C'est le film chouchou de la critique en 2007. Abdellatif Kechiche, auréolé du Prix Louis Delluc, peut déjà s'attendre à moultes nominations aux Césars. Comme le fut en son temps L'Esquive. Ce dernier film , bien qu'il m'avait plu, m'avait senti un brin surestimé. En va-t-il de même pour ce nouvel opus ?
La critique
Une saga familiale profondément attachante
Slimane (Habib Boufares) est un vieil homme algérien qui travaille sur un chantier naval. Mais il n'est plus aussi productif qu'avant, peine à suivre la cadence. Du jour au lendemain, on lui fait comprendre qu'on peut se passer de lui et il se retrouve à la case chômage. Comme si la vie de ce brave homme n'était pas déjà assez compliquée comme ça... Car Slimane est aussi un homme divorcé. Il a quitté sa femme et sa nombreuse famille pour vivre dans une toute petite chambre d'hôtel. C'est en ce lieu qu'il a trouvé la nouvelle élue de son coeur et sa véritable petite fille de coeur, la très spontanée Rym (Hafsia Herzi). Avec elle, Slimane va tenter de réaliser un vieux rêve : faire d'un bâteau usé un restaurant. Ce serait un endroit convivial, tenu par Slimane et sa famille. Son ex femme serait au fourneau pour proposer aux clients son délicieux couscous au mulet. Les rêves c'est beau, c'est ce qui nous fait tenir. Mais les réaliser, on le sait bien, c'est tout de suite déjà plus compliqué. Ainsi, Slimane et Rym vont devoir affronter toute la bureaucratie locale et découvrir que les chances données aux hommes comme lui sont très rares. Mais ils y croient, ils ne lâchent pas, y mettent toutes leurs économies et organisent une grande soirée où tous ces blancs bien pensants et méfiants seront conviés. Ils ont une nuit pour gagner leur coeur avec leur super couscous. Mais, malheureusement, tout ne se passera pas comme ils l'avaient prévu...
Fais-moi du couscous chérie !
2h35 c'est long. Je l'avoue, il m'aura fallu bien du temps à me motiver à aller en salles pour voir ce film social à longue durée. Surtout que ni la bande annonce, ni l'affiche ne m'avaient donné envie. Mais vu l'engouement de la critique, j'ai voulu me faire ma propre idée. Et je n'ai pas été déçu. Abdellatif Kechiche dresse le portrait d'un homme usé par la vie mais au coeur et aux rêves qui lui permettent de toujours se battre. C'est beau et ça ne tombe jamais dans la facilité. Mais plus que le combat d'un homme, on assiste au portrait de toute sa famille. Le travail sur les personnages secondaires est tout simplement sidérant. Le réalisateur profite de la durée de ce long métrage pour bien installer chacun des protagonistes, par des conversations, des repas de famille qui sont aussi anecdotiques que nécessaires. On tombe rapidement amoureux de ce petit monde et on a envie de croire qu'un destin plus joli puisse leur être offert. Mais plus le film passe et plus les affaires se compliquent. Il y a déjà tous les problèmes administratifs mais aussi et surtout les difficultés à communiquer au sein des deux familles de Slimane. Sa nouvelle vie avec une autre femme n'est pas du goût de tous et l'éloigne des véritables tracas que peuvent rencontrer ses enfants naturels. Car dans l'ancienne famille de Slimane c'est la crise : le fils ayant une aventure avec une blanche un peu nympho, tout cela dans le dos de sa femme très amoureuse et respectueuse. Petit à petit la tension monte, la communication se fait de plus en plus rude et les solutions disparaissent.
Les personnages de La graine et le mulet sont riches et complexes, légers et graves. Ils sont fait de nuances. Ainsi, nous comprenons très bien les sentiments et différents points de vues des deux familles de Slimane. Ils ont tous tort et raison à la fois. Portrait d'une génération d'immigrés qui rêve d'un plus bel avenir pour ses enfants, drame social, drame intime, chronique familiale : les genres se mélangent mais Kechiche filme toujours habilement. Il est au plus près de ses personnages. Au final , on se retrouve en plein suspense pour une histoire de couscous et rien que cela c'est génial ! Car oui, parfois la vie peut dépendre d'un banal couscous...L'émotion est là, le divertissement aussi et la réflexion inévitable. La fin très brutale surprend un peu (il semblerait que ce soit comme une marque de fabrique de Kechiche) mais laisse le spectateur en pleine méditation. Si La graine et le mulet n'est pour moi pas le grand chef d'oeuvre de l'année (2h35 ça reste quand même trop et tout n'était pas primordial) , il n'en est pas moins un excellent film français qui en ces temps difficiles mérite amplement d'être vu.
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