Il y a eu une polémique autour de ce livre. A-t-il plagié Le Désert des Tartares, de Dino Buzzatti, écrit dix ans avant lui, et qui suit un scénario proche? (Un scénario repris d’ailleurs par Jacques Brel dans sa chanson Zangra).
Les héros des deux romans sont des militaires, confinés dans un fort près d’une frontière. Ils attendent l’ennemi, qui viendra trop tard, à la fin du livre.
Mais le roman de Buzzatti, écrit en 38, a été publié en France en 49, alors que Gracq a écrit le sien en 48. Il ne connaissait donc pas le livre de l’Italien. Une même idée leur est venue, voilà tout.
D’ailleurs, les deux textes sont bien différents, paraît-il.
J’ai lu Le Désert des Tartares dans mon adolescence, trop loin pour que des souvenirs précis m’en restent. Dans Le Rivage des Syrtes, Aldo, le héros, attend l'ennemi peut-être, mais plus sûrement une chose vague et imminente, dont on lit l'approche dans des indices ou des modifications du mental.
Pourtant, rien n'advient jamais. Tout est toujours au futur, et le présent complètement stérile.
Gracq fait passer dans une langue classique des ambiances lourdes, des paysages hallucinés, des sensations délicates. Tout ça au profit de cet espoir vide, de cet appel absurde et frustrant qui gonfle la poitrine et se résout quand on suffoque.
L’intensité faite d'exaltation et d'espoir toujours renouvelé et toujours déçu contribue, comme les lieux imaginaires, à faire du texte un roman onirique. Il a été considéré comme surréaliste, de même qu’Au Chateau d’Argol, même si les deux livres sont très différents.
Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes, José Corti
Jacques Brel, Zangra