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L’incident Jet Blue

Publié le 04 octobre 2010 par Fabien Major @fabienmajor

Rarement j’ai publié dans le MajorBlog, des articles d’autrui. Ce matin je le fais avec beaucoup de fièreté. J’ai pu obtenir l’aimable autorisation de reprendre ici, la réflexion du stratège en chef de Placements Hartford Life, le Dr Bob Froehlich. Ce gestionnaire institutionnel a été témoin de toutes sortes de crise dans sa vie. Et comme moi, il est pas mal tanné de l’excès de morosité. Je vous invite à lire et à partager: L’INCIDENT JET BLUE.

L’incident Jet Blue
Je crois qu’à l’heure actuelle, le monde entier est au courant de l’incident qui s’est produit récemment au terme d’une envolée de la société Jet Blue. Cet incident s’est déroulé à la fin d’une liaison de Pittsburgh (la ville où j’habite) à New-York (la ville que je préfère au monde). Au cas où vous l’auriez manquée, voici l’histoire : Steven Slater, un agent de bord, a eu une altercation avec un passager lorsque celui-ci n’a pas tenu compte de ses directives au sujet du compartiment à bagages au-dessus des sièges. Lors de la dispute, le passager a fi nalement frappé M. Slater à la tête. Ce dernier a alors saisi le micro du système d’intercom de l’avion et a servi tout un discours aux passagers en leur disant essentiellement : « J’en ai marre, je démissionne! ». Il a ensuite actionné le levier d’urgence et déployé la glissoire de secours, et il s’est élancé jusque sur la piste d’atterrissage… non sans avoir d’abord saisi au passage une bière sur le bar mobile de l’avion.

PERSPECTIVES MONDIALES

En tant qu’investisseurs, vous vous sentez peut-être un peu comme Steven Slater : vous en avez assez, vous voulez lancer la serviette, vous aimeriez bien fi ler par la sortie de secours. Et je ne vous en blâme pas. Il semble qu’à chaque heure de chaque jour on ne cesse d’entendre de mauvaises nouvelles suivies d’autres mauvaises nouvelles, tant au plan mondial que chez nous. Mais avant que vous ne tiriez le levier de la glissoire de secours, permettez-moi de vous faire part de mes prévisions mondiales et américaines. Commençons par la scène internationale avec une évidence : non la fi n du monde n’est à nos portes, malgré ce que vous lisez ou entendez des médias.

La preuve? La Banque agricole de Chine a complété le plus important premier appel public à l’épargne (PAPE) jamais vu en réunissant 22,1 milliards de $ de capital. L’économie de l’Allemagne a enregistré un taux d’expansion de 9 % au deuxième trimestre. Hypo Real Estate, la société de prêts hypothécaires allemande qui a été nationalisée lors de la crise fi nancière, s’apprête à renouer avec la rentabilité. L’économie de Hong Kong affi che une croissance de 7,1 % au deuxième trimestre. En même temps, le chômage donne des signes d’amélioration en Australie et au Royaume-Uni. En juillet, les ventes d’automobiles ont atteint un sommet inégalé en Inde car on note dans ce pays une demande sans précédent dans les régions rurales, en plus d’un marché déjà très vigoureux dans les centres urbains. À cela s’ajoute l’engagement de ce pays envers des réformes économiques progressives, telle la décision récente de lier le prix de l’essence dans le pays à celui du pétrole brut, au lieu de subventionner les prix et d’isoler ainsi les consommateurs de la réalité des marchés.

Le gouvernement de Taïwan entame lui aussi des réformes économiques avec en particulier l’entente récente de libre-échange avec la Chine continentale, qui donnera un coup de pouce à une économie déjà robuste avec son taux d’expansion de plus de 7 % (qui est d’ailleurs le plus vigoureux depuis une vingtaine d’années). Si le gouvernement parvient à abaisser le taux de l’impôt sur le revenu des sociétés de 20 % à 17 %, il ne faudra pas beaucoup de temps pour que la croissance dépasse les 10 %.

