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Vingt-deux lignes cahier 100, de Bernard Collin (par Jean-Pascal Dubost)

Par Florence Trocmé

 
 

Collin Bernard, 22 lignes
En marge d’une œuvre rare, discrète et inclassable, Bernard Collin écrit vingt-deux lignes par jour depuis cinquante ans, et le cahier numéroté 100 est le premier, qui soit édité. Ce cahier ne déroge pas à l’inclassable. Éphéméride un peu, au sens où sont regroupés les événements d’une journée, sans datation, sans classement ni mise en ordre, mais posés là et comme on passe du coq-à-l’âne, notant qu’être dans la vie réelle n’est que mouvement d’un point vers d’autres et constamment, au sens également où l’ouvrage donne la position de l’humeur de l’écrivain au jour le jour ; ou poèmes en prose que ce rassemblement de textes écrits sous une contrainte précise et qui vont au rythme allègre d’un esprit curieux, attentif et vif et donnent toute sa majesté à la ponctuation et notamment à la virgule, dressée vers l’avant (on repense à l’injonction rimbaldienne, « la poésie sera en avant »), émanant d’un « instinct de rythme » mallarméen à la fois anti-mallarméen, car la phrase est enthousiaste, de souffle lyrique. Un lyrisme tendu vers quelque source divine, Dieu n’est pas loin, dans l’œuvre de Bernard Collin, qui écrit dans une jubilation religieuse, avide de saisir immédiatement ; où la phrase est longue, accumulative, tourbillonne, paratactique, précise, saute, gambade, rapide, décidée, désirante, évite et s’évite et s’impersonnalise subjectivement, « successifs ou simultanés, c’est par bonds que la pensée de Bernard Collin innerve le corps d’une phrase », écrit Claude Royet-Journoud (in Cahier Critique de Poésie n° 16). La phrase de Bernard Collin est corps, son corps de vie, en éveil constamment, peut-être le seul corps qui soit, « je pense que le langage ne peut être autrement que physique » (déclare-t-il dans le même Cahier). Il n’écrit qu’une seule phrase depuis cinquante ans, variante et très variante, labile, mais une seule phrase qui recherche la perfection, embrasserait totalement le réel, n’aurait ni queue ni tête. Ça semble un marcheur ayant un pied rapide et inquiet tout autant dans le même temps et portant une pensée voulant s’élever dans le concret : car point de considérations abstraites ou métaphysiques, mais volontiers un pied dans le réel quotidien. A moins que ce livre, fait d’une ardeur inébranlable, à l’élégante allure, soit aussi le récit d’une phrase. Car les livres de Bernard Collin ne font qu’un. 
 
 
Jean-Pascal Dubost 
 
Bernard Collin 
Vingt-deux lignes cahier 100 
Les Petits Matins 
12 € 
 


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