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Libérer la croissance : que pensez du rapport de la commission Attali?

Publié le 23 octobre 2010 par Rcoutouly

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 Libération de la croissance française, la commission présidée par Jacques Attali vient de rendre son rapport 2010. C'est l'occasion de porter un regard critique sur la manière dont notre pays conçoit son avenir et sur la manière dont ses élites le voit. 


Je renvoie déjà  à l'excellent article de Roland Verhille qui produit une analyse que je pourrais reprendre à mon compte. Je voudrais ici aller plus loin encore et dégager quelques idées fortes.

La composition de cette commission est en soi révélatrice. Une majorité d'hommes, quelques femmes, une composition issue essentiellement de l'élite parisienne, pratiquement aucun expert "écologiste", beaucoup de financiers et de chefs d'entreprise, peu de personnes chargée de la "chose publique". On voit mal comment des idées novatrices pourraient émerger d'un groupe aussi "classique". 

On comprend mal, à la lecture du rapport, quels seront les leviers de cette croissance? L'économie du savoir, revendiquée comme un saint graal, produit-elle assez de richesse pour cela? On voit mal pourquoi certaines mesures pourraient déboucher sur de la croissance supplémentaire: en quoi, par exemple, faire des directeurs d'école les supérieurs hiérarchiques de leur collègue pourrait dégager de la croissance supplémentaire?

En matière d'innovation, on ne peut être que déçu par la proposition de taxe carbone, une déjà vieille idée, une mauvaise idée verte comme je l'ai démontré dans de nombreux articles.

Autre problème de ce rapport : il semble lier fortement retour de la croissance et réduction des déficits publics. Ce postulat relève de l'idéologie plutôt que du bon sens. Tout en long de la deuxième moitié du XXéme siècle, l'application des idées de Keynes a montré le contraire.

C'est ainsi que l'on y présente les bons élèves. Les exemples de pays choisis (Nouvelle-Zélande, Canada, Suède) sont des pays qui ont réussi à réduire leur déficit sans forcément déboucher sur une croissance libérée ! Il est piquant d'y trouver aussi l'Irlande qui se trouve actuellement dans une situation très difficile!

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Si on veut se faire une  idée plus juste des facteurs favorisant réellement la croissance, il faut plutôt aller voir ce qui se fait, par exemple, au Brésil.

Le "miracle brésilien" s'explique par trois faits :

-une consommation importante des territoires et des espaces liée à l'avancée de la "nouvelle frontière" amazonienne. Cette idée de la corrélation entre territoire et croissance est souvent ignorée.

-une production manufacturée importante, et donc un tissu industriel vivace, investissant dans les secteurs économiques de pointe.

-la réduction des inégalités sociales entamée par Lula, il y a une décennie, qui a crée un cercle vertueux, consommation, production et croissance s'alimentant mutuellement.

On mesure à quel point le rapport de la commission Attali s'éloigne de ce schéma.

En s'inspirant du modèle brésilien, que faudrait-il plutôt faire en France?

D'abord, sortir des rigidités idéologiques actuelles obsédées par le taux de croissance et le taux de déficit.

Ensuite, puisque nous avons déjà consommé nos territoires urbains et péri-urbains, travailler à leur densification et à leur transformation en urbanisme durable et auto-suffisant en énergie.

Puis, créer une dynamique industrielle nouvelle autour de l'économie verte, en injectant de l'investissement dans le tissu des  entreprises françaises. Cet argent proviendra de l'économie carbonée désuète et coûteuse grâce au mécanisme des contributions incitatives.

Enfin, revoir le modèle social français en choisissant de l'adapter plutôt que de le réduire. En réfléchissant aussi à un nouveau partage du travail qui remettrait dans le circuit des pans entiers de la société pour un coût social faramineux.

Conclusion: contrairement à l'affirmation des auteurs du rapport, c'est l'Europe toute entière et non la France qui a perdu la croissance. Toutes les recettes présentés dans celui-ci ont donc déjà été essayé ailleurs et ont, toutes, montré leur limite. 

Le salut ne proviendra donc pas de quelques mesures faussement novatrices, il ne peut venir que d'une révolution industrielle et économique qui ne peut être que celle de l'économie verte. Le XIXéme siècle a été le siècle de la première révolution industrielle basée sur le charbon et la machine à vapeur. Le XXéme siècle fut celui de la société de consommation de masse appuyé sur la dynamique du taylorisme. Notre XXIéme siècle ne sera pas uniquement celui de l'économie du savoir, il  sera aussi celui d'une économie durable et verte. Et comme pour les siècles précédents, il s'agira d'une Révolution et non de réformes fortement ancrées dans de fausses représentations issus de l'"ancien" XXéme siècle.


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