Par Elodie Trouvé - BSCNEWS.FR / David contre Goliath, L'interview de Gérard Faure Kapper, l’ex banquier devenu romancier.
Ce nouveau livre que vous publiez s’appelle « Des banques et des hommes ». De quoi s’agit-il ?
Le titre est emprunté au livre « Des souris et des hommes » et il s’agit d’un roman, mais entièrement authentique. L’histoire d’un militant travaillant dans le social, défendant les particuliers contre les banques, se trouvant du jour au lendemain lui-même pris dans une histoire sordide avec sa banque. Une histoire ordinaire aujourd’hui, malheureusement, mais qui va prendre des proportions extraordinaires du fait des enjeux qu’elle soutend et du combat qu’elle va engendrer. Cet homme a un petit compte courant avec un petit découvert de 1600 euros, rien de grave, et un compte annexe avec un emprunt immobilier d’une quinzaine de milliers d’euros qu’il rembourse tous les mois. A partir du moment où la banque, pour des raisons de rentabilité, va décider de l’éliminer comme client, elle va mettre en place une logique implacable digne des pires thrillers pour le faire sortir du système bancaire et détruire sa vie.
Détruire sa vie ?
Ce que les banques peuvent aujourd’hui faire pour démolir un individu est inimaginable. Les moyens mis en œuvre du jour au lendemain, en interne, puis ensuite devant un éventuel tribunal, les procès et la force qu’elles peuvent mettre en place pour décrédibiliser quelqu’un, lui enlever tous moyens de s’en sortir sont monstrueux. Je suis un ancien banquier moi-même, mais un jour est arrivé où je ne pouvais plus supporter de travailler dans ces conditions, même si j’en ai payé le prix fort, puisqu’engager un combat contre les abus des banques et leurs lobbys est extrêmement difficile. J’en paie encore aujourd’hui le prix, notamment à travers des procès qui me sont fait à chaque sortie d’un de mes livres. Mais l’écriture est vitale pour moi, j’ai toujours écrit et publié des livres, des nouvelles, des romans, témoignant de mon regard sur le monde alentour, le monde rural, ce que je vivais. Je suis persuadé que chacun a un chemin à faire dans la vie, puis ce chemin s’arrête, et que reste-t-il ? Pour moi, écrire un livre c’est comme poser une pierre au bord de ce chemin de vie, témoigner, porter un regard sur le monde qui m’entoure, une époque, partager des émotions et des sensations, un combat, en me disant que quand je serai mort, il restera ces traces là. C’est un peu un devoir de mémoire aussi, et ça m’aide à prendre un peu de distance par rapport à des vécus parfois difficiles, c’est pour cela que je choisis toujours une forme romancée, pour amener ces histoires particulières, confuses, de chiffres finalement, à une dimension universelle, comme une sorte d’aventure contemporaine, mais au plus près de la vie, de l’homme. J’écris ces choses que les gens n’osent pas dire, j’essaie d’être l’humble porte-voix de cette minorité silencieuse qui ne peut même plus se révolter, agir, faute d’oser, de peur de ne pas être comprise, entendue, écoutée. Beaucoup de gens m’écrivent ou me contactent pour me dire que j’écris tout haut ce qu’ils vivent tout bas. Cela crée une solidarité, désenclave les gens qui se sont retrouvés isolés dans leur problèmes et situations financières, économiques, familiales, souvent catastrophiques, leur redonne du courage. Le livre, sa lecture, rallument une lumière au bout du tunnel.
Ce roman est-il autobiographique ?
Oui, on peut le dire, j’ai vécu cette situation… ce qui est paradoxal, et m’a sauvé aussi en quelque sorte, c’est que je suis moi-même issu du milieu bancaire. C’était mon métier à la base, celui de directeur d’agence bancaire, c’est ce que j’ai fait pendant plus de 20 ans. Donc, je connais très bien mon sujet ! Et puis, j’ai eu une prise de conscience en voyant au fil des ans ma profession changer, se déliter, perdre le sens de l’humain, du soutien, de l’aide, de l’écoute, d’une volonté d’avancer ensemble, d’accompagner les gens financièrement au quotidien dans leurs projets, le rapport de confiance entre le banquier et son client comme il existait autrefois disparaissant complètement avec l’avènement d’une nécessité de rentabilité à tout prix. Mon activité de militant social associatif en parallèle de mon travail et un problème personnel grave m’ont également permis d’ouvrir les yeux, et un jour, j’ai tout plaqué.
Pourquoi les banques font-elles ça ?
