Bien avant Chrono Cross, autre réminiscence vidéoludique. En vrai le jeu s'appelait Championship Manager, mais en France ça s'est toujours (ou presque) appelé l'Entraîneur, tout simplement. Et après ça Football Manager, depuis quelques années, mais ça c'est pour l'anecdote ; je joue actuellement à la version 2007 (j'entame ma troisième saison avec Brest, pour ceux que ça intéressent).
Mais rien à voir (ou si peu) avec le 2007 : celui dont je parle, c'était le premier jeu à s'appeler l'Entraîneur et il date de 1995. Me souviens plus exactement de comment on l'avait eu ce jeu là ; certainement mon frère qui l'avait acheté, parce qu'à l'époque, c'était lui qui connaissait ces choses là et moi qui suivait. L'Entraîneur, on y jouait sur le vieux 486, à l'époque où le bureau de ma mère se trouvait dans la pièce du bas (à l'époque, aussi, si je me souviens bien, où sur Fun Radio, car on écoutait Fun Radio, ils diffusaient une chanson des Rembrandts à outrance qui s'appelait I'll be there for you et ils prévenaient que bientôt une série américaine géniale allait être diffusée en France et qu'il fallait surtout pas la louper : elle s'appelait Friends). On y jouait sur le vieux 486, parce qu'à l'époque, le vieux 486 il était plutôt performant : il faisait même tourner Fifa 96, le premier Fifa en 3D.
Bref. Donc on jouait à l'Entraîneur. Et ce qu'il y avait de bien avec l'Entraîneur, c'est que c'était pas un jeu de foot comme les autres (d'abord c'était pas un jeu de foot) : c'était un jeu de management de foot. Nuance. Un jeu d'entraîneur, quoi, comme son nom l'indique.
Et tout ce qu'il y avait, dans l'Entraîneur, au fond (et ça n'a pas beaucoup changé depuis), c'était des tableurs. Et c'était génial. Parce que : une base de donnée hallucinante de je-sais-plus-combien de joueurs exactement, plein de clubs, plein de pays, etc. Et pour chaque joueur : ses statistiques, ses points forts, ses points faibles, les trucs qu'il aimait et les trucs qu'il aimait pas. Son poste de prédilection, sa tolérance à la blessure, sa valeur, ses états d'âmes, ses pétages de plomb. Et ainsi de suite, comme on dit. Alors avec ça, il fallait prendre en main un club (je prenais toujours soit Paris, soit Auxerre, soit Montpellier, allez savoir pourquoi, et dans ces équipes, on trouvait des Christophe Cocard, des Bernard Allou ou des Julio Cesar Dely-Valdes, toute une époque !), gérer les joueurs, les recruteurs, les adjoints, etc. Recruter. Bâtir une équipe. La diriger. Aller au bout des objectifs imposés par le club ou bien prendre le risque de se faire virer en cours d'année (c'est arrivé souvent). Donc, évidemment : gagner le plus de matchs possibles.
Les matchs, parlons en, c'était le plus marrant : à l'époque, il n'y avait pas de retransmission en 3D, ni même de « petites boules » d'ailleurs (match vu du dessus avec représentations des joueurs en petites boules, si si) ; il n'y avait que du texte. Littéralement. C'est à dire que pour décrire les actions, il y avait un bandeau qui s'affichait à l'écran et qui disait : « Machin déborde sur l'aile droite et centre... » et puis un autre qui enchaînait « mais le ballon est contré et sort en touche. ». Par exemple. Ce genre de trucs. En bas, un léger graphique représentait la possession de balle, histoire de savoir si son équipe était en danger ou non. Si je me souviens bien, il y avait possibilité de rajouter des commentaires audio de Jean-Michel Larqué (!!) mais soit que les commentaires buguaient, soit qu'ils étaient pénibles, on ne les a pas souvent activés.
Le plus intéressant, en réalité, dans ce jeu (et ça vaut toujours pour les versions actuelles), c'était justement ce manque numéro un que l'on ressentait en jouant : ne pas voir les images. Comme on n'avait que le texte, on était forcé de se représenter autrement le match pourtant observé depuis notre banc de touche virtuel. Bref, on était obligé d'interpréter le texte laconique (souvent les mêmes phrases qui se répétaient) histoire de le mettre en image, dans un coin de notre tête, histoire de le rendre réaliste. Vivant. Même chose avec les petites boules, où il faut perpétuellement interpréter si ce mouvement de petite boule vers la droite correspond à un lobe tout en finesse ou à une reprise de volée dévastatrice. C'était (c'est) tout un art.
A l'époque, on n'avait pas le droit d'avoir plus de trois joueurs étrangers en même temps sur la feuille de match et on payait à coup de millions de francs. Je me souviens de certains noms de joueurs qui cartonnaient dans le jeu (et une fois qu'on avait fait une partie, on savait à l'avance qui cartonnerait ou non dans les années futures, parce que le jeu générait lui-même ses propres stars) : Joao Pinto en faisait partie, attaquant portugais que j'avais recruté avec Paris. Il y avait Armindo Ferreira, également, qui venait de Niort (et qui joue toujours, je l'ai même croisé dans ma dernière partie de Football Manager, défendant les couleurs de Châteauroux !). J'en ai oublié beaucoup d'autres.
Je me souviens avoir beaucoup gueulé contre ce jeu (je me souviens même avoir cassé une souris à cause de ce jeu), parce que c'était (c'est toujours) le truc le plus stressant qu'on peut imaginer, avec toujours un connard à la 88eme minute qui trouvait le moyen de faucher un attaquant adverse dans la surface et un autre connard (l'arbitre) qui s'amusait à siffler penalty et qui bousillait mes chances de titre. Bref. Stressant, quoi. De quoi gueuler contre l'écran quand l'adversaire égalise dans les arrêts de jeu et dans la seconde qui suit : un blessé alors qu'on a déjà effectué ses trois remplacements. Résultat : deux prolongations à dix contre onze pour finalement encaisser un but... dans les arrêts de jeux de la deuxième prolongation ! Oui, effectivement, ça sonne encore douloureux : c'est arrivé il y a moins d'une heure...
Hum. Reprenons.
Enfin, l'Entraîneur, c'était aussi ma façon à moi de me bâtir une bonne culture footballistique (non, on ne rit pas svp), parce qu'à l'époque, on n'avait pas Canal, et le foot à la télé, ça se limitait donc aux téléfoot du dimanche matin pour les résumés et quelques vrais matchs vus en vrais à Geoffroy Guichard de temps en temps. Bref, parcourir comme ça ces bases de données immenses, ça m'a donné l'occasion de « m'y connaître » un peu plus et de ne pas écarquiller des yeux interdits quand on parlait de Ruud Hesp ou de Ivan Zamorano dans les cours de récré : indispensable, du coup. Il y a également Zoom Travica qui résonne lentement dans mes lointains lointains souvenirs, mais ça c'est une autre histoire, une autre époque, un autre jeu. Une prochaine fois peut-être...