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Perspectives (d'emploi) #4

Publié le 11 mars 2008 par Menear
On en était resté où déjà ? Ah ouais : il y a un mois. Du coup : la suite de la suite de la suite du premier truc.
J'ai passé mon entretien chez Comunicator. J'ai été pris. Pourtant j'ai tout fait pour me saborder. Ce qui veut dire : être cyniquement honnête en toutes circonstances. J'ai été pris. Reçu le papier et tout. Quand ça commence ? Savent pas trop. Peut-être mi-mars ou bien début avril. J'ai passé mon entretien il y a des semaines, mon courrier est daté du 15 février. Donc je fais une croix dessus dès le début.
Ensuite ça nous ramène à hier. Sur le coup de 10h30, je reçois un coup de fil. Un deuxième. Un message. C'est N.G. du rectorat. Je la rappelle. Elle me dit qu'elle a peut-être un truc pour moi. Pour moi : qui pourrait me convenir, j'entends. Un poste dans un collège à côté du Mans. Comme c'est à côté du Mans, je peux m'y rendre sans trop de difficulté. Elle me donne le nom du bled. C'est un peu en dehors du Mans, du coup, mais quand même desservi par les cars. Un peu plus au nord, presque au nord-est du Mans. Je regarde vaguement sur une carte. Je vois à peu près. Je dis ok. Je dis ça marche. N.G. me donne les coordonnées du collège. Je les appelle. On convient d'un rendez-vous pour 14h30, l'après-midi même. Je ne me rends compte que plus tard que 14h30, avec les bus et tout, c'est pas jouable comme horaire. Tant pis. Hugo qui bosse pendant ce temps. J'irais en taxi. Pas le choix.
Le taxi arrive et en montant je me dis que c'est la première fois que je prends un taxi tout seul, ça fait bizarre, surtout pour aller d'un collège miteux sarthois à un autre. Le chauffeur de taxi trouve opportun de passer par des petites routes bouseuses. On se paie deux ou trois déviations. Connard. Je paie la course 55€. Je me dis que si je suis pas pris, je file rédiger un message sur Viedemerde.fr.
Le collège en question, on l'appellera le collège Mushroom-Hunting, c'est un collège intégralement coulé dans du béton. Moche. Autour, c'est la zone. Moche-moche-moche. Alors je me dis glups. Je monte jusqu'au bureau du principal, je me fais annoncer et tout. Le principal me reçoit avec la principale-adjointe. Lui, c'est une sorte de François Berléand sympa. Elle, une version plus âgée de Neela Rasgotra (Urgences). On parle un peu. Me demandent ce que je fais là, quel est mon parcours, d'où je viens, tout ça, quelles sont mes motivations, mon expérience, et ainsi de suite. Je mens : je dis que j'ai eu une expérience de tutorat à la fac (complètement absurde vu mon niveau de l'époque), histoire de me bricoler une mini-expérience, aussi inadaptée soit elle. Je dis que j'envisage de passer le CAPES à plus ou moins long terme : je mens encore. On me dit que je suis jeune. Ouais, je réponds, bah j'ai vingt-deux ans quoi, alors du coup. Ouais. Je ne reste pas longtemps, en fait, dans le bureau du principal. On me dit qu'il reste encore deux ou trois autres candidats potentiels sur la liste. Une fois qu'ils auront été reçu, le principal et la principale-adjointe décideront de qui retenir. Ils m'appelleront vers 17h si je suis pris. Je dis ok, je dis très bien, je dis merci, je dis à bientôt.
Je retourne au Mans pour passer le temps. Il est trois heures et quelques, je dois meubler jusqu'à six pour mon car. Je fais les trucs habituels. Fnac, librairies. Je glande aux jacobins. Je bouffe un truc. Je bouquine. Je meuble. Je me dis que je ne suis certainement pas fait pour ça, que peu importe la réponse, ça ne sera pas franchement positif. Je construis déjà le paragraphe à poster sur Viedemerde. Du genre : aujourd'hui, un entretien d'embauche à 14h30, pas de bus pour m'y rendre alors je prends un taxi. Je paie la course 55€, le taxi s'amuse à zigzaguer dans la cambrousse. L'entretien dure dix minutes, je dois ensuite poireauter jusqu'à 18h pour prendre mon car. Je n'ai pas été pris à mon entretien. VDM Mais en fait non.
Vers 17h, le téléphone sonne. Le principal. Je suis pris. Je dois revenir le lendemain (aujourd'hui) pour voir mon emploi du temps, rencontrer les autres profs, visiter les lieux, etc. Je dis ok, je dis merci, je dis super, je dis à demain. Je raccroche. J'ai rendez-vous vers 10h, demain (aujourd'hui) au secrétariat. Au moment où il appelle, je m'apprête à relever cette phrase de Violette Leduc :