Les banques éliminent tous les clients qui ne sont pas rentables en capitaux pour elles, et prennent trop de temps à leur personnel. Il faut savoir qu’il y a des listings informatiques, des sortes de listes noires dressées par les ordinateurs des agences bancaires, et régulièrement, un employé dévolu à cet effet sort cette liste en un clic sur son ordinateur. Il est décidé collégialement et selon les objectifs de chaque agence de virer purement et simplement les clients que l’on n’estime pas rentables, et des employés sont désignés pour œuvrer à cet effet ! Et là, la mécanique infernale se met en marche pour atteindre les objectifs décidés…
Est-ce une situation marginale ou cela arrive-t-il souvent ?
Malheureusement oui, c’est devenu en quelques années un véritable phénomène de société, c’est aussi pour cela que j’ai ressenti la nécessité d’en faire un livre, de témoigner, de donner la parole à ces victimes qui ont peur de rentrer en conflit avec la banque pensant que c’est perdu d’avance. Ce phénomène a commencé sournoisement en 1992, s’est intensifié à la fin des années 90 en devenant systématique, et a pris des proportions considérables aujourd’hui avec des conséquences effroyables depuis la crise économique que nous traversons actuellement. Commissions d’intervention, frais de forçage, commission de mouvement, frais trimestriels, envoi de courrier, frais de recouvrement, frais de gestion, frais de tenue de compte, frais de… peu importe. Autant de prélèvements sauvages, de plus en plus importants, qui grèvent le budget des particuliers, des familles. J’ai rencontré et je rencontre encore de plus en plus de gens, respectables, honorables, travaillant, des salariés, des employés, des agriculteurs, pris dans cet engrenage, qui est assez rapide malheureusement. Ces gens qui ont toujours exercé une activité professionnelle, payé leurs impôt, consommé, une fois sur cette liste noire, se retrouvent complètement acculés par cette mécanique implacable de destruction bancaire les menant à la dépression, la marginalisation, voire au suicide dans les pires scénarios. Il y a 12 000 suicides en France chaque année. Ce ne sont pas 12 000 peines de cœur…..
Votre héros va-t-il réussir à se sortir de cette situation ?
Lui, oui. Car il a des solutions, des ressources, des compétences en la matière. Mais tellement de gens baissent les bras, pensent que c’est imparable et basculent en entraînant leurs familles derrière. Car il faut savoir que ces situations ont des conséquences catastrophiques sur l’équilibre familial tout entier, l’individu n’ayant plus de compte bancaire, ne peut plus payer son loyer ou les traites de sa maison, ne peut plus faire face aux dépenses courantes, ne peut plus toucher son salaire et finit par ne même plus pouvoir payer une glace à son gamin ! Vous économisez pour boucler votre fin de mois, vous faites attention au supermarché en choisissant les produits les moins chers pour économiser 2 euros par ci, 3 euros par là. Vous privez votre enfant d’un tour de manège à 2 euros, vous n’achetez pas une revue à 5 euros, vous prenez le coiffeur le moins cher, vous faites des heures supplémentaires, vous travaillez le dimanche pour essayer de gagner un peu plus. Et pendant ce temps, votre compte se vide. 35 euros par ci, 60 euros par là, 80 euros, 135 euros, l’hémorragie financière ne semble pas avoir de limite. Votre banque aspire littéralement l’argent sur votre compte.
Ce processus est-il légal, de la part de la banque, et y-a-t-il des recours pour les particuliers, car c’est aussi la question qui est au cœur de votre roman ?
Oui, vous dira le gestionnaire de votre compte, « vous avez signé une convention de compte et nous vous avons transmis les tarifs. C’est donc légal. » Mais le restaurant aussi affiche son menu avec ses tarifs, les catalogues de vente par correspondance, le taxi, le marchand de meubles, en fait, toutes les entreprises en font autant. Si vous consommez, si vous achetez, alors on vous présente une facture que vous contrôlez et que vous payez… ou ne payez pas. Vous avez le droit de contrôle. Si vous refuser de régler, l’entreprise ou le commerçant ont des recours, injonction, huissier, tribunal, accords amiable etc. La loi est assez bien faite et protège autant l’entreprise que le consommateur. La banque par contre, s’est arrogé un statut légal spécial, un privilège. Si vous utilisez des services, elle se dispense souvent de vous présenter une facture et surtout, prélève sur votre compte sans autorisation. Vous confiez votre argent à la banque, il est « en consigne », personne ne peut y toucher sans votre accord. C’est l’application de l’article 544 du code civil définissant le droit à la propriété. C’est votre argent, vous l’avez gagné, vous vous êtes acquitté des impôts et des taxes, il vous appartient et la loi protège ce droit à la propriété. La banque est une entreprise comme les autres, il faut le savoir ! Elle vous informe des conditions de fonctionnement des comptes et porte à votre connaissance les tarifs. Elle a donc le droit de facturer ses services. Pour cela, comme toutes les entreprises, elle doit émettre une facture qu’elle doit vous présenter et vous en demander le paiement par tous moyens à votre convenance. En aucun cas, elle ne peut se servir elle-même sur votre compte et prélever sans votre accord, l’argent qui vous lui avez confié. C’est pourtant ce qu’elle fait, d’une manière scandaleuse et abusive.
