Une Nuit blanche survoltée en ouverture du festival Bruxelles la belle
Pour la neuvième année, la veillée est instituée, normalisée. Si bien qu’il est difficile de s’y soustraire, même avec la meilleure des volontés. La ville est hérissée de constructions en tous genres : l’art contemporain balise la promenade des foules, bien souvent portées par un flot irrésistible. Libre à chacun de trouver du sens dans la cohue ! Sur les traces de la francophonie, c’est ce que nous avons fait en suivant le programme proposé par le Centre Wallonie Bruxelles. Choix fort judicieux, et qui laisse augurer du meilleur pour le festival Bruxelles la belle qui s’ouvre à l’occasion de cette Nuit Blanche.
La nuit à peine tombée, les alentours du centre Pompidou se mettent à s’agiter. Car, c’est sûr, le centre d’art contemporain va être le centre de la fête. Mais le Centre Wallonie Bruxelles est aussi dans les environs, bien que discrètement installé dans la rue Quincampoix. Comment faire face au géant bariolé, qui polarise les regards ? A voir les chars qui défilent devant le monstre, on pourrait croire à un face à face de la tradition et de la modernité. Savants assemblages de bois et de métal, les étranges machines avancent sur des rails posés au fur et à mesure de leur progression. Ancêtres de la grue, de la voiture, fours à charbon ambulants ? Vraiment, on en sait rien, mais la magie du cortège opère, tant il est riche en détails fantaisistes.
Cortège "Tabula rasa" par Valérie venheulen
C’est qu’en plus des chars, des personnages se pressent, vaquent à des occupations diverses. Ils semblent cependant avoir un fort penchant pour les plaisirs de la table, car dès que possible ils s’arrêtent et dressent le couvert. Parmi les passants, ils choisissent leurs convives, les mettent à l’aise et leur offrent un verre de vin. On ne pouvait rêver plus convivial ! En même temps, nous ne sommes pas dupes : dans ce théâtre ambulant, notre rôle est celui du figurant, simple rouage de la pièce en train de se jouer. Mais qui sont ces acteurs si convaincants ?
Avez-vous déjà eu vent de la Zinneke Parade ? Si la réponse est non, voilà qui est fait. Car, délégué pour l’occasion, c’est un des cortèges de cette manifestation bruxelloise qui déambule dans Paris. Lors de l’édition 2010, il a organisé ses scénettes autour du thème de la table. S’il nous a ouvert l’appétit, il faudra patienter jusqu’en juillet 2012 pour satisfaire notre envie de Zinneke Parade… Tant elle demande d’organisation, elle n’a en effet lieu que tous les deux ans. Carnavalesque, ce défilé qui investi toute la ville durant une journée est alors l’occasion d’exprimer toutes les folies méditées durant les deux années précédentes.
Un char lors de la Nuit Blanche par Elegua Prod
On le voit, l’art de la rue se porte bien à Bruxelles. Et, à l’image de cette ville, il est métissé. Aussi, pour succéder à la parade théâtrale, le Centre Wallonie Bruxelles a décidé d’ouvrir sa scène au hip hop bruxellois, dans toutes ses composantes. Et, comme nous le rappelle l’ambianceur dénommé B-flow, le hip hop ce n’est pas que du rap, c’est aussi de la danse, du « mixing » et du « beatboxing ». Pour les néophytes, le programme proposé éclaire de lui-même ce vocabulaire obscur, et fournit un bon aperçu de la vitalité bruxelloise de cette discipline. Après un spectacle de danse et deux concerts d’une quarantaine de minutes chacun, on ressort persuadé de sa diversité, bien souvent ignorée.
Zachée Ntambwé ouvre la danse, avec un show chorégraphique aux influences multiples. De quoi prouver que le hip hop est au carrefour de plusieurs horizons. Sobres, les prouesses physiques de l’athlète ne prennent pas la forme des figures tourbillonnantes dont est si riche le hip hop. Quand sa voix se fait entendre, on comprend que la quête des origines du personnage est accompagnée d’un retour aux sources de la culture hip hop. D’où les sonorités très diverses sur lesquelles les gestes du danseur se dessinent. Blues, afro-krump, afro-beat, house et traditionnelle congolaise se succèdent, en même temps que se poursuit la recherche intérieure…
A des lieux de cette spiritualité, le rappeur Dan-t nous livre une prestation beaucoup plus conforme à ce que chacun peut connaître du hip hop. Accompagné du collectif Les Autres, son rap en français décline toutes sortes de frustrations, de dénonciations… Plutôt caricatural, franchement manichéen, son discours est heureusement relayé par des consonances reggae et ragga, ainsi que par des solos de violon qui sont comme des moments de grâce au milieu du chaos. Pourtant, il complète utilement le panorama proposé, ce type de productions étant pléthore sur le marché.
Wild boar & bull brass band par Elegua Prod
Et on finit en fanfare ! Rien à voir avec les cultures urbaines, direz-vous ? Détrompez-vous : Wild boar & Bull brass band rappe avec orchestre, et en anglais ! A les voir, on pense plus à un groupe de ska ou de jazz, qu’à un groupe de rap. Mais à les entendre, le doute n’est plus possible : le hip hop naît de l’alliance entre le brass band et le chanteur Herbert Célis. Originale, cette rencontre est celle de la violence et de la nostalgie, qui, loin de se parasiter, s’accordent avec harmonie. Belle image qui nous évoque Bruxelles, ville de tous les croisements, et de tous les impromptus.
Au final, cette soirée est une belle invitation à suivre la suite des événements du festival Bruxelles la belle…