Peut-être que ça m'a fait cogité, ces quelques échanges de mail avec Matoo à la suite d'un commentaire que je pensais anecdotique même si, je le reconnais : acide. Au moins. Cogiter, donc. Pas tellement vis à vis de la « pédéblogosphère » (sic) d'ailleurs. Pas tellement vis à vis de mon homosexualité à moi, en fait, ni même de ma faculté à (ne pas) en parler ici (ou ailleurs). Simplement : ma faculté à (ne pas) parler de rien, de tout. L'absence de tous les trucs persos qu'on trouve habituellement sur les blogs. Silence radio, en (quasi) permanence. On peut d'ailleurs expérimenter le truc dans l'instant : faire une recherche, n'importe laquelle, qu'on penserait rattachée de prêt ou de loin à quoi que ce soit d'important pour moi et pouf, que dalle, rien du tout, ou si peu si peu si peu. Si, si, je vous assure.
Parce que mon truc à moi, en vrai, c'est la fiction. Et donc que la plupart des textes qui diront un minimum de vérités (si tant est que ça existe) sur moi c'est la fiction. Les miennes ou bien celle des autres. Parce qu'une chronique d'un Spanbauer ou d'un Bowie exprime beaucoup, beaucoup plus qu'un état d'âme ponctuel que je vais d'ailleurs perpétuellement travestir, maquiller ou fractionner. De sorte qu'en réalité, rien est vrai et pourtant, avec une sincérité toujours accrue : la volonté toujours identique de vouloir s'effacer de tout ça. La plupart des gens qui auront la chance de me côtoyer « en société », c'est à dire avec plus de trois personnes autour de moi, pourront reconnaître l'application textuelle (bloguesque ?) d'un comportement pathologique appliqué tous les jours (ou presque).
La plupart des choses importantes, pourtant, je les écris, c'est vrai, je les pense, au moins, mais rien ne filtre ou si peu. Parce que : je préfère les garder de côté, les mettre en ligne ailleurs. Je préfère. Et ce n'est pas une question d'auto-censure, pas du tout. Simplement : corriger corriger corriger jusqu'à ce que de moi il ne reste plus rien. Ou si peu. Fantasme ultime. Précepte que j'applique volontiers dans ma conception même de ma fiction à moi : c'est comme ça que je construis un personnage. Parce que pour le faire exister (et c'est le but numéro un) il faut que je m'en efface au préalable. Alors ça prend du temps, c'est compliqué et certainement, jusqu'à un certain point : c'est malsain. Ce qui ne m'empêche pas de continuer d'ailleurs : sorte de boucle masochiste que je me plais à compléter à mesure que les brouillons devant moi s'entassent.
La plupart des choses importantes, disais-je, c'est vrai, je les écris. Dans des journaux, dans des carnets, ou juste dans des notes, ou des fois je me contente de me les répéter dans ma tête et ça suffit. Des fois, je les écris, et puis les cahiers se perdent, se retrouvent plusieurs années plus tard ou bien il s'agit de disque dur, des qui ont foiré ou bien des formatages intempestifs ou bien ce fichier retrouvé dans le ventre du vieux 486 que je n'arrive pas à ouvrir, faute de mot de passe qui ne revient pas ; bref, tous ces vieux mots qui traduisaient une réalité de l'époque (s'agissait-il déjà de fiction d'ailleurs ?) que parfois l'on retrouve et parfois pas. Les trucs persos de la vie d'avant, oubliée.
Pourtant rien de ce que je peux bien dire (écrire) n'est vrai. Pas parce que je décide délibérément de raconter n'importe quoi (et pourtant, parfois, je me dis que je devrais) mais parce que jamais deux minutes ne se passent sans que ces trucs écrits ne deviennent faux. Juste : ça fluctue, ça change, ça bouge. Et au fond je peux bien m'en foutre ; rien de ce que je pense n'a d'intérêt pour la simple et bonne raison que rien de ce que je pense ne subsiste plus de quelques moments. Instants. Alors quand on me parle de conviction ou de croyance ou d'engagement, voilà pourquoi ça me fait sourire. Parce que je n'ai même pas encore fini de formuler ce que je pense que déjà je pense autre chose. Ou à autre chose.
Alors quand je dis « silence radio », en réalité c'est complètement faux. On pourrait plutôt parler de brouillage permanent, de la neige sonore. Des nuisances. Je dis (j'écris) un truc qui, dix minutes plus tard, n'est déjà plus d'actualité. Peut-être aussi pour ça que j'écris (je dis) si peu de ces trucs persos que d'autres trouvent importants. Chez moi : anecdotiques, au mieux. Mon réconfort à moi je le trouve dans la fuite ; et pourtant moi jamais je ne bouge. Et essayer un peu de trouver du sens dans toutes ces dégringolades...
En réalité, tout est complètement faux. Probablement la seule chose à retenir d'ailleurs.