D’où vient ce privilège dont personne ne dispose, même pas l’État ?
Du fait que l’argent est déjà en possession de la banque, elle se sert ! C’est clairement de l’abus de confiance. Ensuite, pour éliminer un client, c’est très simple pour la banque : dans mon livre, le héros reçoit soudainement un courrier dénonçant sans préavis l’autorisation de découvert qui lui avait été accordée depuis des années. La banque lui donne un délai très court pour recouvrir le découvert en cours, puis dénonce le compte courant, le fiche immédiatement en Banque de France pour l’empêcher de s’autofinancer, de trouver des fonds ailleurs, plus de chéquier, plus de carte bleue, plus aucune autre banque n’acceptant d’ouvrir un compte ou une ligne de crédit. La banque opère ensuite une déchéance du terme de l’emprunt, 15 000 euros en ce qui concerne le héros de mon livre, en faisant jouer une des clauses du contrat bancaire, qui est abusive, mais qui reste une clause. Les clauses d’exigibilité d’un prêt sont très diverses, par exemple : « perte de confiance », une clause très subjective… mais dont le banquier peut se servir quand ça le chante pour exiger le remboursement de l’emprunt du jour au lendemain.
Qu’est ce qui fait le côté extraordinaire de l’histoire que vit votre héros et qui va l’amener à se battre contre le système bancaire tout entier ?
Dans cette histoire, la banque a fait une faute grave, un vice de forme dans la dénonciation du contrat. La banque s’est trompée dans les dates ! Elle n’a pas respecté la procédure régulière de dénonciation de l’emprunt. Pour faire simple, la banque a fait la déchéance du terme de l’emprunt de 15 000 euros deux mois trop tôt, en prétextant la fermeture du compte courant. Hors, lorsque cela s’est passé, puisque c’est mon histoire que je raconte à travers ce livre romancé, mon compte était toujours ouvert. La banque, trop pressée d’en finir avec moi, n’a pas respecté les délais, non plus les procédures, lettre recommandée, délai de paiement, etc… Les erreurs de leur part se sont accumulées. J’ai essayé de leur démontrer à l’amiable que leur position n’était pas tenable, mais ils n’ont rien voulu savoir, et ont préféré que nous allions devant les tribunaux. J’attends le jugement pour le 14 septembre, un jugement important car j’ai épluché tout le dossier, démontré toutes les fautes et abus de pouvoir et de confiance de la banque, et selon le jugement qui sera prononcé cela peut créer tout un tas de petites jurisprudences très importantes pour la régularisation par la suite des activités bancaires et les procès qui suivront.
Comment cela est-il possible que de telles erreurs adviennent ?
Dans les agences, les employés n’ont pas de formation juridique ou très peu. Le système bancaire est très réglementé et très complexe, or les chargés de clientèle aujourd’hui sont avant tout des commerciaux, et n’ont que très peu de connaissances juridiques. Pour vous proposer et vous vendre une assurance-vie sur votre hamster, il n’y a pas de problème! Mais dès que l’on commence à toucher à des notions juridiques concernant le cadre purement bancaire, là, il n’y a plus personne. Ce qui a pour conséquence la multiplication de fautes, d’erreurs, de vices de procédure lorsqu’il y a un conflit avec un client. La propriété est protégée par l’article 544 du code civil (loi de janvier 1804) ainsi que par l’article 17 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Ces textes définissent ce droit et en fixent les limites. Il en ressort que seul le consentement de la part du propriétaire des fonds déposés ou l’aboutissement d’une procédure de justice peuvent retirer ce droit. Dans le cadre d’un compte-courant, pour des raisons de commodités et d’usage, une convention de compte-courant est passée entre les parties. Ces conventions ne dispensent en aucun cas du respect de la procédure normale : facturation et acceptation du déposant. En cas de contestation : rétention et séquestre dans l’attente d’une décision de justice ou d’un accord. Tout ça est parfaitement défendable devant les tribunaux, de plus en plus de gens, mieux informés aujourd’hui, n’hésitent plus à porter ces affaires devant les juges. Et gagnent ! Encore faut-il avoir les moyens de se défendre, notamment de prendre un avocat… or lorsque l’on n'a plus de compte ni de moyens de paiement, cela devient compliqué. C’est aussi pour cela que les banques se dépêchent de multiplier les fichages en Banque de France lorsqu’elles lancent ce genre de procédure contre un client, en le « grillant » auprès des autres organismes bancaires afin que l’individu se trouve acculé, sans solutions de repli ni possibilité de se défendre, de faire respecter ses droits et de faire appliquer la loi.