P. 208, La bâtarde : Mon désir, mon refuge, ma catastrophe.

Je rentre en car, l'épaule compressée par une grosse dame qui s'est posée à côté de moi avec ses trois tonnes de course. Les écouteurs de mon lecteur MP3 sont à chier : j'entends filtrer Mika à travers Bowie. Affreux.
Aujourd'hui, Hugo me pose au Mans et je file à Chumuche-chumuche, la fameuse banlieue-zone-moche-de-la-mort-tout-ça. Arrivé au collège Mushroom-Hunting à l'heure. Je ne sais pas où se trouve l'entrée des profs, je passe par celle des élèves. Je retrouve François Berléand, le principal. Je remplie des papiers administratifs. C'est moi qui mentionne la possibilité de joindre à mon dossier mon relevé de notes de Licence, histoire de prouver que j'ai bien le diplôme. Personne ne vérifie rien, je pourrais être n'importe qui, n'importe quoi.
Je visite un peu le collège. Pas très grand. Moche comme la pluie. Le principal me parle de la zone autour. Il me dit vous savez on est en ZEP. Il me dit vous avez dû voir par vous-même, le collège, de l'extérieur, les tours autour. Je me dis merde, zut, y a des miradors ici, j'avais pas fait gaffe. Puis je comprends qu'il parle des HLM. Je dis ouais, c'est sûr, ok.
A l'accueil, un moment où je suis en transit, je croise un type de la maintenance qui me dit c'est ton premier poste ? Ouais ? Et bah faut pas hésiter, hein, faut serrer la vis, faut de la discipline, parce que les gosses d'aujourd'hui, c'est plus comme c'était et c'est ça qu'il leur faut et moi je le sais bien parce que j'étais militaire avant, alors ouais, je sais bien hein. Je dis ok merci, j'y penserai ou une connerie comme ça et puis je me tire. Je pense glups.
Le reste de la journée plus cool : je rencontre d'autre profs, je découvre le saint du saint : la salle des profs. Je visite un peu. Je rencontre le CPE. J'assiste à deux heures de cours d'une collègue de français, Francine. Elle a des troisièmes et des quatrièmes. J'aurais des troisièmes et des quatrièmes. Je prends quelques notes. Histoire de voir comment ça se passe. Depuis le fond de la classe : l'impression d'être revenu en troisième. Pas très bonne, l'impression, du coup.
Un peu avant, je téléphone à la prof que je remplace, Mme Mai, elle me dit qu'elle a des cours de prévu pour plusieurs semaines. Elle me dit vas-y, hésite pas, pioche. Ça me va. Je découvre les cours en question, les bouquins, les manuels, tout ça. Je passe un peu de temps à potasser des idées de possibilité de cours éventuels pour demain. Francine m'aide un peu avant sa deuxième heure de cours. J'ai quelques ébauches, quelques squelettes.
Je retrouve Hugo au Mans vers 17h, on rentre chez nos poulets à nous. Après avoir soufflé et resoufflé encore, il m'aide à feuilleter les bouquins, à trouver des trucs pour les cours de demain. Puisque je commence demain. Trois heures de cours, deux classes. J'ai deux trucs de prévu, ça devrait aller, même si pour un niveau, je ne sais pas réellement où ils en sont, il faudra faire avec. Hugo m'a bien aidé, merci à lui. Francine aussi. Et tous ceux que j'ai rencontré au collège Mushroom-Hunting : super sympa (sauf une qui m'a demandé, après m'avoir aperçu dans la salle des profs en train de bosser : « vous êtes qui ? »).
Je commence demain, donc. Je suis crevé et je n'ai pas encore vu une seule fois les élèves. En sortant, ce matin, j'en ai entendu une dire à une de ses copines : « putain, ça fait chier, demain j'ai français, l'autre prof elle est remplacée ».
Bizarrement, j'ai l'impression que le plus chiant dans l'affaire, c'est toute cette histoire de trajets de car et de bus qui vient se greffer au reste (le premier qui me dit « passe ton permis » c'est mon poing dans la tronche !).
Bref.
On verra comment ça se passe. On verra si j'ai les épaules, si c'est une expérience à suivre, etc. Pour l'instant, je la prends comme ce qu'elle est : une mission de deux semaines.
Étrangement (ou non), ce qui me reste en tête ce soir, à l'heure où j'écris ces lignes, c'est ma soirée d'adieu de juin dernier, au Méliès Café, avec à peu près tout le monde, quand Virginie, pour une raison qui m'échappe à présent, nous demande quel serait le boulot que l'on ne pourrait éthiquement pas faire. Je réponds prof. Instinctivement. C'était il y a moins d'un an.

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