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Dieu pognon

Publié le 23 octobre 2010 par Ruminances

donquichotteoulodelutopie.jpgOn court tous après le fric, à tout âge, de toutes classes… Oseille, blé, flouze, money ! Les mots ne manquent pas pour parler du poison, de l’argent, gros ou petit.

Cet article m’a été inspiré par une minuscule anecdote, à 2 fois 10 euros, mais révélée par l’immense amitié si gratuite : je reçois un jeune ami d’environ 35 ans, puis – à l’improviste – un suivant d’environ 10 ans de plus. Ils ne se connaissent pas et ont plaisir à faire gratuite connaissance l’un de l’autre, sous mon patronage de 72 berges.

On bavarde, on rit un temps, puis, l’aîné de mes 2 visiteurs, me tend, avant de partir, un billet de 10€ : ‘je te les dois’ J’avais oublié, il me rafraîchit la mémoire. Du coup, le cadet me tend un autre billet de 10 €… Qu’il ne me doit pas, mais, dit-il malicieusement : « c’est cadeau pour que tu arrêtes de parler de flouze… Et parce que j’ai bu de ton vin gratis ! »

Mes deux amis sont en ‘galère’. J’abrège. Moi aussi…, j’abrège. D’ailleurs, pour abréger, je reconnais que mes amis locaux sont presque tous dans la galère ! Mais une foultitude de réflexions me vient à l’esprit après le départ des jeunes amis.

D’abord celle, tristounette, d’être si nombreux à être dans la galère, puis celle, utopiste et joyeuse, de cette rencontre fortuite. Le fait d’avoir oublié le prêt de 10 €, pour l’un, puis le cadeau de l’autre pour m’inciter à arrêter de me plaindre (comme tout le monde ou presque) du fric. Je me constate à la fois avare, en tout cas soucieux de mes maigres ressources et généreux (un peu) pour un ami… Merci les amis de m’avoir aidé ainsi à réfléchir à ce carcan qui nous étreint tous, le pognon !

Le statut de la CGT clame ‘l’abolition du salariat’. Je ne sais si cet article fondateur a été supprimé, mais il est en tout cas complètement oublié, nié, dans les revendications de salaires, retraites, etc. Il est exact qu’aujourd’hui, tout passe par là. Notre petit fric mensuel, pour nos gros muscles et cerveaux, quitte à foutre la paix au gros pognon, monstrueux, des spéculateurs paresseux.

L’utopie a-t-elle vécue ? Certains le disent dans nos rangs. Pas moi. Ni mes deux amis de l’anecdote, ni des foules de Français, ni des milliards d’humains qui vivent, de gré ou de force, en dehors du ‘circuit monétaire’ ou presque. Ceux-là font dans la gratuité, la beauté…

Ils sont pauvres, certes. Du moins selon les critères de nos ‘savants économistes’ qui n’ont au cœur que des chiffres… ceux du fric. Mais s’ils sont pauvres d’avoirs, de ‘niveau de vie’, ils sont riches d’être, de gratuité et d’amitié. Du moins d’échanges égalitaires, ce ‘don contre don’ en nature, si bien décrits par des ethnologues.

Par exemple, le Bhoutan (sauf erreur) a remplacé l’absurde PIB glacé (les travaux de destruction, d’armement, en font partie !) par un indice du ‘bonheur de vivre’ ou quelque chose comme çà ! Oui, le bonheur existe, entre pauvres, du moins modestes, n’en déplaisent aux malheureux immodestes magouilleurs du CAC 40, bien incapables d’avaler les milliers de beefsteaks qu’ils pourraient se payer, l’un à la suite de l’autre, pendant très longtemps !

‘L’argent n’a pas d’odeur’, dit un dicton. Mais il pue de scandale en scandale. Je rappelle celui du ‘trésor de guerre du FLN’, dont l’essentiel est toujours en…Suisse ! On sait que le FLN, section France, a prélevé un dur ‘impôt révolutionnaire’ des ouvriers algériens immigrés ici, entre 1955 et 62. On sait aussi que des ‘porteurs de valise’ (Français opposés au colonialisme français) ont aidé le FLN à transporter cet ‘impôt’ à l’abri des banques suisses. On sait moins que, pour l’essentiel, cet argent n’a pas servi à la libération de l’Algérie, mais à diverses affaires de certains dirigeants (?) algériens…, et que le reste du magot est toujours en douce Helvétie !

Faut que je me calme… Je ne suis pas plus capable que vous, même ensemble, de sortir du carcan ‘fric’. On est tous et chacun(e) dans ce carcan, bien avant notre naissance. Et, à contrecœur ou pas, on a inculqué à nos descendant(e)s le super virus ‘pognon’ !

