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Perspectives (d'emploi) #2

Publié le 08 février 2008 par Menear
Quand on ne trouve rien (ou si peu) à Nuggets City, on regarde ailleurs. Au Mans principalement. Et on se met à chercher un peu dans le vague, via le site de l'ANPE souvent, ou plutôt non, on ne cherche pas, on regarde, on zyeute, on surveille. Et comme le site de l'ANPE ne possède pas (encore ?) de flux RSS, on y retourne régulièrement, souvent pour voir les mêmes offres d'emploi et les mêmes annonces.
Lundi, on m'apprend (par texto : c'est ça la modernité) que ma candidature n'a pas été retenue par une librairie qui recrutait « en urgences ».

Regrettons de ne pouvoir donner suite à votre candidature qui ne correspond pas à certains critères souhaités par l'entreprise. Merci

Voilà ce qu'on me dit. En revanche j'ai rendez-vous pour la fin de la semaine (aujourd'hui en réalité) à l'ANPE au Mans pour des « tests » vis à vis d'une autre piste dégagée il y a une dizaine de jours : un poste de téléacteur/téléconseiller/téléprospecteur (plusieurs noms pour dire la même chose : les meuchants gens qui appellent les français pour leur proposer des trucs à vendre dont ils n'ont pas besoin). De 8h30 à 12h30 me dit le type que j'ai au bout du fil pendant qu'à côté les travaux de fenêtres redoublent et les coups de marteaux sur les murs aussi. Du coup, je me dis que je comprends mal ou alors que c'est pas vraiment de 8h30 à 12h30. Je m'y pointe ce matin. Si, si, ça dure quatre heures, effectivement. Une heure de je vous explique c'est quoi l'entreprise et pourquoi elle est cool et puis trois heures de tests. Enfin : de tests.
Affreux.
Le genre de feuilles à remplir où c'est qu'on fait des simulations de l'emploi proposé (ça s'appelle de la formation par simulation et on trouve ça que dans les ANPE de Mayenne et de Sarthe à en croire le bonhomme, chanceux que je suis !) avec un CD qui tourne pour nous « mimer » des situations plausibles (par situations j'entends : deux « acteurs » ANPE qui lisent un script) genre : clients qui appellent pour se plaindre, qui passent commande, collègues qui posent des questions, boss qui se plaint, etc. et puis après il faut répondre sur papier ce qu'on répond au bonhomme en question. Exemple : Mais pourquoi donc que ma commande elle est pas arrivée ? Réponse (possible) : C'est quand même pas notre faute si ces feignasses de La Poste ils sont en grève, non ?
Mais ce n'était pas le plus rigolo. Pardon : le plus rigolo. Le plus rigolo, c'était ces espèces de QCM où, pareil, on avait des situations audio, mais où il fallait entourer, parmi une proposition de quatre réponses, la pire et la meilleure réponse possible. Exemple, le patron qui dit : Eh bien mon petit, je trouve que tu te débrouilles bien, ça te dirait de faire quelques heures sup' non payées histoire d'approfondir quelques dossiers ? Réponses possible :
a) Euh... Non payées ?
b) J'imagine que c'est maintenant que je joue ma carte : photos du patron avec sa secrétaire négligemment glissée dans une enveloppe timbrée adressée à sa femme ?
c) Monsieur, ce serait pour moi un honneur que de servir l'entreprise grâce à mes modestes qualifications, si je peux vous apporter quoi que ce soit en plus à vous ou à l'entreprise ou aux autres gens qui écoutent mes conversations ou au concierge, s'il vous plaît monsieur, faîtes-le moi savoir.
d) Je chie dans le cou du Grand Capital et je te gerbe au piffe, connard.
Choix difficile.
Une fois ma matinée bien gâchée (ça plus : cette femme qui avant les tests, au moment de remplir la feuille de renseignements persos, déclare à voix très haute que elle elle veut pas écrire son âge et qu'elle veut pas qu'on sache son âge sur le papier parce que ça se fait pas et que d'abord elle l'écrira pas et puis c'est tout) et après avoir avalé une mini-crêpe baignée dans le beurre (non salé !) et après avoir brièvement conversé avec Elise au sujet de cette nouvelle que je devais lui écrire (et qui, avec son accord, devrait se retrouver en ligne d'ici quelques jours), je décide de poursuivre mes activités de cherchage de boulot. Je vais donc prospecter (me vendre) dans quelques librairies du Mans. Dans l'une, le responsable est pas là, on me demande de lui écrire (chic), dans l'autre il faut limite que je menace la dame à qui je m'adresse pour laisser mon CV entre ses mains (probablement déjà dans la corbeille à l'heure où j'écris ces lignes) parce que non mais franchement c'est la période creuse maintenant alors on va pas recruter, vous pensez bien. Bah, non, justement, je ne pense pas. Enfin, dans la dernière (en réalité, la première que j'ai visité, mais je garde le moins négatif pour la fin), je parlotte avec une femme très sympa (j'en profite pour lui acheter un Pierre Guyotat : c'est la librairie intello/valable du Mans), qui me dit qu'elle n'a pas besoin de personnel (sauf à Noël) parce que sa librairie est toute petite (plus petite que le Quartier Latin à Sainté pour ceux qui connaissent) mais qu'elle me recontactera avec plaisir si jamais etc. Certes ça ne débouche sur rien, mais au moins la personne est agréable, c'est toujours ça de gagné.
Le reste de mon après-midi, je la passe sur un banc, à un mètre à peine d'une rue où défilent bus, cars et scooters endiablés, j'y continue Pessoa. Dans ma tête, il lit cette phrase :

Seul l'être qui ne croit en rien dans un corps d'adulte, l'être doté d'une âme qui se souvient et qui pleure, connaît la fiction et le désarroi, le laisser-aller et la dalle glacée.

Pour la suite, quelques pistes encore : d'abord, ce truc de téléacteur, je recevrai les résultats de mes « tests » en début de semaine prochaine. Si j'ai bien répondu, on me recontactera pour un vrai entretien avec le vrai type de l'entreprise.
Autre petite chose (last but not least) : j'ai eu une certaine N.G. du rectorat de Nantes cette semaine (N.G., c'est les initiales de la personne, hein, pas rien une nouvelle abréviation absconse de l'Éducation Nationale) que j'avais contactée, inconscient que je suis, pour un poste de prof de français vacataire dans un lycée manceau (classes de seconde, premières et même terminale L, rien que ça !!). De toute évidence, le truc m'est passé sous le nez de peu (à un jour près) mais N.G. m'a également dit qu'en Sarthe, les postes à pourvoir de ce type étaient nombreux et que si j'étais disponible après les vacances, elle pourrait me recontacter. Elle m'a même demandé si je préférais collège ou lycée (!! bis). Alors du coup : on se sent à la fois content de voir qu'on peut (enfin) postuler dans une voie où on est qualifié comme il faut (ils ne demandent qu'une licence et aucune expérience, bingo), à la fois amère de voir qu'on tombe exactement dans ce qu'on cherchait à éviter jusque-là et franchement flippé que l'Éducation Nationale recrute de cette manière et en masse des profs incompétents et inexpérimentés. Qu'importe, si l'occasion se présente, je serai ravi d'être ce prof incompétent et inexpérimenté. Sans aucun scrupule qui plus est.
A suivre...

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