Description comme exercice anatomique. Marcelo comme modèle.
C'est une épaule de la main tendue, elle plonge dans la continuité du bras, remonte le long de l'humérus et se fond dans la ligne éminemment verticale qu'elle imprime à son mouvement. Une épaule de la main tendue.
Lorsqu'elle se replie, c'est pour ramener le bras vers le corps. N'importe quel corps. C'est un mouvement qui protège. Qui ne s'écarte pas. N' abducte pas. Un mouvement qui embrasse.
La peau se décolore à mesure qu'elle glisse le long de l'acromion puis s'enroule tout contre le tubercule majeur de l'humérus. La peau n'est pas épaisse, pourtant l'os ne ressort pas à travers. Il n'émerge pas. Il ne découpe pas la chair ouverte. Il soutient en silence le muscle deltoïde qui s'emballe par dessus, le maintient serré-rigide sous lui. Sec. Droit.
La veine céphalique sous-jacente cisèle la clavicule, le masque est léger, il s'applique par dessus la peau, on peut la sentir battre quand son sang brusquement s'anime. En plein effort.
Vus de près, les tubercules de l'humérus un peu rêches, la ciselure est nette, elle tranche dans le vide et la peau sous ces écarts se dérobe. Pourtant aucune main ne s'est jamais dérobée contre eux. L'épaule de Marcelo accueille, on y logerait des crânes entre le renfoncement sous l'acromion et le grand pectoral. Pourtant l'épaule de Marcelo s'écarte, elle glisse entre les mouvements succincts du reste du corps. Elle s'écarte. Disparaît au loin. Sa main tendue n'est plus qu'un mirage de plus dans le flou ambiant de son existence quotidienne. Marcelo est un mythe, son épaule roule sur l'air qui la berce en même temps que la décharge de ses pas – elle remonte depuis l'impulsion du gros orteil jusqu'au déhanché du bassin, puis le soulèvement saccadé de ses côtes et de son thorax qu'aspire sa respiration, et enfin la double virgule de ses deux bras qui tracent des sillons parallèles quoique impalpable à l'oeil autour de son buste – avant de se recroqueviller dans l'espace infime qu'on ne voit pas, peut-être parce que justement aucun crâne ne s'est jamais logé entre le renfoncement sous l'acromion et le grand pectoral. Marcelo se défile encore, il est là, à suivre la courbe des rails, il marche sur les blochets en béton, un pied par dessus, un pied entre, dans les interstices bourrés de caillasse et d'argile, son épaule érode ce relief silencieux qui le traverse en contre jour. Il fuit, en avance sur mes pas.
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Ajout du 8 juin 2008 ; variante écrite pour un concours JE
ta main sur mon épaule m'a comme
tiré vers l'arrière
tes doigts sur mes artères
mon sang sous ton pouls
ma gueule brisée en deux
mon regard dans la tienne
mon sang sous ton pouls
mon cul dans les gravats
on entendait tu sais
les lignes à haute tension
défiler par dessus
ma gueule brisée en deux
prise entre les blochets
les rails on les sentait
vibrer sous nos veines
ta main sur mon épaule Marcelo je la
hais je l'adore
ta main sur mon épaule s'imprime
à son revers
à mon insu
tes doigts sur mes artères
le sang pressé-serré dis moi
que tu l'écoutes
tes doigts absent-présent
en incomplète
urgence.
ta main sur mon épaule connard
un souvenir de trop
ta ligne de fuite en friche
floutée par l'horizon
j'attends le train qui bat
j'attends le train qui traîne