Il faut en sortir quand même, c’est vital : Vive la gratuité, la joie de vivre… quitte à composer (compromis sans compromission) avec les impératifs immédiats de chacun(e)… avant le grand chamboulement, peu à peu (il n’y a pas de ‘Grand Soir’ !). Petit à petit, réinventer, restaurer des filières de la fraternité, échanges ‘Sel’ par exemple, et prendre exemple sur les solidarités du pays du Sud, aussi…

Loin de cette anecdote personnelle, cet article est surtout inspiré par le conflit en cours sur la réforme des retraites, qui repose sur la folle docilité du gouvernement face au Medef, etc. ‘Pouvoir d’achat’ est le maître mot du problème, au premier plan. Et puis s’insinue aussi le ‘pouvoir d’être’, être vieillissant et heureux, à partir de 60 ans (au maximum pour les prolétaires), au lieu de souffrir et crever, de fatigue…

Dans les manifs, il y a de tous les âges pour être anti-flic : de ce lycéen de 16 ans à Montreuil, victime à l’œil d’un odieux flash-ball, à ici, un copain de 60 ans qui m’a confié : ‘je sais encore courir, je vais donc caillasser les CRS’. Et je viens d’apprendre, en effet, qu’il a échappé à se faire coincer, contrairement à quelques jeunes !

L’essentiel est là : on en a tous marre, confusément, de cette dictature de l’argent, imposé par la bourgeoisie régnante, celle de la très grande bourgeoisie et ses laquais de notre République, entre autres spéculateurs financiers. Nous avons ‘la dictature du bon sens’, de vivre, d’être. D’être amis, gratuits, entre-aidant, toutes générations. Avec nos problèmes, sûr, d’organiser ‘au moins mal puis au mieux’ la solidarité sociale élémentaire, pas à pas, de lieu à lieu.

Le pouvoir central ne pourra ainsi que s’affaiblir, s’écrouler, quelque en soit sa couleur, bleue, brune, rose… C’est encore largement utopiste. Je sais bien, comme chacun, que l’argent n’a pas fini de faire des ravages. Y compris dans nos mentalités, y compris dans la mienne…

Je sais aussi qu’il est des sociétés – d’hier sûrement et sûrement de demain – où l’on peut vivre sans les cours de la bourse et autres saloperies polluantes. Le revenu minimum, justement exigible, serait par exemple très très différent si les services sociaux fondamentaux, logement, santé, transports (etc.) étaient gratuits ! Et la culture !

Cette pollution du fric qui vicie les mœurs traditionnelles continue de s’étendre partout, via par exemple ‘l’achat du droit d’exploiter’ (forêt, pétrole, etc.) auprès de tribus traditionnelles récalcitrantes (Amazoniens, Inuits, etc.) qui vont avoir ‘de quoi se saouler la gueule’ et renier leurs valeurs. La stratégie de monétariser toute économie sociale traditionnelle, jusqu’aux ‘petits îlots’ dispersés de vie traditionnelle. Non seulement aux îles dispersées du Pacifique, mais aux oasis (qui sont des îles à leur façon) reculés. Je repense à l’anecdote que je relatais dans ma série marocaine : Au nom du progrès (et il est là réel), on va apporter ‘l’eau au robinet’ dans l’oasis de Merzouga, qui a toujours vécu de ses puits. Bien, mais il faudra la payer… Mais comment, par des gens qui vivent hors du circuit monétaire, pratiquement ? … Hé bien, il faut rentrer dans le circuit… et le tourisme va le favoriser !…

Dégâts très considérables du tourisme, en plus des pillages de ressources naturelles. Autre anecdote, que je n’ai pas encore dite, celle-là. Avant de partir de mon séjour d’Erfoud, j’ai besoin de changer un peu d’argent : je vais à la banque, où il y a 30 ou 50 personnes qui font la queue : beaucoup d’entre eux viennent toucher un mandat venu d’un ‘proche’, devenu lointain par son exil en Europe… Lorsque vient mon tour, je me fais ‘griller la politesse’ par un client qui a doublé tout le monde. Le guichetier se lève cérémonieusement pour le saluer et le servir en priorité : ce monsieur vient de la direction de l’hôtel principal de tourisme, porteur d’une valise. Il étale, prenant son temps, les liasses de billets étrangers (couronnes, dollars, francs, marks, livres, yens, pesetas…) à échanger. Au moins quinze minutes à compter et à recompter… Tout le monde regarde, énervé ou admiratif, ce vaste étalage sur le comptoir, plutôt genre zinc de bistrot que guichet sécurisé, et j’imagine qu’il serait facile à un audacieux voleur de ‘rafler la mise’. Mais non, ce n’est pas encore Chicago. Ici, personne n’y est encore Al Capone… Et d’ailleurs, cette culture du héros gangster pour films hollywoodiens est bien représentative de la dérive culturelle de l’idolâtrie du Roi Pognon déifié… dont la dernière messe n’est pas dite !

Les krachs boursiers vont finir le service religieux. Cela va être terrible pour tout le monde : nous, mais eux aussi en pire, puisqu’ils vont tomber de bien plus haut… Puis on retournera, tranquilles, à nos oignons ?

‘Tu me passes un litron, j’ai des échalotes’… et le sourire ! Ou, à défaut des échalotes, j‘ai une chanson, un poème, un dessin, toujours d’amour…


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