En Indonésie, ce sont les consommateurs confi ants et peu endettés qui constituent le moteur de l’économie. L’endettement des foyers en Indonésie ne dépasse pas 10 % du produit intérieur brut (PIB) et les consommateurs forment les deux tiers de l’économie. Parlons encore un peu de l’Indonésie car je voudrais souligner une tendance démographique très positive à long terme. Globalement, sur une base quotidienne, 275 000 personnes accèdent au statut de la classe moyenne dans le monde. C’est comme si on créait une ville de la taille de Venise (Italie), 365 fois par année. Pour comparer avec les États-Unis, c’est comme si l’on créait une ville telle Newark, au New-Jersey, ou Anchorage, en Alaska, chaque jour de l’année.

À la fin de l’année, on ajoute ainsi 100 millions de personnes à la classe moyenne. C’est autant que si l’on découvrait un pays comme les Philippines ou le Mexique, dont la population atteint environ 100 millions de personnes, chaque année. Eh bien, en quoi cela touchet- il l’Indonésie? Justement, la majeure partie de cette expansion démographique se déroule dans sept pays : l’Indonésie, la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique, la Russie et la Turquie.

PERSPECTIVES AMÉRICAINES

Tournons-nous maintenant sur ce qui se passe chez nous, ici dans les États-Unis d’Amérique. Tout d’abord, l’un des trois grands constructeurs d’automobiles de Detroit, General Motors, a déposé la documentation requise en vue d’un premier appel public à l’épargne, de sorte que la société s’apprêterait ainsi à rompre ses liens avec le gouvernement américain, qui est actuellement son principal actionnaire.
John Deere & Company a annoncé une augmentation de ses bénéfices de presque 50 %! Puis, elle a haussé ses prévisions pour les équipements agricoles. C’est une conjoncture idéale : la progression des prix des denrées entraîne une majoration des revenus des exploitations agricoles. À cela s’ajoutent des taux d’intérêt à des niveaux plus bas que jamais, et on ne pourrait rêver de meilleure occasion pour acheter de la grosse machinerie agricole. Mais sortons des campagnes pour aller vers les centres d’achat; Target a enregistré une hausse de 14 % de ses bénéfi ces à cause d’un volume fortement accru de transactions sur ses cartes de crédit et de ses mesures de compressions des coûts. Dans un autre domaine, Johnson & Johnson a écoulé 1,1 milliard de $ d’obligations aux taux les plus bas jamais vus pour des obligations de sociétés à 10 ans et à 30 ans. Finalement, en ce qui concerne le marché immobilier résidentiel, nous sommes en plein dans une explosion des opérations de refinancement.

L’Association des banques hypothécaires a indiqué que son indice des refinancements avait fait un saut de 17 %, soit la plus forte augmentation depuis près de 18 mois. Or, une explosion des refinancements, c’est justement la sorte de remède que le docteur a prescrit pour une économie américaine qui a de la peine à avancer. Si la moitié des hypothèques dans les titres adossés à des hypothèques sont refinancées, ce qui est une estimation conservatrice puisque les taux hypothécaires sont à leur plus bas, cela libérerait jusqu’à 50 milliards de $ que les consommateurs pourraient dépenser. Alors, un milliard par-ci, un milliard par-là, cela finit par faire pas mal d’argent.

PERSPECTIVES DES MARCHÉS

Permettez-moi d’ajouter une autre dimension à ces perspectives mondiales et américaines. Pensez à cette vision élargie pour nos marchés boursiers : les bénéfices poussent comme des champignons dans tous les secteurs. Les bilans des entreprises sont les plus robustes depuis une soixantaine d’années. Il existe une masse gigantesque de demande comprimée de biens de consommation de haute valeur ici même aux États-Unis (secteurs automobile et immobilier résidentiel). Jamais les maisons n’ont été aussi abordables depuis 50 ans. Ajoutez à cela des billions de dollars de liquidités stationnées temporairement, et vous constaterez qu’il y a plein de raisons d’être optimistes au sujet de nos marchés.

