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M. Rasmussen : TB sauf la dernière question....

Publié le 15 octobre 2010 par Egea

Il y avait beaucoup de monde cet après-midi, à l'IFRI, pour écouter Anders Rasmussen, le secrétaire général de l'Alliance qui y prononçait une conférence. Signalons d'emblée qu'il fit l'effort de la prononcer en français, et qu'il répondit en français aux questions adressées dans cette langue : mille mercis pour cette attention.

M. Rasmussen : TB sauf la dernière question....

Une première partie (une demi-heure) où il expose son propos, puis une série de questions. Quelques micro informations de ci de là, beaucoup de tenue et de professionnalisme, et patatras, il s'emmêle les pinceaux pour la dernière question (DAMB).

Compte-rendu:

A/ Le discours

Son discours a été articulé autour de plusieurs thèmes, introduits par la nécessité de la réforme.

Tout d'abord, il plaide pour que l'Otan demeure une puissance nucléaire, tant qu'il y aura des armes nucléaires : je ne suis pas sûr qu'il aurait commencé son discours de la même façon s'il avait été en Allemagne !

Il évoque ensuite la cyberdéfense, comme exemple des dangers auxquels il faut faire face, par une démarche collaborative (il explique ainsi que l'Otan est la cible de plus d'une centaine d'attaqués par jour : le chiffre est surprenant).

Il espère que le sommet de Lisbonne lui donnera un mandat clair dans la lutte contre les missiles "nous devons prendre la décision d'un système défendant notre population et nos territoires" : il s'agit bien, dans son esprit, d'une défense de territoire...... Il ajoute (nous sommes en France, il doit faire attention aux susceptibilités locales) "La DAMB ne remplace pas la dissuasion mais la complète" (ce qui n'est pas exactement la position française, du moins si on parle de DAMB de territoire).

S'agissant du coût, il répète son mantra des 200 Millions d'euros sur dix ans à 28, ce qui ne convainc aucun spécialiste (cf. de mémoire un édito de Carl von C dans DSI cet été) : il ne s'agirait selon lui que d'élargir le système localisé déjà existant "de théâtre" :"beaucoup de sécurité à très bon prix", ajoute-t-il, dans une formulation qui fait penser involontairement au bazar de Marrakech (ça coûte combien ? moitié pas cher, moitié bon prix).

Il part ensuite de la crise financière pour évoquer la réforme : réformer la NCS, faire passer le nombre d'agences de 14 à 3, acheter plus d'équipements sensibles, comme des avions ou des hélicos (non, il n'a pas dit C 17). "la réforme n'est pas ponctuelle, mais elle est un processus qui doit se poursuivre". "Les dépenses de défense en Europe sont une de mes sources d'inquiétude. Les effets cumulés seront considérables. Il faut prendre conscience des risques".

UE : "Une Europe forte est bénéfique à l'Alliance. La baisse des budgets pourrait mettre à mal cette vision. Le traité de Lisbonne pourrait devenir une coquille vide". Cela serait mauvais pour l'Europe, pour l'Otan et pour le lien transatlantique. On ensuite le discours classique sur le partage des valeurs et l'appel à l'histoire du XX° siècle. La relation OTAN UE doit donc se déployer dans trois domaines : relations politiques, coordination sur le terrain, coordination en matière d'acquisition.

FR : le retour de la France a diminué les suspicions.

B/ Viennent ensuite les questions.

Afghanistan : il en tire deux leçons : la training mission a démarré trop tard, il faut donc "a standing capacity to train". Standing signifie "permanente" donc en dehors même des cironstances : l'idée est pour moi nouvelle, et cela signifierait une innovation si la chose était décidée à Lisbonne. Un rôle nouveau pour ACT ??? Autre leçon, interaction entre action militaire et reconstruction, d'où la nécessité d'une approche globale (il insistera ensuite sur cette notion de reconstruction et développement, qui est le chaînon manquant : j'ai l'impression que la gamme de l'approche globale est un peu plus large que ce qu'il en dit).

