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Achevé !

Publié le 24 septembre 2007 par Menear
Achevé !Pour la première fois je peux enfin dire : je viens de terminer mon roman. Et pour la première fois, cela ne signifie pas que je suis seulement vaguement satisfait de ce que j'ai fait , mais bien que j'ai achevé mon texte : j'ai écrit exactement ce que je voulais écrire.
Par rapport à ses balbutiements, le roman en question a relativement évolué, tout de même. Il s'agit de "Cette vie" dont je vous parle depuis presque six mois ; à la base une nouvelle, puis une "novella", il a finalement suffisamment grossi pour devenir roman (court, mais roman quand même). A l'origine,"Cette vie" est un rêve. Le roman que je viens d'achever est en fait la version retranscrite (et traduite pour le récit) de ce rêve fait en avril et qui m'a forcé à me lever à 4h40 pour l'écrire, le plus vite possible pour en oublier le moins possible. Je me suis ensuite recouché à 5h20 et depuis il n'a pas quitté l'un des coins de ma tête.
Un peu de statistiques, pour la forme : je commence la rédaction de ce qui n'est alors qu'une nouvelle le 28 avril dernier, et j'y apporte les dernières modifications le 23 septembre (hier, donc) après une semaine de retouche fortement dispensable : je venais d'arriver au bout du bout de mon processus de relectures & corrections. La version finale constitue la dernière d'une série de huit versions différentes. La première (le premier jet, basiquement) comportait 29 877 mots (c'est précis), le roman achevé en compte finalement 44 563 (et 281 366 caractères, pour pousser le vice de l'exactitude jusqu'au bout), répartis sur 104 pages (interligne 1.5, police 12). La fin a été modifié à chaque version, à chaque lecture. Mais cette fois-ci c'est la bonne.
Difficile de proposer un résumé de "Cette vie", d'ailleurs je ne m'y risque pas. Juste, histoire de vaguement comprendre le contexte des extraits présentés ci-dessous : ça se passe dans un microcosme indescriptible, la "Fondation", et le narrateur y est professionnellement affecté. Difficile, également, de recommander quoi que ce soit pour la lecture : mieux vaut se confronter au texte. D'ici la fin de l'année, si tout va bien, je devrais envoyer ce roman là à toute une tripotée d'éditeurs pour mieux l'oublier jusqu'aux réponses espérées de ces mêmes éditeurs, six mois ou un an plus tard.
Je ne mettrai pas le roman en ligne ici en revanche. Tout ce que je peux vous proposer, c'est de publier dans ce billet deux extraits choisis par mes soins. Ils ne sont probablement pas les plus représentatifs du roman (quoi que) mais il s'agit de deux passages que j'affectionne particulièrement moi-même. A vous de voir ensuite si ça vous intrigue ou non...
Extrait 1 : Première partie, P.22/104
Le narrateur accompagne, impuissant, le calvaire de sa femme, victime d'une maladie soudaine.