Dans « Des hommes et des banques », votre héros suite à cette mésaventure, se lance dans une croisade contre le système bancaire tout entier. Vous conseillez aux gens qui vous liront de ne pas hésiter à faire appel aux juges ?
Ce qui pousse mon héros, et ce qui m’a poussé à titre personnel à réagir, c’est le sentiment d’injustice flagrante qui vous étreint lorsque cela vous arrive. Vous avez une vie normale, avez toujours rempli vos obligations citoyennes, vous travaillez, usez de votre compte courant en bon père de famille, remboursez chaque mois les traites de votre petit emprunt, et du jour au lendemain, parce qu’un ordinateur estime que vous n’êtes pas rentable selon ses critères, on vous traite comme un paria, voire un escroc. La banque fait tout pour vous casser moralement, vous faire passer pour un moins que rien. L’être humain peut encaisser beaucoup de choses, surmonter beaucoup de situations difficiles dans une vie, mais l’injustice est le sentiment par excellence que l’homme ne supporte pas ! Si vous sortez du cadre, des lois, et que vous vous faites attraper, c’est logique, normal. Mais si vous êtes resté intègre, n’avez pas commis d’infraction et que l’on vous sanctionne en vous méprisant, c’est insupportable. C’est comme si on vous mettait un PV parce qu’en voiture vous vous êtes arrêté à un feu rouge ! Du non sens, et on se demande alors s’il on est bien dans un état de droit. Pour le vérifier, rien de mieux que d’aller devant les tribunaux réclamer l’avis impartial d’un juge. Ce que font les banques est tout simplement de l’extorsion de fonds et de la violation du principe de l’interdiction de se faire justice soi-même. La plupart des prélèvements des banques ne correspondent pas à des services mais représentent des pénalités sanctionnant le comportement du client. Le premier principe du droit est que seule l’institution judiciaire est habilitée à infliger des sanctions, notamment pécuniaires. De plus, le produit de ces pénalités doit revenir au Trésor Public et non dans les caisses de la banque. En infligeant des pénalités et en conservant les fonds, les banques se font justice elles même.
Comment justement la justice se positionne-t-elle par rapport à la multiplication de ces affaires ?
Très bien. Il ne faut jamais hésiter à faire appel aux juges. Les juges appliquent la loi, tout simplement. Jusqu’à 10000 euros, c’est en Instance. Au-delà, cela relève du Tribunal de Grande Instance. Mais il faut savoir que la banque fera tout ce qui est en son possible pour vous empêcher d’aller en justice puisqu’elle sait qu’elle à 90% de chances de perdre ! En vous effrayant, vous mettant la pression, prélevant tout ce qu’elle peut sur votre compte d’intérêt de pénalités de retard, pour vous laisser exsangue. Si elle vous évalue un peu retors, difficile à impressionner, elle proposera l’intervention d’un « médiateur », désigné par elle-même, qui ne fera que vous répéter le discours illégal du chargé de clientèle : « Vous n’avez rien à gagner à aller en justice, nous sommes les plus forts, vous allez perdre plus d’argent, alors payez, remboursez ce que vous nous devez, ne faites pas d’histoires et disparaissez ! ». Il existe des associations, des recours, des pétitions et cette formidable possibilité d’aller en justice où le particulier gagne, la plupart du temps. Il faut savoir que l’exercice quotidien par les banques de ces violations du droit leur rapporte près de 15 milliards d’euros par an! Alors que tant de gens aujourd’hui ont tellement de mal à boucler leur fin de mois. Usons de notre droit et devoir de vigilance citoyenne, rassemblons-nous en collectif, utilisons tous les moyens de communication à notre disposition, livres, romans, internet, pour informer le public et les responsables, et, à l’image du héros de mon roman, relevons la tête et ne nous laissons plus faire !