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Le rêve de Cassandre

Publié le 07 novembre 2007 par Menear
Chaque année, la même chose, au même moment, à la même époque (quasiment jour pour jour, il suffit de comparer les dates), pas les mêmes cinémas, certes, mais le même genre de cinéma (vous savez, les cinémas où on diffuse des films coréens à tour de bras, toujours en VO), et le même réalisateur, au même moment, à la même époque. Abrégeons. Il s'agit du Woody Allen dernier cru, bien sûr, et avec lui, de quoi clore sa « trilogie londonienne », entamée avec Match Point et poursuivie l'année dernière avec Scoop.
Le rêve de Cassandre

L'affiche est surprenante (j'ai d'abord cru à un thriller... mais c'est pas le cas), le casting également (pas de Scarlett Johansson cette fois-ci, mais un couple Ewan Mc Gregor / Colin Farrell assez inattendu). Le titre, quant à lui, indique de suite que c'est plutôt du côté de Match Point que ce film va lorgner et non vers Scoop (comédie légère et agréable) : il s'agit en effet d'une tragédie au sens le plus strict du terme.
On est de nouveau à Londres, donc, à suivre les déambulations de deux frères qu'on pourrait légitimement qualifier de losers. Le premier (Colin Farrell) est un joueur invétéré, amateur d'alcool, mécanicien aux rêves somme toute assez terre à terre. Le second (Ewan Mc Gregor) est plus ambitieux, il collectionne les conquêtes féminines et se voit déjà à la tête de plusieurs hôtels aux States alors même qu'il travaille toujours dans le restaurant de son père. Heureusement, ces deux là, peu vernis, ont un oncle millionnaire, capable de les aider à réaliser leurs rêves (rêves matérialisés par l'achat de ce bateau, au début du film, baptisé « Le rêve de Cassandre »), en échange de quelque service peu scrupuleux...
L'atmosphère générale du film est agréable : on sourit volontiers, on rit parfois, les personnages sont dans l'ensemble relativement attachants. On passe un bon moment. L'intrigue met du temps à se mettre en place (mais après tout pourquoi pas), de nombreuses idées sont bienvenues (le personnage de l'actrice, qu'incarne Hayley Atwell, est sans doute le plus intéressant) et certaines scènes sont plaisantes (bien qu'extrêmement Allenienne) : celle-là en fait partie (pas d'extrait Youtube car sur Youtube, on ne trouve que la bande annonce complètement nulle, il faut donc aller du côté d'Allociné, et supporter la pub du début).
Le rêve de Cassandre

Mais (car il faut un mais)...
Le film est de toute évidence mal construit, le montage semble hésitant : le tout début est très mauvais, de nombreuses scènes sont noyées dans des redites perpétuelles qui, en plus de décrédibiliser certains personnages (Colin Farrell, identique du début à la fin, qui répète sans arrêt les mêmes monologues et surtout, surtout, Colin Farrell, quoi : quel agaçant acteur), nous font vite perdre le fil de l'intrigue. Des ellipses semblent mal placées, certaines transitions sont à la limite de l'incompréhensible. La fin semble bâclée (mais peut-être est-ce accessoire). Bref : un film plaisant, mais quelles drôles d'impressions en ressortant, celles d'un film bricolé, pas réellement exploité, un film fait en pensant à autre chose. Voilà l'impression que j'ai eu.
Et le fait est que les défauts sont trop nombreux, à commencer par le plus dérangeant : le fait qu'on ne sache jamais où on est. Le parti pris de la tragédie est fait dès le début (le titre) et pourtant on sent le film hésitant : est-ce qu'on veut faire rire ? est-ce qu'on veut se concentrer l'agencement des situations ? on ne sait pas vraiment, alors on fait un peu des deux, très maladroitement. Et pareil pour la gestion des personnages : celui de Colin Farrell finit par agacer, et celui d'Ewan Mc Gregor semble sous exploité, d'autant plus qu'il n'est qu'une reprise du héros de Match Point (Johnatan Rhys-Meyer), à peine modifié. Quel intérêt, dans ce cas ? Le personnage le plus intéressant, la comédienne, a beau faire remonter l'intérêt du film, sa présence nous rappelle tout de même perpétuellement l'absence d'une autre actrice : Scarlett Johansson, que l'on ne retrouve pas au casting (Hayley Atwell joue bien, mais elle n'impose que peu d'impact à l'écran, et elle reste physiquement lisse du début à la fin, dommage pour celle qui est censée incarner le désir et l'arrogance).
Et ne parlons pas des à côtés, des contingences de la post-production : les affiches, l'habillage, la bande-annonce, tout laisse penser à un thriller psychologique, ce que le film n'est pas. Et ne parlons pas non plus de la bande-son ronflante et gonflante confiée à Philip Glass qui semble éternellement bloqué sur trois notes qu'il répète à l'infini (autant la bande-son de The Hours était géniale, autant toutes les autres que j'ai eu l'horreur de subir étaient à chier).
Le rêve de Cassandre

Mais abrégeons. Le rêve de Cassandre est un film bourré de défauts, pas mauvais en valeur absolue, mais très moyen une fois remis dans le contexte des deux très bons premiers opus de la fausse « trilogie londonienne ». Je n'en ai pas passé un mauvais moment pour autant, ce qui peut être difficile à comprendre à la lecture de cette armada de critiques. Je reste un fidèle du juif bègue quoiqu'il arrive et cet « accident de parcours » ne m'empêchera pas de retourner voir son prochain film, l'année prochaine, au même moment, à la même époque, presque jour pour jour. Dommage tout de même que cette belle brochette de bons films s'achève par un dernier opus aussi anecdotique.
[Article également disponible sur Culturopoing]

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