Je m'étais juré que je ne tomberais pas dans ce piège blafard que constituait mon propre sommeil, aussi fis-je tout mon possible pour maintenir mes yeux ouverts aussi longtemps que mon corps pouvait l'accepter. Je regardai avec attention chaque objet disséminé dans la pièce et me forçai à les décrire à voix basse, le plus exhaustivement possible. Ces exercices, en plus de maintenir mon esprit aussi éveillé que l'imposait mon rôle de garde-malade, avait également pour avantage de créer une passerelle orale entre ma femme et moi. Je me plaisais à croire que chaque mot prononcé à voix basse et soufflé contre ses tempes me permettait de percer le secret de ses sens. Chaque son que je m'efforçai de murmurer me rapprochait un peu plus d'elle-même et nous permettait à tous les deux de mieux endurer la maladie. Rien n'était épargné par l'avalanche scrutatrice de mes paroles : les livres, les feuillets et dossiers entreposés sur les rayons de la bibliothèque, les plinthes, la tapisserie, la porte menant au couloir du premier étage, l'accès étriqué ouvrant sur le coin salle de bain, le robinet blanc, le miroir glacial, le plafond vaguement lézardé, les huisseries blanches de la fenêtre suintante, la surface empêtrée de mon bureau provisoire, le boîtier fermé dans lequel se trouvait toujours ma réserve de boules quiès, au cas où, cette chaise sur laquelle je me trouvai, les draps de son propre lit, cet oreiller, le bois sombre de la bibliothèque, la sarbacane qui trônait sur le haut du dernier rayon... La poussière qui phagocytaient elle-même cet objet incongru. La petite fléchette qui y était fixée. Quelques filets de salive que j'imaginais sur son extrémité. Rien n'était épargné. Et lorsque je me rendais compte que j'avais épuisé toute la matière de mes éternelles descriptions, je faisais mine de ne pas l'avoir remarqué, je recommençai le perpétuel cercle de l'observation, descendant d'un cran dans les niveaux successifs qui se présentaient à moi, m'enfonçant sans vergogne dans l'infiniment petit qui dans les détails de notre quotidien le plus proche ne cessait de nous cerner et de potentiellement nous recouvrir.

Extrait 2 : Seconde partie, P.59/104
Le narrateur conduit une inconnue, nouvelle venue à la Fondation, dans les parcs jouxtant le domaine.

Le ciel était noir lorsque, l'après-midi pourtant, nous nous faufilâmes, emmitouflées dans nos blousons, écharpes, bonnets et parkas, dans les steppes glacées du domaine environnant. Nous passâmes, moi en tête, Ithma ensuite, par le petit salon, gagnant la terrasse via la porte-fenêtre latérale, et nous longeâmes délicatement les buissons de Locus Amoenus. Ils se cristallisaient sous nos yeux en de sombres bouquets argentés qui ressemblaient, par endroits, à quelques sculptures parfaites, elles mêmes copies potentielles de plantes et de fleurs réellement existantes. Ithma sortit son appareil à impulsions photo-électriques et se positionna à deux pas de ces buissons ; elle inséra dans les fentes correspondantes les plaques impressionnables nécessaires au bon fonctionnement de son appareil et elle captura l'image que quelques secondes plus tôt seulement nous nous attachions à contempler. Sur la photo, j'imaginai, ne paraîtraient pas les effluves silencieuses et croissantes qui s'échappaient mollement de leur pétrification et qu'à cet instant je me gardai bien de respirer.
Peu à peu les forêts acérées du domaine nous encerclèrent à mesure que nous en gagnions les profondeurs. Je me trouvai désormais bien au-delà des limites que j'avais eu le loisir de découvrir auparavant. Nous comptions pourtant sur ma connaissance supposée du terrain pour nous orienter. Chaque pas nouveau nous entraînait un peu plus vers un coeur brumeux et silencieux dont les sculpture florales et factices constituaient l'unique point de repaire.
Ithma déambulait parmi ces espaces condensés comme on traverse un chemin inexistant. Elle imprimait de nombreuses plaques impressionnables et notait sans cesse les références de ce qu'elle se permettait de figer. Chaque variété végétale ou minérale aimantait son attention. Chaque regard trahissait l'effusion de ses yeux beiges à traquer l'inconnu, quand bien même, pour elle, l'inconnu n'était pas cet ennemi impalpable qui nous étouffe et nous broie mais bien un défi perpétuel, un compagnon de jeu, qu'il fallait traquer et dépasser à mesure que notre progression le permettait. Nous frôlâmes quelques épines acérées et mesquines, nous marchâmes sur des brindilles de verre qui se désintégraient aussitôt, nous ignorâmes les percussions haletantes d'oiseaux invisibles et discrets qui, au-dessus de nos ouïs respectives, sifflaient et martelaient le tronc des arbres sur lesquels ils devaient se trouver ; ensemble nous progressions dans les splendeurs et les pièges de cette forêt et ensemble nous acceptions de nous y oublier.


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