ACT : Il pense qu'il restera à Norfolk, malgré les décisions sur le JFC. Il y a un consensus allié pour qu'il y ait un EM allié sur le territoire américain, afin de marquer le lien transatlantique. Il aura un rôle accru.

Dialogue FR-UK actuel : c'est bénéfique.

Russie : a invité Medvedev à tenir un Conseil Otan Russie à Lisbonne, il attend encore la réponse. Certes la Géorgie, mais il y a plein de lieux de coopération (Afgha, narco, terro et même coopération sur la DAMB). On peut être sceptique sur ce dernier point, me semble-t-il....

Financement : il y a eu un déficit, nous avons fait des économies, réduit les coûts, renforcé les contrôles : passez muscade, il n'y a plus de problème....

Afgha : oui, il est possible de gagner la paix, il faut développer une petite capacité civile au sein de l'Otan (déjà dans le rapport Albright, aucune allusion à l'éventuelle concurrence des capacités UE).

Arctique : certes, réchauffement climatique, mais il ne voit pas un grand rôle à l'Otan dans la région.

Afgha : pas en faveur des opérations militaires, la pression sur les talibans est efficace, malgré ce qu'on en dit (j'ai d'ailleurs le sentiment que peu à peu, cette idée commence à faire son chemin dans l'opinion qui paraît moins défaitiste qu'il y a un an).

Méditérranée : il y a le Dialogue Méditerranéen et l'initiative d'Istamboul, il est favorable à d'autres partenariats, et à inclure par exemple la question indienne dans le traitement du pb afghan.

DAMB : quelle différence entre Missile défense US et celle de l'Otan ? (question simple et qui tue) : on va lier tous les systèmes techniquement : les US ont déjà un système, quelques alliés ont des systèmes de théâtre, on a décidé un ALTBMD, tout ça tout ça.

Là dessus, la conférence prend fin, et le sénateur de Villepin, sans vouloir piéger le SG, conclut par une dernière question : "vous parlez de lien, mais des pays comme la France vont apporter et mélanger leurs systèmes?". AF Rasmussen s'emmêle alors : je pense qu'on peut maintenir les systèmes nationaux mais en coopération et sous commandement de l'Otan", puis il se reprend : "je ne suis pas technicien, mais je pense qu'il est possible d'améliorer les coordinations".

Cette confusion finale achève de convaincre une assistance qui était assez sceptique sur le sujet, d'autant qu'il y a eu beaucoup d'échos de presse ces derniers jours.

C/ Commentaire

Ainsi, quelques micro scoops (nombre de cyber attaques, invitation Medvedev, CAT, Inde) et un discours calibré. Toutefois, la question de la DAMB a été ratée, me semble-t-il.

La confusion des niveaux de théâtre et de territoire, le refus de sentir la difficulté du partage du commandement (qui prend la décision de tirer?) sans même évoquer la faiblesse de l'argumentation du coût, tout cela a fait qu'une conférence qui se passait bien et était finalement assez convaincante pour un public pas forcément averti a brutalement chuté, sur une dernière question, et pas sur l'Afghanistan.

Dommage, car l'homme est incontestablement sympathique, c'est un vrai animal politique qui sent les préoccupations de ses pairs (notamment sur la réaction des différents gouvernements à l'issue de la crise financière). Il reste que j'ai été surpris de l'à-peu-près s'agissant de la DAMB : certes, il y a une grosse volonté (notamment américaine), mais AF Rasmussen a donné l'impression de ne pas avoir senti non seulement les difficultés techniques, financières et militaires, mais aussi les difficultés politiques : qu'il se soit fait piéger est somme toute surprenant.

Il va de soi que ces impressions n'engagent que moi, et que d'autres auront pu sentir les choses différemment : ce n'est qu'un observateur amateur qui parle....

O. Kempf


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