Pour terminer, je sais par expérience personnelle, puisque je suis appelé à sillonner le pays, que la raison pour laquelle les investisseurs voudraient se sauver par la glissoire de secours, c’est la situation du chômage. Ajoutez à cela les horreurs du marché immobilier résidentiel et la plupart des investisseurs se trouvent convaincus que nos marchés boursiers ne peuvent pas aller plus haut. Eh bien, voici ce que j’ai appris en 33 ans : la bourse ira là où les bénéfices des sociétés l’emporteront. Ce n’est pas l’économie (emploi, habitation) qui alimente la bourse; ce sont les bénéfices. La seule raison pour laquelle nous lisons les dépêches économiques, c’est leur influence sur les bénéfices.

Voulez-vous une preuve? Retournons au début de la décennie, en 2000. Le secteur résidentiel était en pleine euphorie, les ventes de maisons neuves et existantes s’envolaient littéralement et le nombre de permis de construction pulvérisait les records. De n’importe quel point de vue, c’était l’un des meilleurs marchés immobiliers des 20 dernières années. Et le chômage? Beaucoup d’économistes et la plupart des politiciens considèrent que l’on atteint le plein emploi quand le taux de chômage chute sous la barre des 5 %. Tout le monde est nerveux à l’heure actuelle parce que le chômage est près du double de ce niveau. En 2000, le taux de chômage au pays était encore meilleur que le plein emploi : il se situait à 4 %! Incroyable, non?

Alors, chers investisseurs qui êtes si concentrés sur la faiblesse de l’économie et sur les statistiques déplorables de l’emploi et de l’habitation, voici une leçon tirée de l’histoire. En l’an 2000, avec un formidable marché résidentiel et un marché de l’emploi encore plus spectaculaire, que s’est-il passé à la bourse? LE KRACH! Eh oui, malgré l’immobilier et l’emploi qui étaient fantastiques, les sociétés point-com propulsées à des hauteurs stratosphériques n’avaient pas un sou de bénéfices et par conséquent, elles ont entraîné la bourse dans sa trajectoire normale, c’est-à-dire à la baisse. Quoi qu’il se passe, la bourse suit l’évolution des bénéfices, en hausse ou en baisse. Si vous n’avez qu’une seule statistique à suivre, puis-je vous suggérer les bénéfices? Si vous avez besoin de vous concentrer, concentrez-vous sur les bénéfices. Il n’y a que trois choses importantes : les bénéfices, les bénéfices et les bénéfices.

Je voudrais conclure ces commentaires avec une citation du personnage fi ctif de Howard Beale dans le film Network. Ce film de 1976 met en scène une chaîne fictive de télévision, Union Broadcasting System (UBS), et ses efforts pour améliorer ses faibles cotes d’écoute. Howard Beale (joué par l’acteur Peter Finch), lecteur de nouvelles de longue date au bulletin de soirée d’UBS, apprend que son emploi sera supprimé dans deux semaines, à cause de piètres cotes d’écoute. À l’occasion d’un discours enflammé, Beale galvanise le pays tout entier avec cette déclaration : « Je suis vraiment enragé et là, je suis plus capable de le prendre! », et il encourage tous les Américains à crier cela depuis leur fenêtre, au beau milieu d’un orage. Je suis parfaitement d’accord. Ouvrez vos fenêtres et joignez-vous à moi en tant qu’investisseurs pour crier : « Je suis vraiment enragé et là, je suis plus capable de le prendre! ». Et puis n’oubliez pas ceci : la fin du monde des placements n’aura pas lieu! Et en l’honneur de M. Slater, ex-agent de bord de Jet Blue, n’oubliez pas de prendre une bière.

*Les sources de renseignements du Dr. Froehlich comprennent la Banque du Canada, la Banque d’Angleterre, la Bank of Japan, le service de nouvelles Bloomberg, Business Roundtable, China Investment Corporation, CIA World Fact Book, CNBC, le Congressional Budget Office, Deutsche Bank, l’Union monétaire européenne, la Réserve fédérale américaine, The Financial Times, Freddie Mac, FOX Business, Goldman Sachs, le Fonds monétaire international, International Strategy & Investment, le Journal of Commerce, Merrill Lynch, PIERS Global Intelligence Solutions, Strategas Research, Thomson Reuters, Union de Banques Suisses, le U.S. Census Bureau, le U.S. Department of Commerce, le U.S. Department of Labor, le U.S. State Department, le U.S. Treasury Department, le Wall Street Journal et la Banque mondiale.


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