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Anthologie permanente : Serge Pey

Par Florence Trocmé

Serge Pey publie chez Délit Éditions un fort volume intitulé Lèpres à un jeune poète, sous-titre « Principes élémentaires de philosophie directe ». Lire une présentation de ce livre. Que ce soit aussi l’occasion de rendre hommage à Arlette Albert-Birot, disparue au début de l’été et qui a beaucoup contribué à la notoriété de Serge Pey. Elle avait écrit, dans la petite et regrettée collection Poésie de l’éditeur Jean Michel Place, un Serge Pey, La Bouche est une oreille qui voit.  
 
 
Lèpre 75 
 
Apprends à planter 
des épingles ou des punaises 
dans les fruits 
pour qu’aucun couteau 
ne puisse en ôter l’écorce et le bruit 
 
Celui qui mange doit connaître 
le prix de peau de ce qu’il pèle 
 
La peau d’un mot vaut toujours 
celle d’un homme 
Mais celle d’un couteau 
ne vaut pas celle d’un corbeau 
 
Que chacune de tes paroles 
soit chargée d’un évènement 
 
Observe le fruit 
qui pèle le couteau 
et qui fait voler le corbeau  
• 
les hommes de travers 
ont des mots de travers 
 
Remplis tes verres de réponses 
puis casse-les après la fête 
 
Toute question boit 
à la fontaine de ses verres brisés 
 
Saoule les verres si tu veux te saouler 
 
••••• 
 
Lèpre 243 
 
Écrire aussi des poèmes qui peuvent servir à des noms de rues. Prendre la rue du « Passant considérable », puis celle de « L’écart absolu » et ensuite arriver à celle de « la recherche de la base et du sommet puis reprendre le trottoir du « Singe systématique » 
 
Changer le sexe des choses pour changer de langue. 
Mettre un pantalon à la montagne et des souliers à la rivière. 
 
Quand tu vois qu’un nuage ressemble à une chemise : repasse-le. 
 
Le première tâche que Bacon assigne au savoir pédagogique est de s’occuper, écrit-il, « du moment et de la saison qui conviennent pour l’acquisition des connaissances ».  
La deuxième tâche est « de s’occuper de déterminer dans quels cas il est bon de commencer par le plus facile et de passer ensuite au plus difficile, et dans quels autres il faut contraindre les élèves à apprendre d’abord le plus difficile pour ensuite passer au plus facile. Car c’est une certaine méthode que d’apprendre à nager en utilisant des bouées, et c’en est une autre de s’entraîner à la danse en portant de lourdes chaussures ».* 
 
La pédagogie de la poésie utilisée par les « pédagogues » est souvent la transmission de l’absence de connaissance de la poésie. 
Elle organise la répétition des inconnus, en les empêchant de cette façon de rester inconnus et de se générer dans de nouveaux inconnus. 
 
La pédagogie en prostituant les « cadavres exquis » en a fait la recette de la langue des morts. 
 
La seule pédagogie de la poésie est celle du vertige de son danger.  
 
••••• 
 
Lèpre 290 
 
Dire avec Henri Meschonnic que la poésie est contre le maintien de l’ordre. 
 
 
 
Serge Pey, Lèpres à un jeune poète, « Principes élémentaires de philosophie directe, coll. à propos de, Délit Éditions, 2010, 29 €, pp. 82, 207 et 257 
 
*Cité par Andreas Pfersmann, colloque « Serge Pey et l’Internationale du rythme ».  
 
Serge Pey dans Poezibao : 
bio-bibliographie, extrait 1, Albert Birot Arlette, Serge Pey, la bouche est une oreille qui voit (fiche de lecture)  
 
 
 
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