Redécouvrir les mythes et les dieux de notre Gaule

Les Gaulois d'aujourd'hui sont relativement familiers avec la mythologie gréco-romaine, quoique de moins en moins [1] ; ils le sont beaucoup moins avec les dieux, les mythes et les légendes de leurs ancêtres de culture celtique, dont on sait bien tout ce que leur doit la civilisation française. Il existe depuis longtemps des ouvrages utiles et complets, mais certains sont déjà vieillis [2]. Fort heureusement, depuis quelques années, d'excellentes publications sont venues combler une lacune regrettable, au moins au plan de l'accessibilité. Encore faudrait-il que les Français s'y intéressent, mais le moins que l'on puisse dire est que ni les médias, ni le discours officiel, ni l'École ne les y encouragent.
Nous voudrions ici présenter brièvement les meilleures de ces publications, par leur clarté, leur caractère accessible, ou bien par leur incroyable érudition....
La dernière en date est le livre de Yann Brekilien (Jean Sicard), un breton juriste de formation, ancien résistant, mais également diplômé d'études celtiques, et depuis toujours passionné par l'histoire bretonne, mais aussi par la civilisation celte en général. Et l'auteur, dans son dernier livre, s'est ouvertement fixé un objectif que nous trouvons fort louable : faire découvrir la vision du monde de leurs ancêtres aux Français qui l'ignorent encore. Si l'auteur n'est pas à proprement parler un spécialiste de haut niveau, il est néanmoins un bon connaisseur. Mythologie celtique, publiée en 2007, constitue un utile guide de découverte, bien écrit, pour un assez large public.
L'ouvrage de Miranda Jane Green, maître de conférences à l'université du Pays de Galles, simplement intitulé Mythes celtiques (1993, traduction française de 1995) est un peu différent. Plus synthétique encore, il constitue une très bonne introduction à l'univers spirituel et mythologique des anciens celtes. L'auteur a eu l'ambition d'exploiter l'ensemble des données qui permettent de connaître la mythologie des anciens Celtes : tradition gréco-latine, inscriptions et bas-reliefs d'époque gallo-romaine, récits médiévaux de l'Irlande, du Pays de Galles et de la Bretagne. Cette dernière catégorie est plus exploitée que les autres, en raison de la culture d'origine de l'auteur. Un très bon ouvrage cependant, qui contient, dirions-nous, le strict minimum qu'un Gaulois devrait savoir.
Bien différent et beaucoup plus conséquent est l'énorme somme publiée en 2000 par J.-J. Hatt, Mythes et dieux de la Gaule. L'ouvrage compte plusieurs centaines de pages, une très riche iconographie, et surtout un texte d'une rare qualité et d'une érudition exceptionnelle, fondée sur les décennies de recherche de ce brillant chercheur français. L'ouvrage porte sur la mythologie et les divinités des Celtes antiques, et se fonde avant tout sur la documentation archéologique et épigraphique. Le résultat est étourdissant. L'ouvrage s'adresse prioritairement aux spécialistes, aux passionnés, plutôt qu'à ceux qui veulent découvrir les bases. Il constitue une véritable encyclopédie, un vrai trésor qu'on se félicite d'avoir sous la main.
Les éditions Gallimard, dans la collection L'Aube des Peuples, a eu l'excellente initiative de publier deux des principaux récits de la mythologie celtique médiévale, qui puise cependant sa source dans les racines celtiques les plus anciennes. En effet, le lecteur français peut maintenant accéder facilement à la légende irlandaise de La Razzia des vaches de Cooley, traduite et annotée par l'universitaire français J.-Chr. Guyonvarc'h, ainsi qu'aux Quatre Branches du Mabinogi, traduite et annotée par P.-Y. Lambert, chercheur à l'EPHE et l'un des meilleurs spécialistes français du gaulois et des langues celtiques en général. Deux récits primordiaux, dont la substance dépasse largement le cadre des mythes fondateurs gallois ou irlandais : ils ont préservé à travers les âges la vieille pensée celtique sur le monde, transposée dans un discours de type légendaire. Ainsi, par exemple, dans les Mabinogi, le principal héros, le seigneur Pwyl, rencontre l'étrange cavalière Rhiannon, dont le comportement et les pouvoirs extraordinaires en font l'héritière de la déesse antique Rigantonna (Reine Sacrée), mais dont l'association avec le cheval rappelle aussi la déesse Epona, l'une des plus populaires des Gaules. Bref, des textes fondamentaux dont la connaissance est une grande richesse.
Enfin, parce que nous n'oublions pas qu'une communauté, c'est un groupe d'hommes qui songe aussi à l'avenir et donc à ses enfants, signalons le très beau livre Les Gaulois. Mythes et légendes, publié il y a une quinzaine d'années maintenant, mais qui se trouve encore assez facilement, notamment sur les divers sites de vente sur Internet (Amazon.com, Chapitre.com, etc.). Accompagné de très belles illustrations, le texte est destiné à des lecteurs à partir de 10-12 ans, mais peut aussi servir de recueil à raconter à des enfants plus jeunes encore. Les récits sont assez brefs, mais bien écrits, donnant une image merveilleuse de l'histoire et de l'imaginaire gaulois. On y rencontrera ainsi Protys et les Gaulois de Provence, Bennus et les oies du Capitole, les intrépides guerriers qui s'emparèrent de Delphes, le puissant Taranis, l'inquiétant Esus ou encore la belle et rassurante Epona. Le livre se clôt par un utile dossier historique destiné aux adolescents. Ce que l'Education Nationale ne fait plus, il est grand temps que les familles gauloises le fassent d'elles-mêmes sans plus attendre qu'on vienne les y aider !
La belle Epona séduira vos enfants...

Amaury Piedfer...[1] Elle n'est abordée, et encore très rapidement, qu'en cours de français et d'histoire, en classe de sixième ; dans chaque collège, la petite poignée de latinistes, qui se compte le plus souvent sur les doigts d'une main, étudie un peu plus sérieusement cet aspect fondamental de notre culture commune.[2] On rappellera en particulier l'excellent livre de P.-M. Duval, Les dieux de la Gaule, Paris, 1976.
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