.
Gao Zhijian, Hou Xinming et son épouse Xiangmei (Zhou Xuan) sont amis. Alors que le Japon occupe la Chine, Hou Xinming décide de prendre les armes pour combattre. En attendant son retour, Xiangmei survit tant bien que mal avec sa mère aveugle. Gao Zhijian aide ces dernières bien qu’il a, lui aussi, du mal à joindre les deux bouts. Pour se sortir de cette situation, Xiangmei accepte par l’entremise de son amie, Liu Qing, de chanter dans un cabaret tandis que Gao Zhijian est arrêté par les soldats japonais…
Dans l’attente de son amour place au cœur du récit l’actrice et chanteuse Zhou Xuan qui sublime et transcende cette œuvre par ses chants et cette voix qui fit sa renommée. Ce drame prend en toile de fond l’occupation japonaise avant la seconde guerre mondiale. Le cinéaste, He Zhaozhang relate avec force la situation où la misère et l’oppression japonaise étaient le pain quotidien des chinois. On y suit ainsi le personnage de Zhou Xuan survivant dans une Chine faite de contraste, où l’on retrouve différentes personnalités, entre celui ou celle subissant sans le sous, le patriote non engagé ou bien encore ceux profitant d’un système pour continuer à jouir des plaisirs de la vie. Ici, He Zhaozhang n’épargne personne et révèle les divers visages qui composaient cette Chine dans un quotidien où les exactions des soldats japonais n’étaient jamais bien loin. Ainsi, le cinéaste chinois nous offre au détour d’un plan furtif les tortures infligées durant les interrogatoires. Un plan aussi furtif qui parvient tout de même à susciter l’effroi et montrer toute la cruauté de ces temps de conflits armés.
S’il y a des éléments forts à mettre en avant avec Dans l’attente de son amour c’est bien la voix sublime de Zhou Xuan offrant des chants habilement utilisés. Nous n’avons jamais le sentiment qu’ils arrivent comme un cheveu sur la soupe. Aussi, si l’histoire se veut à tendance dramatique bien qu’une once d’espoir subsiste sur des jours meilleurs (l’occupant vaincu), l’humour (voulu ou non) s’invite dans la caricature des soldats japonais. On notera également une scène superbe qui amorcera la clôture de cette œuvre. Une scène nous précipitant dans un suspense accru où par le biais d’un traveling latérale, le cinéaste filme les pas de Xiangmei puis à hauteur de genou et enfin de la taille. Une scène d’une extrême émotion qui atteint son zénith lorsque ces pieds tournent des talons, évitant ainsi le « pire », celui de la remise en cause de son couple et donc de son amour pour Xinming. La tentation déchirante de Xiangmei est alors évincée par le sursaut de la fidélité qui se fermera par un chant mélancolique lourd de sens alors que Gao Zhijian s’en ira dans la pénombre d’une rue refaire sa vie ailleurs, loin de l’élu de son cœur.
Dans l’attente de son amour est un long flash-back orchestrée par une musique, surtout une voix, celle d’une femme. Elle est la nostalgie d’un homme écoutant et se remémorant les yeux au loin sur la mer avant de tourner et déchirer une page à jamais. Si Dans l’attente de son amour n’est pas un chef d’œuvre, elle fait partie de ces œuvres qui ont un intérêt certain dans cette façon de mettre en scène une tragédie amoureuse se jouant en sourdine.
I.D.
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