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Tom Spanbauer, Now is the Hour

Publié le 28 octobre 2006 par Menear

Je crains de devoir encore vous parler de Tom Spanbauer (cf. billets 94 et 98 pour les nouveaux et ceux qui ne s'en souviendraient pas). Je n'y peux rien, c'est un peu mon auteur fétiche ces temps-ci, il va donc falloir faire avec. Aujourd'hui, je vais vous parler de son dernier roman, sorti il y a six mois environ, intitulé (comme l'indique le titre de mon propre billet) Now is the Hour. Je cite le titre anglais non pas pour vous snobber, mais tout simplement parce que ce beau roman (cette belle histoire) n'a pas (encore) été traduit dans notre beau pays (décidément tout est beau aujourd'hui !).

Tom Spanbauer, Now is the Hour

En apparence, Now is the Hour est un « roman d'apprentissage » assez classique. C'est un récit initiatique fondamentalement américain, qui reprend largement la trame de Faraway Places et qui la complète, la prolonge (reprise parfaitement assumée par son auteur soit dit en passant). Si Faraway Places était le roman de la pré-adolescence, Now is the Hour est celui de l'adolescence, dont voici la trame générale : Rigby John Klusener, le narrateur « Spanbauerien » du livre a dix-sept ans lorsqu'il décide de quitter la maison familiale et partir sur la route pour rejoindre San Francisco et quitter du même coup son Idaho natal, seule région qu'il ait jamais connue. C'est le point de départ du livre et les quatre cent cinquante pages qui suivent se proposent de revenir en arrière et d'analyser la jeune vie de cet attachant personnage. Le livre essaie d'expliquer pourquoi son personnage principal en est arrivé là. Comme pour Faraway Places, la chronologie est « bancale », la progression du récit n'a rien de linéaire. Les évènements s'enchaînent sans réel lien logique sinon peut être les agrafes artificielles que met en place le narrateur, si bien qu'on se retrouve vite à faire des bons de quelques pages en arrière pour revenir sur un épisode marquant qu'on n'avait à première lecture pas du tout perçu comme tel.

Et tout y passe : la jeunesse, l'ignorance, la famille, le sexe, la religion, le rapport à l'autre, le racisme, la vie agricole, le sexe, encore. Le narrateur oscille constamment entre deux mondes, entre deux époques qui se chevauchent (l'Amérique des années 50/60) : la rigidité familiale et le libéralisme du personnage de Billy Codie. La xénophobie paternelle latente et la découverte d'Acho et Flaco, les mexicains, ou de George Serano, l'indien. Une perte de repaires, également, pour un personnage qui ne sait plus où il est, qui il est. Et la peur d'être différent, également, représenté (tout un symbole) par cette « Door of the dead », jeu auquel il joue lorsqu'il est enfant avec sa soeur et qui le terrifie, que l'on retrouvera plus tard dans la « Back Door », boite homo clandestine au détour des ruelles sombres de Pocatello.

Plus qu'un « récit initiatique » en bon et du forme, Now is the Hour s'apparente plutôt à la pratique de la « terre brûlée » : on brise tout pour pouvoir repartir. Rigby John se décharge du poids de son passé en le racontant, il se met en danger (rappelons que la « technique » d'écriture qu'enseigne Spanbaueur est la « dangerous writing »), il l'évacue. Et l'on retrouve même cette récurrence Spanbauerienne du crâne rasé : à la fin de Dans la ville des chasseurs solitaires, déjà, le narrateur décidait de casser son image, son physique pour mieux repartir. Il en va de même dans Now is the Hour.

Oh et puis zut, je vais m'arrêter là. Un extrait vaut bien mieux que tous mes paragraphes maladroits pour les décrire. L'extrait choisi se trouve au début du roman, il concerne Rigby John et ses jeux de jeunesse. Et sa mère. Et une figure paternelle.

My knuckles against her mahogany bedroom door made a hollow sound. You go on and play, Mom said.
Mom ? I said. Can I play dress-up ?
If you play downstairs, Mom said.
It took me awhile to ask because none of us had ever sait it.
What if Dad comes in ? I asked.
He won't be in until supper, Mom said.
The green plaid dress buttoned up, the shiny black velvet hat with the flower brooch, the black high-heel shoes with the ankle strap. The rhinestone bracelet. The cameo necklace. The pleated green scarf tied around my neck. The red purse with the gold latch. The gold ring. The white gloves.
There I was standing inside the light of the trunk, in the perfect outfit, and the light of the trunk was the whole world, the strange magic Wizard of Oz world, the world that smelled of Eiffel Tower.
Scintillatingly gorgeous.
I didn't hear the other world, the world we live in every day, coming down basement steps.
In all my days, I don't think I've ever been so terrified.
It was Ott Lattig. Dad's tall, skinny usher friend from church. He was yelling. Ott Lattig's face was red, and he was yelling.
He kicked the steamer trunk, and the steamer trunk went crashing over. He pulled the red purse from my hands, pulled the gloves of my hands, the gold ring. Yelling and yelling, Ott Lattig slapped the black velvet hat off my head, Ott Lattig put his hands around my neck, pulled at the green scarf, pushed me back, pulled at the Peter Pan collar, ripped the green plaid dress open, tore the buttons off.
I tried to hide behind the fallen streamer trunk. The straps of the black shoes were caught around my ankles.
Then Mom was standing there. With these same two eyes, I looked up and there was my mother, and she didn't have a migraine, and she had her eyebrows on, and her Orange Exotica lipstick, and her almond-shaped hazel eyes were all green, no gold at all, staring down at me.
I mean, how old I was ? No more than nine.
Then Mom says – you won't believe this, but my mother turns to Ott Lattig, and she says – Thanks, Ott, she says. See how my son plays. His father is so ashamed of him.
Shame.
That's the world all right.
Fuck. Who are these people ?

Traduction personnelle et approximative.

Extrait un peu pathétique, je dois l'avouer, mais également très fort, violent, mais très bien écrit également. Il y aurait eu beaucoup de passages à citer en exemple mais je ne pouvais pas tous les choisir. Pour en lire d'autre, je vous conseillerai donc tout simplement de lire le livre en entier. Ce n'est peut être pas le meilleur de Spanbauer, mais c'est le genre de livre dans lequel on se sent bien, avec lequel on prend son temps, appréciant pages après pages sans aucune urgence. Le genre de personnages avec qui on s'attache facilement, rapidement. Le tout bercé par quelques leitmotivs musicaux légers et touchants. Merci à Tom Spanbauer.


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