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Chico e Maria (grupo Corpo da Vez)

Publié le 21 octobre 2010 par Magdala



L'année du Brésil sans Grupo Corpo ? Impossible. La séduction directe et l'efficacité virtuose de la compagnie de danse brésilienne créée en 1975 par la famille Pederneiras ont depuis belle lurette été plébiscitées par le public de la Maison de la danse de Lyon et celui du Théâtre des Champs-Elysées à Paris. Non sans raison. Dans son registre classique-contemporain savamment épicé, Grupo Corpo brandit une force vive lustrée par une écriture impeccable. Le talent majeur du chorégraphe Rodrigo Pederneiras consiste d'ailleurs à maintenir le feu brûlant de la sensualité sous l'élégance. Le cliché de la fièvre des corps latinos se résorbe alors sans pour autant disparaître. Les hanches virevoltantes, les bustes tout en ondulations se distinguent comme autant de motifs d'une gestuelle qui rassemble le corps dans un mouvement continu.

FLUIDITÉ MUSCLÉE

Délicat exercice que celui de conserver une décontraction physique dans un corset chorégraphique relativement serré. Dans la pièce Benguelê (1998), qui ouvre la soirée au Théâtre des Champs-Elysées, on est frappé par cette magie qui fait palpiter les vingt et un danseurs, sensibles comme de fines peaux de tambour. Leur fluidité musclée fait merveille dans des enchaînements de petits sauts, de pas cambrés.

Fouillant les racines africaines des Brésiliens à travers les gestes de la capoeira, de certaines danses folkloriques, cette pièce, construite sur d'incessantes traversées du plateau, dessine les lignes limpides d'une chaîne humaine coursée par l'urgence de vivre. En maillots chair et collants noirs, puis en pantalons blancs, les interprètes portent haut cette abstraction charnelle qui a fait la réputation de Grupo Corpo.

Sur un terrain très nouveau pour la compagnie, la seconde pièce intitulée Lecuona (2004), en hommage au compositeur cubain Ernesto Lecuona (1895-1963) dont certai-nes chansons populaires servent de bande-son au spectacle, additionne douze duos. Foulant les traces des pas de deux classique, comme ceux du rock et surtout du tango, ces douze numéros de couples, balancés à toute volée, ruissellent d'humeurs contrastées. Leur kitsch apparent dans l'habillage ­ robes courtes à volants pour les danseuses ­ se voit contredit par une virtuosité aux accents acrobatiques.

A grands renforts de portés risqués, de bascules des corps rattrapés in extremis, d'équilibres improbables, ces duos pulvérisent par leur invention les limites de l'exercice. Ils battent aussi en brèche l'idée même de la rencontre amoureuse.

Plus aucun alibi à cette joute de danseurs sous l'emprise d'une chorégraphie qui ne leur laisse pas le temps de respirer. La tension de chaque séquence distille, sous des dehors de bal à l'ancienne, une saveur extrême que des notes burlesques sauvent du "parcours d'obstacles". Pendant que des voix féminines égrènent les perles de l'amour, qu'il soit fusionnel ou blessé, Lecuona impose une mécanique chorégraphique à la beauté redoutable nommée Grupo Corpo. La compagnie fêtera fin 2005 ses trente ans d'existence avec une création sur une musique de Caetano Veloso.

Rosita Boisseau


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