Magazine Culture

Bercy

Publié le 04 janvier 2008 par Menear
J, la suite : ça fait plus d'une semaine à présent. D'abord, AMF ne m'a donné aucune nouvelle. Pas un coup de fil, pas même un texto, que dalle. Un peu énervé, pour le coup, énervé après elle qui me traîne dans un truc et après n'est même pas foutu de me tenir au courant. Et puis résigné, après avoir eu ces fameuses nouvelles, parce que rien de nouveau, et rien qui avance et personne qu'est capable de dire clairement si c'est lui ou si c'est pas lui, s'il est là ou plutôt ici. Personne.
Alors bien vite, je me suis retrouvé avec cette série de photos de ce J dont je ne connais rien, je sais pas exactement combien, peut-être une centaine, peut-être plus, des photos à montrer à ceux qui seraient susceptibles de, et puis en afficher dans les commerces et les scotcher contre les lampadaires et sur les murs, genre « avez-vous vu cet homme ? ». Ce gamin, je serais tenté de préciser.
AMF, j'ai failli lui dire : maintenant ça suffit les conneries, préviens les flics et puis basta. Mais je savais pertinemment que, peu importe ce que elle elle m'aurait répondu, j'aurais fini perdant dans l'histoire. Alors j'ai fermé ma gueule. Pour une fois.
Le premier au soir, lendemain d'un réveillon anecdotique (boulot, boulot, boulot), AMF m'a rappelé, nerveuse et acide, pour me dire de la rejoindre au parc de Bercy, qu'il y avait une piste là-bas. Là, en revanche, je ne me suis pas retenu, je l'ai envoyée se faire voir. Parce que ça commençait à bien faire et que ça suffisait les conneries. Les mêmes trucs qu'avant, sauf que cette fois j'ai réussi à les dire. Comme je l'avais anticipé, je me suis fait envoyer chier. Parce qu'AMF, elle me disait que ça faisait une semaine qu'elle dormait plus, qu'elle avait sacrifié plusieurs parties importantes, qu'elle partageait son appart minuscule avec cette femme que j'avais vu l'autre soir et qui était peut-être la mère du gosse et que ce mois-ci elle était dans le rouge et dans la merde aussi. Alors pas question pour moi de jouer aux égoïstes de base et ainsi de suite, tout ça pendant plus d'un quart d'heure. Et à la fin du monologue, quoi dire sinon : « où est-ce que tu veux qu'on se rejoigne » ?
Au parc de Bercy, depuis quelques jours, il se passe des trucs. Genre : les Don Quichotte mais en un peu moins médiatique. Et puis surtout : les flics tout autour mais pas (encore ?) d'affrontements ou de charge des CRS. On commence à en parler dans les journaux : c'est tout neuf encore.
Au parc de Bercy, arrivée vers sept heures et quelques, la nuit déjà tombé et le froid par dessus : des dizaines et des dizaines de souffles gris figés dans les airs tout autour. On a passé les cordons de CRS tant bien que mal, quelques caméras et micros autour mais comparé à l'ampleur du truc : relativement peu en fait. Sur place, je me suis rendu compte que c'était pas exactement comme les Don Quichotte. Un peu José Bové sur les bords aussi. Plus une conscience écolo, en tout cas. Et des tentes un peu partout et des visages fermés qui errent. Nous au milieu d'eux et nos photos qu'on distribuait à tour de bras. Peut-être que c'était pas à ça que j'étais censé penser, mais je me suis furtivement demandé qui avait payé l'impression de toutes ces photos...
Le responsable du « camp » : pas moyen de le rencontrer, malgré les sanglots de cette femme, prétendue mère du gamin. Visiblement, ce type, le responsable, « il a un grain », comme j'ai entendu quelques échos le murmurer, sans d'ailleurs trop savoir d'où ils venaient, exactement, ces échos. Alors on a juste continué à distribuer nos flyers, et nos photos avec, et nos coordonnées aussi, histoire d'être joignables juste au cas où. Mais J, ce type invisible dont j'ignore le nom : pas une trace. A croire qu'il n'est pas passé par ici. Ni ici, ni le parvis de Notre Dame, ni rien. Parce qu'avec tous les paumés qu'a croisé AMF, avec tous les paumés qui savent des trucs qui pourraient nous servir qu'a croisé AMF, on aurait dû au moins avoir une piste. Au moins. Et si on rentre bredouille, comme elle me l'a dit d'ailleurs avant que l'on se quitte dans les couloirs de métro, c'est probablement parce qu'il ne veut pas qu'on le retrouve. Et en me disant ça elle n'a pas sourcillé, pas tremblé, ni rien. Juste : sa voix glacée dans les courants d'air sec. Résignée.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Menear 147 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine