Note : Ce petit texte a été écrit il y a quelques mois, aussitôt oublié et retrouvé ce matin même, par hasard,d ans les archives de mon disque dur. Je n'ai pas réussi à comprendre si c'était un minimum digne d'intérêt, ou juste futile et pénible. A vous de me le dire, j'imagine... Au passage, aussi, pendant que j'y suis, il est évident que publier des articles écrits plusieurs mois à l'avance est un bon moyen de mettre ce blog à jour sans pour autant renoncer à ma flemme XD...
Il semblerait qu’après des siècles d’effort pour structurer le monde, il soit au goût du jour de le déstructurer. C’est sans doute aussi simple qu’un balancement de pendule, ou qu’un retour de manivelle ou que sais-je encore. Ca va et puis quand c’est allé, ça revient. Ce n’est pas plus compliqué que ça. On peut également dire que « c’est dans l’air du temps », que « c’est à la mode » ou que « c’est comme ça et pas autrement ». J’imagine que c’est une autre façon de présenter les choses, oui.

La déstructuration, c’est à la fois la désolidarisation du monde des Hommes avec son environnement naturel, la tendance géopolitique qui va vers la démultiplication des états, c’est les nombreuses scissions intercomunautaires qui débouchent fatalement sur d’autres communautés, qui favorisent elles-mêmes le comunautarisme, et par conséquent une autre forme de déstructuration (c’est le serpent qui se mord la queue), c’est la main mise de la bureaucratie qui applique le principe des petites cases à cocher comme seul manière de se définir, c’est la division des individus en types qui, paradoxalement, ne font que renforcer l’individualisme, c’est la micro spécialisation professionnelle, c’est la mise en place d’un quotidien universel, c’est la classification de tous nos comportements en cas, c’est l’absurde dilemme inné/acquis, c’est la création d’un clivage normal/anormal, c’est la négation de l’identité, c’est l’apologie à peine déguisée de la schizophrénie. C’est tout ça (et bien plus encore), la déstructuration.
Contrairement à ce que certains pourraient croire la société actuelle ne formate personne, bien au contraire. Alors qu’on pourrait penser qu’elle impose un mode de vie, elle ne fait en réalité que l’encadrer. Le classer. L’étiqueter. Il est là, le « drame » de notre époque. L’entreprise réalisée par la « société », ce monstre responsable de tout, est une entreprise principalement déstructuratrice, dans le sens où elle ne nie pas l’identité de l’individu mais où elle le divise, le classifie. La question n’est pas (plus ?) de savoir ce qu’il faut être mais bien une simple question de reconnaissance. Il faut que l’on sache, via divers critères préétablis, qui vous êtes, ce que vous êtes, dans un laps de temps le plus court possible. D’où la classification en de multiples caractéristiques : âge, apparence (vêtements, coiffure, démarche, façon de parler), goûts, revenu, sexualité, idéologie, pathologie et ainsi de suite. L’identification relève d’un amas de critères qui forment au final ce qu’on pourrait appeler un code barre imaginaire. Le phénomène de déstructuration sert alors, bien évidemment, la consommation de masse (et par là j’entends une consommation universel, dans le sens où tout ce que l’on fait est assimilable à de la consommation) : en identifiant le client, il est plus facile de savoir quoi lui vendre.
Dans l’Art aussi, d’ailleurs, on déstructure. On « impressionise » les paysages, on éclate les portraits, on abolie la narration, on démultiplie les points de vue (ce qui vaut aussi bien en littérature qu’en cinéma, d’ailleurs), on hache les rythmiques, on isole les instruments, on sépare les paroles et le chant, etc. En allant plus loin, on nie aussi la forme reconnaissable (l’avènement de l’abstrait), on tue l’intrigue, le personnage, la chronologie (héritage du Nouveau Roman ?), on devient même, parfois, absurde, on délaisse la mélodie (cf. les compositeurs contemporains et le minimalisme), etc.
Cette époque ressemble beaucoup à une époque de destruction massive, pour reprendre une expression à la mode. La déstructuration de l’individu, paradoxe dans cette société que l’on dit individualiste, équivaut à détruire à petits feux certains modèles culturels, certaines identités. L’individu n’est pas entier, il est fragmenté. D’où la notion de schizophrénie.
Il convient finalement de savoir, de deviner, ce que sera la restructuration à venir, car toute déstructuration annonce, j'imagine, une restructuration. Dans quelle direction voulons-nous aller, quelle évolution voulons-nous suivre ? Peut être un éternel retour aux sources, d'ailleurs, histoire de continuer de tourner en rond encore et encore...
