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« Bruxelles aux multiples visages » : lecture de Natacha Régnier au Centre Wallonie-Bruxelles (04/10/10)

Par Sumba

Petite anthologie sur Bruxelles la littéraire


Monstre infâme ou cité de rêve ? Ou peut-être encore ville transparente, insipide? Bruxelles aiguise les langues, les plumes, et acère les esprits les plus brillants. Le festival Bruxelles la belle nous invite à pénétrer ce laboratoire des arts et des idées.

Célébrer Bruxelles ne peut se faire sans évoquer les textes qu’elle a suscités, l’idéal étant de leur donner voix, et chair. C’est le plaisir que nous a fait le Centre Wallonie-Bruxelles en invitant l’actrice belge Natacha Régnier à lire une série de textes sur cette ville, où elle est née et a vécu une vingtaine d’années. Pour clore la lecture, l’écrivain Alain Berenboom viendra apporter un témoignage : celui de l’homme de lettres complice par les mots avec la capitale belge, et celui d’un fils d’immigré polonais, on ne peut mieux placé donc pour évoquer une Bruxelles multiculturelle.

« Bruxelles aux multiples visages » : lecture de Natacha Régnier au Centre Wallonie-Bruxelles (04/10/10)

Natacha Régnier

Comme tout centre urbain majeur, Bruxelles a hébergé des hôtes de marques, notamment de fins esthètes, des observateurs méticuleux. Mais elle n’a jamais rien fait pour choyer ces âmes délicates : ce qui ressort des différents textes du florilège, c’est une indifférence souveraine quant au regard de l’autre. « Aimez-moi, ou quittez-moi », semble dire la ville dont les traits se précisent rapidement, tant les mots qui la décrivent sont bien ciselés.

Cosmopolite, cette ville inspire des auteurs du monde entier, et reflète la culture de chacun à travers ses multiples visages. Et les résultats sont si savoureux, si poignants parfois, que l’on ne peut qu’être tenté de les considérer comme des monuments de la ville, qui fondent son identité au même titre que la Grand-Place ou la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule. Le sourire tendre de Natacha Régnier, que l’on imagine lié à des souvenirs, achève de donner vie aux Bruxellois, à leurs parcs, à leurs places.

L’honneur de débuter la petite anthologie est attribué à Victor Hugo, à travers trois lettres écrites lors de son exil, suite au coup d’Etat de Bonaparte. De sa petite chambre avec vue sur l’Hotel de ville, il ne voit qu’une foule bourgeoise, qui lui est assez peu sympathique. Pourtant, l’allure de la belle le préoccupe, au point de demander à faire noircir le beffroi de l’Hôtel de ville ! Puis les périphrases s’enchaînent : « Terre de proscrits » selon Dumas, « ville bonsaï » selon Ardent Duchêne, « Bruxelles de la mort rapide » pour Maurice Béjart… Celle qui se cache derrière tous ces masques finit par ne plus avoir de visages, à force de trop en avoir…

Sans la tendresse amusée de Natacha Régnier, qui relie des textes et des auteurs totalement étrangers les uns des autres, l’impression de chaos aurait été parfaite. Mais, en passant de Baudelaire à des textes recueillis dans des centres d’alphabétisation pour immigrés, la comédienne parvient à nous transmettre quelque chose qui pourrait bien être l’essence de la ville. Quelque chose qu’elle définit comme « un mélange d’auto-dérision et de surréalisme ».

On quitte enfin la littérature, pour y entrer à nouveau, mais par une autre porte : celle de derrière, qui donne sur la salle des machines. Alain Berenboom nous livre sa perception du lieu qui a vu naître ses créations. Et qui les a sans doute forgées. Si elle n’a à ses yeux rien pour plaire en apparence, Bruxelles se voit reconnaître par l’auteur une exceptionnelle vitalité artistique et culturelle. Pourtant, il observe depuis une dizaine d’années une faille, qui semble empêcher de faire fonctionner ensemble les différentes communautés bruxelloises. Inquiétant, si l’on songe que tous les beaux textes écoutés au cours de la soirée sont justement issus de cette diversité qui s’érode…


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