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La fille de la forêt

Par Clarac
Gwen aujourd'hui nous fait travailler dur ( une fois de plus!).
La consigne :
Je pense que vous connaissez toutes et tous Michel Onfray. Je vous avoue que j’apprécie l’homme et que les titres de ses ouvrages valent largement ceux d’Amélie Nothomb.  Je vous propose donc de vous amuser avec dix titres que j’ai choisis dans sa bibliographie et d’en faire un texte. Attention, c’est du costaud!Le ventre des philosophes, Féeries anatomiques, Les Formes du temps, Le désir d’être un volcan, Fixer des vertiges, L’œil nomade, L’apiculteur et les indiens, La raison gourmande, Le recours aux forêts, Splendeur de la catastrophe.
Et voici mon texte :
On l’avait toujours appelé la fille de la forêt. Depuis longtemps, tellement longtemps que même les anciens  du village ne savait plus  de quand ça datait. Quelle importance d’ailleurs, aux souvenirs étaient venus s’ajouter les rumeurs. Celles qui engendrent le dédain et sèment la méfiance dans leur sillon. Elle vivait avec sa mère dans un coin reculé bien plus loin que les derniers hameaux. De l’enfant maigrichonne qu’elle était, les formes du temps l’avaient façonnée en une belle jeune fille. Grande, mince, élancée, ses cheveux courant dans son dos, un visage au teint de porcelaine rehaussé de yeux noirs en forme d’amande. Elle était de ces femmes que l’œil nomade de l’homme attire, captive. Aucun n’était insensible à ses fééries anatomiques. Quand elle se rendait au village, les femmes se préoccupaient de savoir où étaient époux et fils. Elle venait, vêtue toujours de l’ancienne robe de deuil de sa mère. Ses sabots résonnaient sur les pavés alors que les femmes se dépêchaient de faire de rentrer leurs enfants. Elle allait chez sa tante qui lui racontait encore et encore les histoires du passé. Elle écoutait, demandait encore et toujours des détails. Sa tante l’interrompait car la raison gourmande de ce savoir ne lui plaisait pas. Alors, l’histoire devenait conte et la réalité brutale était embellie, transformée. Mais, sa tante âgée parlait toujours de l’apiculteur et des indiens. Sa nièce ne voyait pas comment des indiens auraient pu venir ici dans cette Bretagne des terres. Sa tante lui disait « n’oublie pas ma fille que notre terre est peuplée de légendes et que rien n’est impossible dans nos contrées ». Non, rien n’était impossible.
Son père avait été appelé à la guerre. Il avait quitté la ferme avec l’espoir de revenir vite. Pendant des mois, l’angoisse avait tiraillé sa mère jusqu’au jour où elle reçut un courrier lui annonçant la mort de son mari au front. Ses beaux-parents chez qui elle vivait ne savaient que faire de cette bru et de son enfant si jeune. Certes, elle participait aux travaux de la ferme mais elle et sa fille étaient avant tout deux bouches à nourrir. Son beau-père ne lui parlait plus, la regardait d’un œil torve et l’évitait. Sa belle-mère ne disait mot contrainte de respecter la décision de son mari sous peine de recevoir une volée de coups. Elle ressentait l’indignation qui grondait en elle, elle avait le désir d’être un volcan qui aurait pu déverser ses laves de colère. Le soir, elle se couchait fourbue avec sa fille dans le même lit. Blottie à elle, elle repensait aux jours heureux. Ses beaux-parents firent appel aux sages du village, ceux qu’on écoutait et respectait. Le beau-père acheta leur parole en sachant que le ventre des philosophes était comme celui de tout homme. De la nourriture, des vaches furent concédées une nuit. Elle s’en alla avec ses affaires et sa fille. Quand elles passèrent au  village, chacun baissait la tête. Courageusement, elle réconfortait sa fille : « nous allons avoir recours  aux forêts. Tu verras on va trouver une nouvelle maison et la personne ne viendra nous chasser ». Arrivées à la lisière de la forêt, le fille contemplait la cime des arbres : fixer un point, un nuage dans ce ciel pour oublier les pieds qui saignaient, le ventre qui réclamait à manger. Elle prit cette habitude de poser son regard sur ce qui l’entourait et d’inventer des histoires. Au village, on disait que la fille pouvait de ses yeux fixer, faire tomber les hommes en vertige. Les langues allaient jusqu’à dire que les hommes se retrouvaient le cœur vide, comme débarrassés de toute émotions et de  sentiment. La splendeur de la catastrophe dont elle  serait à l’origine était parvenue aux oreilles de la fille. Animée de rancune, elle allait au village dans l’espoir de voir son grand-père. Et peut-être que son cœur sec serait rempli de remords…

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